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Cervioni : "le chjami è rispondi peut être un formidable outil pour se réapproprier la langue et participer au renouveau de la culture"


Fanny Avenoso-Blanc le Mercredi 21 Septembre 2022 à 19:45

Doctorante à l’Université de Corse, Anna-Catalina Santucci doit présenter en novembre prochain sa thèse autour du chjami è rispondi. C’est son implication pour ce chant emblématique de l’île de beauté qui lui a donné l’idée d’organiser, en collaboration avec l’ADECEC, une journée autour de ce type d’expression artistique qui s’est affranchi des barrières géographiques. Elle se déroulera ce samedi 24 septembre au couvent de Cervioni. La journée sera marquée par de nombreuses conférences sur le chant improvisé au travers de travaux et réflexions d’intervenants venus de tous horizons.



Anna-Catalina Santucci
Anna-Catalina Santucci
- Comment est née l’idée d’une journée dédiée au chant improvisé ?
- Je suis passionnée de chant improvisé, ça fait des années que je suis les poètes sur différents événements que ce soit en Corse ou également à travers le projet Incontru qui est un projet européen où nous avions déjà fait de nombreuses rencontres en Toscane et en Sardaigne. Nous avons déjà réalisé avec l’ADECEC il y a 2 ans, une première conférence sur le chjami è rispondi qui avait eu beaucoup de succès. L’association a souhaité aller plus loin et organiser une rencontre qui permette à la fois de regrouper des chercheurs, des doctorants et des professeurs d'université parce qu’en Corse c’est le chjami è rispondi mais ailleurs il existe d'autres formes. En Italie, aux Baléares et au Pays basque, il y a beaucoup de recherches, de travaux scientifiques donc on s'est dit que ça pourrait faire avancer les choses aussi au niveau du chjami è rispondi que ce soit pour sa reconnaissance par le large public mais aussi par la communauté scientifique.
 
- Quels sont les objectifs de cette journée ?
- Au niveau de la théorisation, je vais présenter ma thèse sur le chjami è rispondi en novembre et c'est vrai que c'est la possibilité, au niveau de de cette journée, de pouvoir échanger avec des chercheurs européens qui eux effectuent des travaux depuis des années sur leur chant improvisé. Ça permet d'avoir aussi des échanges scientifiques très riches, et accessibles au grand public, parce que le but c'est de donnerdes conférences qui puissent être vues par tout le monde et pas uniquement par les universitaires
 
- Avez-vous un public cible ?
- Le public cible c’est à la fois le grand public mais aussi les jeunes qui viennent s'intéresser, découvrir ce que c'est, et pourquoi pas ?, susciter des vocations. Il va y avoir des échanges durant la journée mais également des moments de chant que ce soit à midi lors du repas et le soir avec une démonstration des différents types de chants improvisés. Parce que ce ne sont pas les mêmes par rapport aux différents participants. Chacun a ses particularités, ses propres règles. Il y a des constantes bien évidemment mais les structures sont différentes.
 
-Diriez-vous que cette journée s’inscrit dans une volonté de perpétuer et d’affirmer la légitimité des langues régionales comme ici en Corse au travers des chjami è rispondi ?
- Oui bien sûr. Il y a une idée de reconnaissance de la langue et de travail sur la langue. Le matin ça sera plus consacré à des explications et l'après-midi sera plus axé sur l'enseignement de ces chants et sur la question de qu'est-ce qui se fait en Corse ? qu'est-ce qui se fait ailleurs ? et qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus ? Au Pays basque par exemple, c'est véritablement un outil et ça fait des années qu’il est utilisé dans les écoles et il a permis de développer la culture mais aussi la langue et le lexique. Parce que, évidemment pour chanter, pour improviser il faut avoir un lexique riche et cette pratique du chant improvisé, qui est une forme de jeu, peut être très intéressante pour les plus jeunes et permettre de valoriser et de remettre en avant la culture et la langue.
 
- Que pensez-vous que ces conférences puissent apporter à l’échelle régionale ?
- L'idée c'est vraiment de structurer le chjami è rispondi pour ne pas le perdre : pouvoir le transmettre, le développer, le valoriser et pourquoi pas arriver vers une professionnalisation. En Toscane, en Sardaigne, aux Baléares les poètes, qui se produisent, sont payés pour le faire. Au Pays basque, il y a des concours qui sont organisés tous les ans et le concours des jeunes rassemble plus de 10 000 personnes. Alors pourquoi ne pas susciter un engouement à cette hauteur parce que je pense que le chjami è rispondi a été un peu un peu mis de côté, peut-être un peu oublié par rapport à la paghjella qui connait aujourd’hui un renouveau très important et que beaucoup de jeunes chantent.
 
- Vous avez fait le choix de donner la parole à de nombreux intervenants européens. Pourquoi ?
- On a déjà rencontré la plupart de ces chercheurs mais c'est vrai que ces dernières années, à cause de la situation sanitaire, il y a eu moins d'échanges que ce soit au niveau de la Corse, de la Méditerranée et au niveau européen. L'idée c'est de relancer le réseau des poètes et d'envisager le développement des différents chants improvisés tout en permettant le retour de la convivialité, de l'échange et du partage autour d'un moment festif et culturel.
 
- Pensez-vous qu’il y aura une prochaine édition au vu de la popularité de la première édition autour du chjami è rispondi ?
- L'idée ici c'est d'aller plus loin que la première édition. La suite, qui semble logique, c'est de poursuivre ces échanges mais ailleurs, dans les autres régions méditerranéennes qui pratiquent le chant improvisé et que nous allons inviter. On pourrait reproduire ce même type de journée d'échange dans les autres pays avec qui nous sommes en contact. Une autre thématique pourrait être aussi des ateliers d'apprentissage – qui, en Corse, se réalisent plutôt dans des structures privées –. Donc pourquoi pas prolonger ça pour ensuite diriger les poètes vers les écoles et leur permettre d’y intervenir et d’animer des ateliers structurés au niveau de l'enseignement, avec les classes bilingues, puisque il me semble que le chjami è rispondi peut être un formidable outil pour l'apprentissage de la langue corse et pourquoi pas l’allier à l'éducation nationale pour montrer les bienfaits que cela peut avoir sur ce plan.

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