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Assemblée nationale : Les députés nationalistes corses créent un groupe parlementaire Libertés et Territoires


Nicole Mari le Mercredi 17 Octobre 2018 à 21:52

Ils avaient engagé les discussions dès leur investiture à l’Assemblée nationale en juin 2017. Ils n’en ont jamais démordu depuis, travaillant sans relâche à surmonter les obstacles pour obtenir le quota minimum de 15 élus. Les trois députés nationalistes corses viennent de gagner leur pari en annonçant, mercredi matin, au Palais Bourbon, avec 13 de leurs collègues, la création d’un groupe parlementaire « Libertés et territoires », regroupant 16 personnalités progressistes de diverses sensibilités (UDI, Radicaux, Ecologie, LREM), notamment Charles De Courson. Un groupe fondé sur trois piliers : des valeurs communes, la prise en compte de la voix des territoires et le respect de la liberté. La déclaration politique réclame, entre autres, l’autonomie pleine et entière de la Corse. Une indéniable victoire politique pour les Nationalistes corses. Explications, pour Corse Net Infos, de Jean-Félix Acquaviva, député de la circonscription de Corte-Balagne.



Le groupe parlementaire Libertés et Territoires, huitième groupe de l'Assemblée nationale.
Le groupe parlementaire Libertés et Territoires, huitième groupe de l'Assemblée nationale.
- La constitution de ce groupe parlementaire, le huitième de l’Assemblée nationale, est-ce une victoire politique ?
- Ah oui ! C’est un acquis politique important pour la revendication des territoires en général et la revendication corse en particulier d’autant que nous avons été moteurs de la création du groupe. C’est un acquis qui nous permet de converger avec d’autres députés, de vulgariser l’idée d’autonomie de la Corse dans le système politique et de continuer à agglomérer. D’autres députés, qui en ont marre de cette gouvernance trop verticale et trop centraliste, pourraient nous rejoindre.
 
- Quels députés forment déjà ce groupe à vos côtés ?
- Ce groupe, qui s’appelle « Libertés et territoires » est composée de 16 membres. Aux côtés de Michel Castellani, Paul-André Colombani et moi-même, il y a, bien sûr, François Pupponi qui a toujours été proche de nous. Paul Molac, député élu sous l’étiquette En Marche, a toujours été autonomiste. Cinq autres élus sont issus du Mouvement radical qui est né de la fusion du Parti radical de gauche et du Parti radical valoisien : Sylvia Pinel, Jacqueline Dubié, Olivier Falorni, Bertrand Pancher et M'jid El Guerrab. Egalement trois membres de l’UDI : Philippe Vigier, Yannick Favennec et Charles de Courson. Ainsi que François-Michel Lambert du Mouvement écologiste et élu d’En Marche, Jean-Michel Clément, ancien du Parti socialiste, passé par En Marche, et Sylvain Brial, député d’Outre-Mer.
 
- Charles de Courson a tellement œuvré contre la spécificité corse. N’est-ce pas un peu curieux de le retrouver à vos côtés ?
- C’est toute l’utilité d’avoir des députés nationalistes corses qui font du lobbying et qui sont en immersion à Paris pour défendre l’intérêt supérieur de la Corse ! Avec Charles de Courson et l’UDI, à travers notamment Hervé Morin, nous avons eu des discussions de fond sur la nécessité de comprendre que ce qu’il se passait en Corse aujourd’hui est un fait incontournable. La révolution démocratique a permis un changement de classe politique, un renouvellement à la fois générationnel et idéologique qui s’est exprimé trois fois : en décembre 2015, en juin 2017 avec trois députés sur quatre, et en décembre 2017 avec la majorité absolue sortie des urnes. La demande démocratique portée par les Corses d’un statut d’autonomie n’est pas antinomique avec une vision décentralisée de la République. Nous avons développé un argumentaire et bien étayé ce qu’est l’autonomie. De Courson reconnaît que cette vision n’est pas incompatible avec sa vision de la République et votera sur les propositions que le groupe fera en matière d’autonomie de la Corse et de révision constitutionnelle.
 
- Cela s’est passé de la même façon avec les autres membres du groupe ?
- Oui ! Il y a eu des évolutions. Lorsqu’on arrive à dialoguer sur le fond, des convergences sont possibles. A titre symbolique, j’occupe le poste de vice-président chargé des territoires, ce n’est pas neutre ! Au-delà du groupe, d’autres hommes politiques, très éloignés de la question corse, ont fait, aussi, ces derniers mois, des pas en avant. Je pense à Jean-Luc Mélenchon qui est favorable à l’article 74-2 pour la Corse dans la Constitution avec une vraie autonomie, alors qu’il est jacobin et a été très centraliste dans les années 90.
 
- Sur quels bases politiques avez-vous réussi à converger ?
- Malgré la diversité des origines, tous les élus ont convergé sur trois piliers politiques. Le premier est le pilier des valeurs. Notre groupe est très ancré dans des valeurs humanistes et progressistes. Il défend un développement économique soutenable en termes d’écologie et de finances publiques. Nous attachons beaucoup d’importance à la transition écologique, à l’urgence environnementale, mais aussi à un modèle vertueux des finances publiques pour les territoires et pour le pays. Un modèle qui admet la justice sociale et l’équité comme nécessités, notamment dans la construction des budgets. C’est, pour nous, essentiel au moment où le nouveau budget de la France, qui est en train d’être élaboré, oublie les plus démunis et affiche comme marqueurs : la fracture sociale, la fracture territoriale et la fracture environnementale. Un seul exemple : on augmente la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, pour récolter 8 milliards d’euros de plus, mais seul un milliard de plus est reversé au ministère de l’Ecologie. Où vont les 7 autres milliards récoltés ? Cela veut dire que la transition écologique reste, pour l’instant, très cosmétique.
 
- Le deuxième pilier porte-t-il sur les territoires ?
- Oui ! Bien sûr ! Il faut assumer une nouvelle phase de décentralisation politique pour tous les territoires avec des solutions adaptées à chacun d’entre eux. Cela va jusqu’à la reconnaissance d’un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice pour la Corse en termes législatif, règlementaire et fiscal, incluant le transfert de la fiscalité du patrimoine. Un statut d’autonomie réclamé aussi par d’autres territoires d’Outre-mer. Pour les régions dites continentales, il faut bien clarifier leur droit à la différenciation.
 
- Et le troisième pilier ?
- C’est la liberté ! Elle doit permettre une démocratie réelle et l’équilibre des pouvoirs. Il faut éviter que le Parlement ne soit qu’une Chambre d’enregistrement et, par la révision constitutionnelle, renforcer son pouvoir face à l’Exécutif qui veut devenir le moteur de la rédaction des lois. La liberté, aussi, des opinions dans la mesure où chaque élu de notre groupe conserve, au-delà de ces trois piliers sur lesquels nous aurons un vote commun, la liberté de vote sur certains sujets.
 
- Faire partie d’un groupe, qu’est-ce que cela change ?
- Les moyens administratifs et d’ingénierie. Ils vont être décuplés. Nous aurons la capacité d’avoir cinq à six assistants parlementaires en plus pour rédiger des propositions de lois et des amendements. Nous serons présents, par l’intermédiaire du groupe, dans toutes les commissions pour défendre nos positions. Nous aurons aussi la capacité de créer des groupes d’études et de missions avec des budgets particuliers. Pourquoi pas une mission sur la Corse et sur les territoires ? Ces moyens de fonctionnement nous permettront d’agir en termes de communication et d’échanges avec d’autres territoires, y compris européens, faire des comparaisons, monter des projets et arriver à créer des convergences plus larges.
 
- Y-a-t-il eu des pressions de la part de la majorité nationale pour empêcher la constitution du groupe ?
- Oui ! C’est évident ! Nous avons eu, pendant de longs mois, des discussions avec des personnes qui ne nous ont pas rejoints, qui auraient du être avec nous et ne le sont pas. L’Exécutif a eu un œil averti pour éviter que ce groupe se fasse. Cette nouvelle offre politique peut déranger sa petite cuisine. On constate qu’il vient au même moment, - et c’est assez cocasse ! – de créer un grand ministère sur les territoires avec à sa tête, Jacqueline Gourault, qui parle de « la nécessité de réconcilier les territoires ». Le gouvernement admet la fracture. Il est mal à l’aise, obligé de donner le change, mais sans annonce réelle, sans un vrai pacte de confiance, sans un vrai respect des territoires et de ce qu’ils demandent, sans apporter de solutions. On peut prendre l’exemple des régions continentales, de la Corse, mais aussi de la Réunion qui demande à être insérée dans l’article 73 de la Constitution et à laquelle il ne répond pas. Ou l’ensemble des territoires d’Outre-Mer qui ont vu l’ensemble de leurs demandes budgétaires être contrecarrées en Commission des finances, réduisant à néant les espoirs créés lors des Assises de l’Outre-Mer.
 
- Comment vous situez-vous sur l’échiquier politique par rapport à la majorité gouvernementale ?
- Les choses sont très claires ! Nous ne sommes pas un troisième groupe de la majorité. Pas du tout ! Nous sommes un groupe indépendant qui ne fera pas d’opposition systématique, mais qui montera de manière frontale, chaque fois que ce sera nécessaire, face aux politiques injustes de l’Exécutif au niveau territorial. Nous pensons que cette annonce va créer des mouvements de ligne au sein de l’hémicycle et, peut-être, attirer d’autres députés qui se questionnent beaucoup et risquent de rejoindre notre démarche notamment sur notre vision cohérente des territoires qui, quoi qu’on en dise, faisait défaut. D’autres groupes ont saisi conjoncturellement cette question pour monter contre l’Exécutif sans avoir de vision précise de l’architecture territoriale. Nous en avons une, très cohérente. Nous pensons pouvoir nourrir un rapport de forces positif pour faire bouger les choses et aboutir à de vrais compromis politiques. Nous allons être très attentifs à tout ce qui va se passer dans les prochains jours, notamment les visites annoncées de Bruno Le Maire et d’Edouard Philippe en Corse.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

Composition du groupe parlementaire « Libertés et territoires »

Assemblée nationale : Les députés nationalistes corses créent un groupe parlementaire Libertés et Territoires
Philippe Vigier, député (ex-UDI Agir et Indépendants) de l'Eure-et-Loir, co-président
Bertrand Pancher, député (ex-Mouvement radical) de la Meuse, co-président
Sylvia Pinel, député (ex-Mouvement radical) du Tarn-et-Garonne, 1ère vice-présidente
Jean-Félix Acquaviva, député nationaliste de la 2ème circonscription de Haute-Corse, vice-président chargé des territoires.
Jean-Michel Clément, député (ex-LREM) de la Vienne, vice-président.
Paul-André Colombani, député nationaliste de la 2ème circonscription de Corse du Sud
Michel Castellani, député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse
Olivier Falorni, député (ex-Mouvement radical) de Charente-Maritime
Jeanine Dubié, député (Ex-Mouvement radical) des Hautes-Pyrénées
M'jid El Guerrab, député (ex-Mouvement radical) des Français établis hors de France
Charles Amédée de Courson, député (ex-UDI) de la Marne
Yannick Favennec, député (ex-UDI) de la Mayenne
François Pupponi, député (ex-PS) du Val d’Oise
François-Michel Lambert, député (écologiste, ex-LREM, membre de l'UDE)
Paul Molac, député (ex-LREM) du Morbihan
Sylvain Brial, député (Non-inscrit) de Wallis-et-Futuna.
 

Des réactions politiques en Corse

Jean-Charles Orsucci : « Une composition et un positionnement qui interpellent » 
« La création du groupe "Libertés et Territoires" officialisé ce jour interpelle à plusieurs titres : sa composition (PRG - PS - NI dont 3 Nationalistes Corses - UDI), et l'attitude que celui-ci aura au sein de l'hémicycle de l'Assemblée Nationale. 
D'une part, on ne peut qu'être surpris lorsque l'on voit s'afficher les députés nationalistes insulaires aux côtés d'autres parlementaires dont les positions ont toujours été aux antipodes de ce qu'ils ont pu défendre pour la Corse, comme Charles de Courson. 
D'autre part, il convient de saluer les déclarations des parlementaires co-présidant ce groupe qui « souhaitent la réussite de la politique d'Emmanuel Macron » et qui a vocation à soutenir le Gouvernement « si jamais il y a des textes qui vont dans le bon sens » tout en demeurant indépendant et en s'opposant aux propositions de l'Exécutif si nécessaire. 
Ce groupe aussi surprenant qu'inédit sera sûrement soumis au tribunal de la cohérence politique. Il sera intéressant d'étudier son positionnement dans les prochains jours, en espérant que cette alliance ne soit pas une alliance purement opportuniste ». 
 
Jean Zuccarelli : « Le texte de la déclaration politique du groupe nous interpelle »
« Un groupe parlementaire « Liberté et territoires » est créé par 16 députés n’appartenant à aucun autre groupe politique, au nombre desquels figurent les députés radicaux, les 3 députés nationalistes corses ou Charles de Courson.
En dépit du caractère proclamé de ce groupe qui n’emporte, en principe, aucune solidarité politique, cette initiative venant de membres éminents de notre parti dont la Présidente Sylvia Pinel, les risques d’amalgames qu’ils semblent accepter et très concrètement le texte de la déclaration politique du groupe nous interpelle, avec mes amis, sur la lecture qu’ils font des valeurs fondamentales du radicalisme. Dans un texte interminable et touffu (volontairement ?), une phrase au détour de la page 3 évoque des « …innovations …pouvant aller jusqu’à une vraie autonomie politique et décisionnelle, pleine et entière, au sein de la République comme en Corse et dans certains territoires d’outre-mer ». Nous y voilà. La Corse est alignée sur les T.O.M « au sein de la République », mais pouvant en sortir car nantie de l’autodétermination. C’est évidemment, dans un ficelage hypocrite, inacceptable.
 
Fidèles à nos valeurs, nous continuerons, aussi longtemps que ce sera possible, à les défendre bec et ongles à l’intérieur du Mouvement Radical récemment réunifié. Mais le mouvement insulaire « Gauche Républicaine Corse » que nous venons de créer s’avère plus que jamais nécessaire. Nous voulons, rassembler, galvaniser, faire entendre la voix de ceux et celles qui croient que leur attachement à la Corse, à son identité, à ses institutions puissamment décentralisées, n’est pas antinomique, au contraire, de l’adhésion à la République indivisible et fraternelle, gage de solidarité et de sécurité. Je précise que l’appartenance à ce mouvement n’est pas exclusive de l’appartenance à un autre parti. Nous en sommes, d’ailleurs, l’illustration ».