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Apéros dans les vignes, yoga, dégustations : les vignobles corses misent sur l’agritourisme


Christophe Giudicelli le Mardi 27 Mai 2025 à 19:58

En Corse, l’agritourisme se développe comme un levier de diversification pour les exploitants agricoles. Face à la baisse des volumes de vente, plusieurs domaines misent sur les apéros dans les vignes, les hébergements ou les stages de bien-être pour maintenir leur activité. Ce mardi, en visite à Patrimonio, la ministre déléguée au Tourisme, Nathalie Delattre, a salué cette dynamique tout en soulignant la nécessité de poser un cadre pour préserver la vocation agricole des terres



Agritourisme : les agriculteurs corses vont-ils se transformer en professionnels du tourisme ?
Agritourisme : les agriculteurs corses vont-ils se transformer en professionnels du tourisme ?
Deuxième jour de visite en Corse pour Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du Tourisme. Cette journée de mardi a été marquée par une première halte à Corte puis en Balagne, pour évoquer la question de la gestion des flux touristiques. L’après-midi, un détour par Patrimonio a permis une rencontre avec des vignerons pour parler d’œnotourisme et d’agritourisme. Un tourisme dans l’air du temps : « 20 % de croissance ces huit dernières années et 12 millions d’œnotouristes en France », avance la ministre. Selon les données du site internet d’Atout France, le tourisme rural enregistre en France 160 millions de nuitées touristiques, dont 19 % de clientèle internationale.

Pour la ministre, l’objectif est : « de mettre en lumière ce tourisme qui connaît déjà du succès ». En Corse, les secteurs de l’agritourisme et de l’œnotourisme sont déjà bien développés : visites de domaines, pique-niques et apéros dans les vignes, mais aussi stages de yoga, de bien-être, hébergements et restauration au cœur même des vignobles. Autant d’activités qui génèrent des retombées économiques pour les agriculteurs et les viticulteurs. À Morsiglia, la vigneronne Margueritte Lippi, du Clos Paoli, organise des apéros dans ses vignes : « C’est un plus pour la visibilité, notamment via les réseaux sociaux. Cela permet de mettre en valeur nos produits. Nous proposons une visite et une dégustation des vins produits sur le domaine. Sur le plan économique, cela nous apporte des clients. Pour cette activité, 70 % de notre clientèle est locale. » Même constat à Vescovato pour Claire Falcucci, du domaine éponyme, qui a également lancé des apéros dans ses vignes depuis deux ans. Elle accueille majoritairement des touristes :« C’est une expérience recherchée par la clientèle. »

Derrière cet engouement pour l’agritourisme se cache un besoin profond de diversification, en réponse à une réalité économique : la baisse des ventes et des volumes produits. « La consommation a changé. Nous sommes obligés de nous reconvertir dans l’agritourisme. J’ai aménagé une salle de dégustation. C’est plutôt plaisant et cela représente jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires du domaine », explique Claire FalcucciAurélie Melleray, œnologue du domaine Montemagni à Patrimonio, va plus loin : « L’agritourisme est vital. Il permet d’attirer une clientèle intéressée, motivée, et suscite de la consommation et de l’intérêt. Cette diversification est nécessaire. Les gens sont en quête du vin, mais aussi de tout ce qui l’entoure, comme le patrimoine. » Les vignerons ont donc dû acquérir de nouvelles compétences en matière de tourisme. Des formations ont notamment été dispensées par la Chambre d’agriculture.

Les agriculteurs vont-ils se transformer en professionnels du tourisme ?
Pour autant, les agriculteurs sont-ils en train de devenir des professionnels du tourisme à part entière ? Sur le site national des Chambres d’agriculture, on peut lire que certains exploitants tirent jusqu’à 60 % de leurs revenus de l’agritourisme.
Claire Falcucci apporte sa pierre au débat et témoigne de ses échanges avec des collègues hors de Corse :« Aujourd’hui, certains vignerons vous disent qu’il est plus rentable de faire de l’agritourisme que de l’agriculture. »

Un risque dont les autorités sont conscientes, à commencer par Jean-Baptiste Arena, président de la Chambre d’agriculture de Corse. Pour lui, il ne faut pas : « Que demain les terres agricoles deviennent un prétexte pour construire des hôtels et des gîtes dans les vignes. » En Corse, certains domaines viticoles proposent déjà des prestations d’hébergement allant du tourisme simple au luxe. Une dynamique génératrice d’emplois et qui participe à la montée en gamme de l’offre touristique insulaire. Mais une question demeure : comment préserver les surfaces agricoles nécessaires à notre alimentation tout en permettant aux agriculteurs d’augmenter leur niveau de vie grâce à la diversification ?
Nathalie Delattre, ministre chargée du Tourisme, avance des arguments : « J’ai été l’un des sénateurs à l’origine de l’agrivoltaïsme. Nous avons imposé que la production d’électricité ne soit pas supérieure à ce que rapporte la production agricole. Je souhaite lancer une mission d’information sur l’agritourisme car il n’existe pas encore de définition légale, ni de cadre fiscal. Cela permettrait de réguler l’activité et de préserver les terres agricoles, en ne dépassant pas un chiffre d’affaires supérieur à celui généré par la production agricole. C’est important pour assurer notre souveraineté alimentaire. »

L’enjeu, désormais, sera de clarifier le statut de l’agritourisme, pour accompagner son développement tout en préservant les équilibres agricoles.

La ministre du tourisme à Patrimonio
La ministre du tourisme à Patrimonio