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AFM Téléthon : Où va l’argent des dons récoltés


Lydie Colonna le Mercredi 26 Novembre 2014 à 23:08

A moins d’un mois du week end consacré au téléthon, alors que l’équipe organisatrice et tous les bénévoles sont à pied d’œuvre, bon nombre d’entre vous se demande si ça vaut vraiment la peine de donner et où va réellement tout cet argent récolté ? Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM Téléthon et de Généthon reconnaît qu’après 25 ans, la question est légitime. C’est pourquoi une journée de présentation des locaux et des projets de l’AFM Téléthon a été proposée à la presse afin qu’elle puisse rendre compte à ses lecteurs de la manière dont sont utilisés les dons. Corse Net Infos a répondu à cette invitation.



le laboratoire Généthon à Evry
le laboratoire Généthon à Evry
L’association AFM Téléthon, c'est quoi ?
L’AFM Téléthon est une association créée en 1958. Elle ne se compose que de malades ou parents de malade qui n’ont qu’un objectif : vaincre ces maladies génétiques rares.Vingt et unes d’entre elles siègent au conseil d’administration guidées et soutenues par un comité financier composé de six experts et un comité scientifique de 92 professionnels internationaux. Tous, sont des bénévoles sauf Laurence Tiennot-Herment qui occupe la fonction de présidente depuis 2003, rémunérée depuis 2005 au regard de ses multiples responsabilités (présidente de l’AFM Téléthon, présidente du Généthon, gérante de l’AFM production, administrateur des GIP Génopode, de la fondation des maladies rares, de la fondation Imagine) et donc de sa présence permanente devenue nécessaire.

L’AFM Téléthon est une grosse machine qui s’appuie sur près de 3600 bénévoles permanents et 533 salariés. L’association s’organise autour de trois missions : guérir, aider et communiquer.
Pour répondre à son premier objectif qui est de guérir, l’AFM Téléthon a créée ses propres laboratoires : Généthon et Généthon Bioprod, l’institut de myologie, l’I-STEM et Atlantic gène thérapies regroupés en un institut des biothérapies des maladies rares dont l’objectif est d’accélérer la mise à disposition de traitements.
Pour venir en aide aux malades et leur famille, AFM Téléthon a mis en place un véritable réseau : 25 services régionaux avec des référents parcours de santé, 68 délégations départementales, 8 groupes d’intérêt composés de bénévoles experts de ces maladies, des lieux de séjour comme le village répit famille.

Pour répondre à sa volonté de communiquer l’AFM Téléthon édite de nombreuses publications destinées autant aux professionnels qu’aux familles. L’association accueille également tout au long de l’année des visiteurs au sein de ses laboratoires. CNI a répondu à une de ces invitations et nous avons visité les laboratoires de Généthon, Généthon Bioprod et celui de l’I-STEM situés à Evry, en région parisienne.
Des laboratoires financés pour la plus grande partie par l’AFM Téléthon, c'est-à-dire par les dons récoltés lors des 30 heures du Téléthon. 81% de ces dons sont reversés aux missions locales qui consistent à guérir, aider et communiquer.

Le Généthon

Le premier laboratoire que nous visitons ce sont les locaux de Généthon, sa banque d’ADN, présentée par le docteur Safa Saker, responsable des lieux ; le pôle imagerie dirigé par le docteur Daniel Stockholm, responsable de la plateforme imagerie-cytométrie.
La banque d’ADN est l’endroit où sont collectés des échantillons d’ADN. Ces échantillons sont codés dès leur prélèvement afin de conserver l’anonymat des familles. Nous voyons d’abord la salle d’extraction de l’ADN sous forme de « méduse ». un seul automate d’extraction coute 100 000 euros. Ensuite les cellules sont immortalisées et stockées dans une seconde salle appelée le coffre fort. Cela correspond à trois mois de travail. Les cellules sont centrifugées et rassemblées dans 5 tubes (2 sont envoyés à Paris). Les trois autres sont répartis dans des cuves d’azote. Il y en a 14 dans le coffre fort dans lesquelles sont répartis 300 000 échantillons soit 85 000 patients et 450 pathologies différentes. Ces cuves d’azote dont le prix avoisine les 15 000 euros l’une, ne doivent pas monter au dessus de -190 degré. A l’intérieur, les flacons sont rangés dans des tiroirs mis sur des rails plongés dans l’azote.
Une impressionnante collection d’échantillons d’ADN, d’une valeur inestimable sous haute surveillance tant pour faire face à d’éventuelles intrusions extérieures que pour palier à tout dysfonctionnement d’une cuve. Une quinzième cuve vide est toujours en état de marche pour prendre le relais si besoin.

La plateforme d’imagerie relève d’un autre domaine mais n’en reste pas moins impressionnant. Il s’agit, grâce à des microscopes de scanner les échantillons et, afin d’optimiser les vecteurs utilisés pour la thérapie génique, ils sont observés en 3D pour voir comment ils entrent dans les cellules et de quelle manière ils se déplacent vers le noyau. Le vecteur, souvent d’origine virale, est « un moyen de transport » utilisé pour faire pénétrer dans les cellules le gène thérapeutique visant à remplacer le gène défectueux dans la thérapie génique. La thérapie génique ou génothérapie est le cheval de bataille du généthon. Créé en 1990 par l’ AFM Téléthon, sa mission consiste à découvrir des traitements innovants en matière de thérapie génique. Financé à 80% par les dons du téléthon sur trente millions d’euros, il regroupe plus de 230 experts, œuvrant pour la mise sur le marché de traitements innovants. Est-il bon de rappeler que Généthon est le pionnier dans le décryptage du génome humain et l’auteur de la publication des premières cartes du génome humain. En clair, il faut savoir qu’aujourd’hui, trouver un gène nécessite 3 à 4 mois. Pour bien se rendre compte de l’avancé que cette découverte représente pour la recherche, il est bon de préciser qu’à l’époque, il a fallu 10 ans pour trouver le gène responsable de la Myopathie de Duchenne. Ces cartes du génome sont un véritable pas de géant pour la recherche du traitement en matière de thérapie génique. Et il ne faut surtout pas oublier que c’est grâce au Téléthon, grâce aux dons que cette découverte a pu être faite.

Aujourd’hui, Généthon se consacre essentiellement au développement et à la production de médicaments de thérapie génique. Il est là où les entreprises de biotechnologies ne veulent pas aller car les thérapies géniques concernent les maladies rares et sont donc trop peu rentables pour les industriels. Ce qu’ont voulu montrer Frédéric Revah, directeur général de Généthon, et ses collaborateurs en montrant leur travail, c’est que depuis 24 ans, les progrès sont phénoménaux. On est à deux doigts de pouvoir mettre en vente sur le marché des médicaments pour soigner les maladies rares et ce, grâce à l’argent du téléthon.
Pour y parvenir, il reste encore à franchir l’étape des essais cliniques sur l’homme. Trois avancées majeures dans ce domaine sont à souligner : le développement et l’évaluation clinique d’un produit thérapeutique génique pour une forme de dystrophie musculaire ; la mise en place d’une approche dite de « saut d’exon » dans le cas de la dystrophie musculaire de Duchenne, qui consiste à restaurer la production de dystrophine dans une forme plus courte mais fonctionnelle ; la mise au point d’une thérapie génique ex vivo pour le syndrome de Wiskott Aldrich. D’autres projets sont en cours en interne ou dans le cadre d’un partenariat international. Des essais cliniques sont à venir dont celui réalisé dans le cadre de la myopathie de Duchenne.

La myopathie de Duchenne

La myopathie de Duchenne ou DMD (dystrophie musculaire de Duchenne), maladie des muscles qui touche les garçons. Elle provoque une dégénérescence de tous les muscles à cause d’un déficit en dystrophine, qui correspond au joint du muscle. Le gène qui code la production de dystrophine est défectueux. Le problème principal rencontré par les chercheurs en thérapie génique c’est que le gène de la dystrophine est le gène le plus grand de l’organisme.se pose alors le problème de transport par un vecteur, ce dernier étant plus petit que le gène lui-même. La thérapie génique d’Atlantic gène thérapie, financée par l’AFM Téléthon repose sur une nouvelle approche appelée « saut d’exon ». Il s’agit de supprimer la partie du gène malade.
Illustration
Gène sain : Sam est mon bon ami
Gène malade : Sam est mon on ami
Saut d’exon : Sam est mon ami
On supprime le « om » permettant ainsi d’obtenir un gène qui produit de la dystrophine dans une version raccourcie mais fonctionnelle.

La méthode a été testée sur 18 chiens de trois à quatre mois auxquels on a injecté le gène médicament en intra veineuse dans un membre. Les résultats montrent que la production de dystrophine est rétablie à un niveau satisfaisant permettant de rétablir une force musculaire locale.
Des tests cliniques chez l’homme sont prévus début 2016. Les patients concernés sont déjà identifiés et suivis depuis deux ans. Dans un premier temps le produit médicamenteux sera injecté dans un membre. Mais le produit étant 1000 fois plus grand qu’un médicament normal il va d’abord falloir fabriquer du bioproduit c'est-à-dire du produit concentré. C’est là, la fonction du laboratoire Généthon Bioprod.

Généthon Bioprod

C’est le plus grand centre au monde de production de médicaments de thérapie génique. C’est le premier laboratoire associatif à obtenir le statut d’établissement pharmaceutique (en 2013).
Frédéric Revah nous entraine dans les 5000 m2 de laboratoires répartis sur deux étages, plus un étage technique. Chaque pièce a une réglementation. Nous ne pourrons y entrer car tout doit être stérilisé et passé dans un autoclave. Pour produire des traitements il faut produire des vecteurs en quantité suffisante. On utilise des cellules « usines » qui sont cultivés dans des bio réacteurs dont la contenance va jusqu’à 200 litres et dans lequel les cellules se multiplient pendant environ deux semaines sous haute surveillance. On donne ensuite aux cellules un morceau d’ADN qui leur donne toutes les infos nécessaires pour fabriquer le bio médicament. Ce dernier doit être alors purifié dans une colonne de chromatographie qui retient les bio médicaments et laisse passer les déchets cellulaires. Puis on verse un liquide pour décrocher ces bio médicaments.

On récupère 4 litres de produit pour 200 litres de production, 4 litres qui une fois concentrés donnent 200 ml divisés en Ampoules de 2 ml.
Ces ampoules sont contrôlées (3 à 4 mois) avant d’être envoyées vers les hôpitaux pour être injectée aux patients. Le second étage correspond à la salle des machines, véritable centrale du traitement de l’air. L’air extérieure est filtré et réchauffé avant d’être injecté dans les différentes zones par les plafonds. Tout le fonctionnement du laboratoire et les différentes équipes (60 experts) sont entièrement financés par l’AFM Téléthon, c'est-à-dire encore une fois par les dons récolés lors des 30 heures du téléthon.

L’I-STEM et la thérapie cellulaire

Le troisième laboratoire que nous visitons est l’I-STEM. Crée en 2005, l’I-STEM est un centre de recherche et de développement spécialisé en thérapie cellulaire. La thérapie cellulaire consiste à greffer des cellules pour réparer ou régénérer un organe ou tissu. Elle repose sur trois types de cellules souches : les cellules souches adultes, capables de se régénérer (foie, muscles…). Elles sont prélevées sur les patients, cultivées puis réinjectées sans risque de rejet. Malheureusement, elles sont rares et difficiles à cultiver ; les cellules souches embryonnaires se trouvent dans l’embryon. Faciles à cultiver elles peuvent se transformer en tout type de cellules ; les cellules souches pluripotentes induites permettent de prendre une cellule souche de la peau, la renvoyer à l’état embryonnaire et la transformer en une autre cellule souche (ex : le cœur).
En 2014, l’I-STEM a réalisé un essai clinique sur l’épiderme. Un essai est prévu en 2015 sur la rétine (DMLA) qui consiste à remplacer les cellules dégénérées derrière la rétine. Un troisième essai est en préparation pour 2016/2017 sur les neurones Huntington.

Xavier Nissan, chargé de recherche, et son équipe s’intéressent de près à la maladie du vieillissement (la progéria) qui consiste à vieillir de 10 ans par année. Cette maladie est due à la progérine que l’on produit normalement à partir de 70 ans. Chez les personnes atteintes de cette maladie, elle est produite dès la naissance. Tout le corps vieillit sauf les neurones. Le travail des chercheurs est donc basé sur les cellules des neurones.
Le statut de l’I-STEM est semi public, semi privé. Son fonctionnement est donc pris en charge à 50% par l’AFM Téléthon donc par les dons du Téléthon.

(Photos Maryline Santi)