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"A maffia no, a vita iè" amorce le dialogue avec l'État


Julia Sereni le Mardi 30 Juin 2020 à 18:47

Le collectif « A maffia no, a vita iè » a rencontré ce mardi 30 juin le Préfet de Corse Franck Robine. De cette entrevue est ressortie une volonté commune de dialogue, et de poursuite des échanges. Si le collectif émet des propositions concrètes, il en appelle aujourd’hui surtout à la vigilance et à l’investissement citoyen.



Jean-Francois Bernardini, Léo Battesti et Ernest Centofanti, du collectif « A maffia no, a vita iè »
Jean-Francois Bernardini, Léo Battesti et Ernest Centofanti, du collectif « A maffia no, a vita iè »
« Ce dialogue est déjà une victoire » se félicite Jean-François Bernardini, cofondateur du collectif « A maffia no, a vita iè ». Avec d’autres membres parmi lesquels Leo Battesti et Ernest Centofanti, ils ont rencontré ce mardi 30 juin le Préfet de Corse Franck Robine.
Une première impression plutôt favorable : « Il n’est ni dans l’esquive ni dans le déni ». Et de poursuivre : « Avec le Préfet, nous voyons la même chose ».
De quoi conforter leur démarche, essentielle mais ardue. « C’est un long combat » avoue Jean-François Bernardini. Mais la nécessité d’agir leur apparait aujourd’hui brûlante : « Personne ne peut être satisfait de la situation. Il n’est plus possible de ne pas se sentir concerné. D’autant qu’il n’y a rien de plus anti Corse que la mafia ». Et pourtant, le collectif le reconnait, la société insulaire ne parvient pas encore à faire entendre sa voix : « La Corse n’est pas encore toute entière derrière le collectif, mais il y a une colère, qui ne s’exprime pas encore ouvertement. Notre fonction est de prendre cette colère au sérieux. Aujourd’hui elle est réprimée par la peur ».
 
La peur face à un système, que l’on peine encore à nommer
Est-il ou n’est-il pas une mafia ? « On peut être en désaccord sur le mot mais pas sur les réalités » tranche Jean-François Bernardini. « Ce thème n’est pas exploité lors des campagnes électorales, c’est bien la preuve qu’il y a une emprise ». Même constat pour Ernest Centofanti, pour qui « La conquête du pouvoir économique et politique est inquiétante ». Et Jean-François Bernardini de pointer du doigt le système de gestion des déchets : « Nous payons sept fois plus cher que la moyenne pour un service qui n’est pas rendu : à qui cela profite ? ».
Le collectif dénonce en effet un système globalisant, dans lequel « les meurtres ne sont que le dernier maillon d’une chaîne de responsabilités ».
 
« A mafia no, a vita iè » s’insurge contre le déni, qu’il prenne le visage de la négation, de la relativisation ou de la folklorisation. Mais qui n’a que trop duré.


Que faire alors ?
Pour Jean-François Bernardini, « On ne peut plus se contenter d’un bavardage ». Ernest Centofanti détaille  alors les propositions concrètes présentées au Préfet. D’abord, la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur les dérives mafieuses en Corse. Puis des mesures juridiques comme la création du délit d’association mafieuse, le renforcement du statut de collaborateur de justice ou la systématisation de la saisie des avoirs criminels et leur mise à disposition sociale. Le collectif propose également que ce type d’affaires soit jugé par des cours composées uniquement de magistrats professionnels, « afin d’éviter que le procès ne soit le maillon faible de l’ensemble, en raison des pressions ».
Des échanges ont également eu lieu concernant l’application des peines, qui doit être stricte « pour que le sentiment d’impunité ne perdure pas ».
 
Un appel à la responsabilité citoyenne
Au-delà de ces mesures, le collectif en appelle à la responsabilité citoyenne : « Du simple like sur les réseaux sociaux à la présence à une réunion, toute participation est la bienvenue » rappelle Léo Battesti. Une volonté confirmée par Jean-François Bernardini : « Ce que nous voulons créer c’est une adhésion populaire, c’est réveiller les consciences. Pour cela, la parole est notre arme ». Un discours profondément politique, même si Léo Battesti s’en défend : « Nous sommes des lanceurs d’alerte, pas des politiciens ». En tout cas, « A mafia no, a vita iè » se positionne désormais comme un acteur plein et entier de la vie publique insulaire, en témoignent les prochaines réunions de travail avec le Préfet, d’ores-et-déjà actées.