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Edmond Simeoni : « Nous allons contraindre l’Etat à évoluer vers des positions plus réalistes »


Nicole Mari le Dimanche 12 Mai 2013 à 22:38

A l’occasion de la sortie du livre de Christian Mondoloni, intitulé « Corse, Renaissance d’une nation » (cf interview par ailleurs) dont il signe la préface, Edmond Simeoni explique, à Corse Net Infos, l’importance de cet ouvrage au moment où une nouvelle période politique s’ouvre dans l’île. Pour la figure historique du nationalisme corse qui voit arriver en débat à l’Assemblée territoriale certains des combats qu’il a menés avec d’autres depuis 40 ans, l’heure est propice à une émancipation. Mais, il faudra contraindre un Etat réticent à l’accepter.



Edmond Simeoni
Edmond Simeoni
- Pourquoi avez-vous décidé d’écrire la préface de ce livre ?
- D’abord, parce que Christian Mondoloni est un militant de la première heure et un militant exemplaire. Avec Xavier Belgodère et d’autres, il nous a accompagnés à partir des années 70. Il a été l’un des hommes les plus actifs dans la construction du livre « Autunumia », dans la réflexion politique et économique stratégique tout au long de ce combat. Ensuite, nous avons décidé d’écrire cette préface parce que nous rentrons dans une nouvelle période où les problématiques sont bien posées et bien connues. Il faut un élan décisif du peuple corse pour trouver, dans la démocratie et dans la concertation générale, des solutions conformes à ses intérêts collectifs.
 
- Ce livre est-il important ? Si oui, en quoi le serait-il ?
- D’un point de vue factuel, il n’apporte pas de révélations considérables, encore qu’il y ait des citations importantes. Mais, c’est un livre essentiel dans la mesure où il établit le lien entre tous les comportements du pouvoir central en matière de terre, de langue, d’identité, de démographie, de démocratie… Ce livre montre bien la politique de colonisation que nous subissons. C’est très important au moment où débouchent les travaux de l’Assemblée de Corse sur, notamment, la coofficialité, le statut de résident, les Arrêtés Miot et le transfert de la compétence fiscale.
 
- C’est-à-dire ?
- Il est un petit peu le sas des démarches de progrès. Nous attendons avec impatience que s’engage ce débat public. Nous pensons que la Corse, dans son ensemble, veut garder son identité collective, trouver la démocratie et veut, surtout, que l’on cesse de mettre en action des politiques qui nient son identité collective et nous réduisent à la disparition.
 
- Ce livre parle de la lente prise de conscience par les Corses de leur identité collective. Pensez-vous que le temps est mûr pour ces changements pour lesquels vous luttez depuis 40 ans ?
- Lorsque nous avons commencé la lutte, la Corse était corse, mais ne savait pas qu’elle l’était ! Elle ne subissait pas toutes ces mainmises. Aujourd’hui, les Corses, à travers toutes les épreuves vécues, à travers des documents comme ce livre et d’autres démonstrations faites par d’autres personnes dans l’île, ont compris que l’enjeu était considérable. Nous sommes à l’heure de l’émancipation des peuples, de la multiplication des statuts d’autonomie qui sont au nombre de 87 en Europe. Près de 300 millions d’Européens vivent dans le régionalisme ou le fédéralisme politique. La Corse est tout à fait indiquée, avec son insularité, son histoire, sa mémoire, sa population et sa diaspora, pour postuler vers le chemin de l’autonomie interne.
 
- Vous paraissez, néanmoins, soucieux de la situation actuelle. En quoi vous préoccupe-t-elle ?
- Je suis préoccupé parce que je m’aperçois que les principaux responsables de l’Etat, à commencer par Mr Valls, Mr Ayrault ou le Président de la République, et le Conseil constitutionnel avec sa décision contre les Arrêtés Miot, montrent leur opposition à la prise en compte des intérêts collectifs des Corses. Ils répondent, à l’avance, négativement à des demandes qui sont en train d’être formulées par une majorité de Corses à travers notre Assemblée.
 
- Si cette réponse persiste à être négative, que pensez-vous qu’il puisse advenir ?
- La seule réponse sera la lutte. Comme Femu a Corsica l’a dit, la lutte sera internationalisée, d’abord auprès de l’Union européenne, ensuite au niveau des Nations Unies. Nous allons porter ce combat sur toutes les scènes où il existe une opinion publique et une conscience internationales. Avec la multiplication des médias, les dossiers que nous avons constitués, les experts qui nous apportent leur concours et, surtout, les liens que nous avons tissés depuis 50 ans à l’international, nous allons contraindre l’Etat à évoluer vers des positions plus réalistes.
 
- Nous sommes dans une année pré-électorale. Pensez-vous que les prochains scrutins pourront changer la donne ?
- Ces élections seront importantes, surtout les Territoriales dont la date n’est pas encore fixée et attend la confirmation du Conseil d’Etat. Mais, au-delà des élections, ce qui compte est le problème de fond. Si, demain, une large majorité se dégage en Corse pour des solutions de progrès et que Paris ne veut pas discuter, je ne vois pas ce que ces forces de progrès pourront faire, à part lutter sur le terrain ! Il n’y a pas d’autre solution.
 
Propos recueillis par Nicole MARI