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Desserte maritime : Imbroglio et coup de sang


Nicole Mari le Samedi 6 Juillet 2013 à 01:20

Une fois de plus, la desserte maritime entre la Corse et le continent a provoqué des débats animés à l’Assemblée de Corse (CTC) qui examinait l’avis de la Chambre régionale des comptes concernant le déficit du budget de l’Office des transports (OTC). Le président de l’Exécutif, Paul Giacobbi, a menacé la SNCM de lancer le recouvrement des 220 millions € que les deux compagnies délégataires doivent rembourser à la CTC sur ordre de Bruxelles. Le bilan d’étape, censé éclairer sur les négociations en cours concernant la Délégation de service public (DSP), n’a fait qu’augmenter l’imbroglio des chiffres.



Desserte maritime : Imbroglio et coup de sang
La desserte maritime entre la Corse et le continent n’en finit pas de soulever passions et polémique. Après l’échec annoncé, début juin, de l’appel d’offres concernant la future Délégation de service public (DSP) qui devrait entrer en vigueur début 2014, l’Exécutif de la CTC s’était engagé à faire un point d’étape des négociations à la session de début juillet pour une conclusion, au mieux dans la foulée, au plus tard en septembre. Mais, c’est plutôt une mise au point énervée que le président Giacobbi a assénée à deux reprises. D’abord jeudi matin, en réponse à une question orale de Michel Stefani, élu Front de gauche, demandant une rencontre entre la CTC et le gouvernement sur le gel de la dotation de continuité territoriale. Ensuite, vendredi matin, pendant l’examen de l’avis de la Chambre régionale des comptes concernant le déficit du budget de l’OTC.
 
Des jeux pas faits !
Alors que les jeux semblent fait au niveau du choix des compagnies en faveur des actuels délégataires et partenaires historiques, la SNCM et la CMN, Paul Giacobbi prend un coup de sang et proclame que « Rien n’est fait ! » (cf interview). Il assure que les jeux restent ouverts avec la Corsica Ferries qui semble, elle, s’être retirée. Il rend publique une lettre de l’Autorité de la concurrence qui se félicite du rejet de l’appel d’offres au motif que le groupement SNCM/CMN n’ayant pas fait d’offre ligne par ligne, mais une offre « globale et indissociable » désobéit aux règles de la concurrence. « L’offre globale et indissociable du groupement SNCM/CMN empêche toute comparaison des offres et constitue un levier lui permettant de remporter avec certitude le marché dans la mesure où la collectivité ne peut l’écarter au profit des offres concurrentes. C’est pourquoi nous vous invitons, lors de la négociation de gré à gré, à enjoindre le groupement SNCM/CMN de dégrouper ses offres afin, le cas échéant, de vous permettre de panacher avec une offre concurrente », est-il écrit dans la lettre.
 
Une mise au point
L’Autorité de la concurrence enjoint donc les actuels délégataires à présenter une offre ligne par ligne. Ce qui signifie que Corsica Ferries pourrait remporter le marché sur une seule ligne, celle de Propriano par exemple où elle semble être en pôle position ! Est-ce cette lettre ou d’autres rappels à l’ordre qui ont poussé le président Giacobbi à faire sa mise au point où il explique que rien n’est arrêté ! Le lendemain, vendredi, Paul-Marie Bartoli dit le contraire et explique que « un accord est intervenu entre l’OTC et le groupement SNCM-CMN dans la négociation concernant la DSP à hauteur de 96 millions € par an, indexés dans le cadre de la loi Sapin et plafonnés à 104 millions € » (cf interview par ailleurs). Un imbroglio ou un pas de deux désaccordé ! Les deux présidents nient toute contradiction et s’en tirent par une pirouette : rien n’est plié puisque les élus de la CTC n’ont pas tranché ! Or, en juin, la plupart des élus avaient trouvé ce montant de 104 millions € « excessif » !
 
Des menaces de recouvrement
Toujours vendredi, lors de l’examen de l’avis de la Chambre régionale des comptes où le débat déborde largement du cadre prévu, Paul Giacobbi prend un nouveau coup de sang. « Il faut arrêter de nous titiller sur les 17 millions € de la taxe des transports alors que les compagnies nous doivent 220 millions €. Les compagnies devraient se taire. Si ça continue, nous inscrivons les 220 millions €, que la Commission européenne les enjoint de nous rembourser, au budget et nous lancerons les recouvrements », s’énerve-t-il. La clé de l’histoire est le fameux avis de la Chambre régionale des comptes qui demande à la CTC de payer la taxe transports et de ramener le budget de l’OTC en déséquilibre. Paul Giacobbi n’apprécie pas la mise en demeure et contrattaque en brandissant la menace d’ester en justice pour recouvrer 220 millions € d’aides publiques indument perçues par le duo SNCM-CMN au titre du service complémentaire, selon un jugement de Bruxelles. Dans les travées du public, les représentants de la direction et des syndicats de la SNCM s’agitent.
 
L’Etat en faute
Le président de l’Exécutif va plus loin en dénonçant « une faute de l’Etat » qui « ne nous a pas communiqué la notification officielle de la décision européenne ». La raison non avouée serait d’éviter que la SNCM ne soit obligée de payer ses créances, ce qui signifierait sa mise à mort certaine. Mais, pour l’Exécutif, ce serait à Veolia, non à la SNCM, de payer puisque « le groupe Veolia, qui a exigé au moment de la vente de la SNCM la clause du service complémentaire, est responsable ». La position est délicate pour la CTC qui ne veut ni couler la SNCM, ni faire l’impasse sur ses créances, tentant, tant bien que mal, de tenir une ligne intermédiaire. Paul-Marie Bartoli se veut rassurant : « Je ne suis pas là pour couler des bateaux jaunes ou des bateaux bleus et blancs. Je suis là pour trouver une solution et signer une DSP qui nous permettent d’avoir la fiabilité de nos transports à un coût raisonnable ».
Les élus de l’opposition, nationalistes en tête, pointeront les contradictions de l’exécutif (interview à venir), mais les batailles de chiffres ne feront qu’augmenter l’imbroglio. « Personne ne comprend plus rien », fera remarquer Hyacinthe Vanni, élu de Femu a Corsica. Syndicats et direction régionale de la SNCM partagent cet avis tout en voulant rester confiants. Rendez-vous à la prochaine session de la CTC, fin juillet, dans l’espoir d’y voir plus clair !
 
N.M.