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Vers un transfert de tutelle "adapté" : la Collectivité de Corse pourrait absorber la CCI régionale


Pierre-Manuel Pescetti le Mercredi 2 Février 2022 à 16:58

Parmi les sujets importants de cette première assemblée générale de la Chambre de commerce et d'industrie de Corse en 2022, l'avancée du dossier du transfert de tutelle de la chambre consulaire de l'Etat vers la Collectivité de Corse a longuement été abordé après la remise de l'étude de faisabilité vendredi 28 janvier par l'Exécutif de Corse. Le scénario le plus favorable est celui de l'absorption des chambres consulaires par un nouvel établissement public contrôlé par la Collectivité de Corse.



La première Assemblée Générale 2022 de la CCI de Corse s'est longuement attardé sur le sujet du transfert de tutelle vers la Collectivité de Corse. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
La première Assemblée Générale 2022 de la CCI de Corse s'est longuement attardé sur le sujet du transfert de tutelle vers la Collectivité de Corse. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
La première assemblée générale 2022 de la Chambre de commerce et d’industrie de Corse ce mercredi 2 février avait des allures de réunion de chantier. Ceux de la reprise économique après la crise sanitaire tout autant que celui de la poursuite de la construction d’une CCI régionale née en 2020 et installée le 14 décembre dernier.  Une réunion d’importance avec pour point d’orgue, le potentiel transfert de tutelle vers la Collectivité de Corse, en remplacement de celle de l’Etat.

Les deux anciennes CCI départementales en font la demande depuis 2015. Date à laquelle la loi NOTRe a été votée à l’Assemblée Nationale, renforçant le rôle de la Collectivité de Corse et des EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) dans le domaine économique. Volonté de transfert de tutelle également justifiée par le président de la CCI, Jean Dominici, en raison du « toboggan budgétaire subi depuis 2012 ». Cette baisse de dotations de l’Etat est chiffrée par les services de la CCI à près de 5 millions d’euros annuels. « Nous sommes passés de 8,6 à 3,8 millions par an », peste Jean Dominici.

Eviter la mise en concurrence avec les groupes privés

Si l’enjeu financier est primordial celui de la souveraineté l’est tout autant pour les élus de la chambre consulaire. Notamment après la prise en compte du calendrier. « Les concessions aéroportuaires arrivent à échéance début 2024, si nous ne faisons rien, nous allons devoir répondre à des appels d’offres dans lesquels les opérateurs privés pourront candidater. Opérateurs privés avec des moyens largement supérieurs aux notres devant lesquels nous partons clairement perdants », explique Philippe Albertini, directeur général de la CCI de Corse.
Le principal risque de cette éventualité ? Voir les ports et aéroports insulaires être gérés par des grands groupes privés « comme Vinci ou encore Lafarge, comme cela est déjà le cas sur le continent », précise Philippe Albertini.

Lire aussi : Jean Dominici unique candidat à la chambre consulaire régionale : "il y a une fenêtre pour un modèle de CCI spécifique à la Corse"

Comme prévu dans l’article 46 de la loi PACTE voté en mai 2019, les élus consulaires ont demandé la réalisation d’une étude de faisabilité de ce transfert de tutelle. « C’était ça ou se plier au scénario national qui engendre une privatisation des CCI dont certaines sortent même de leur zone géographique de compétence », confie Philippe Albertini. À la place, Jean Dominici parle de « la création d’un outil innovant pour conserver durablement la gestion des ports et aéroports de Corse dans le giron public tout en conjuguant la légitimité de la Collectivité de Corse à l’opérationnalité de la CCI ».

Le scénario de l’absorption des chambres consulaires par la Collectivité envisagé

L’Exécutif corse présentait vendredi un premier rapport à l’Assemblée de Corse pour exposer l’avancée des travaux sur cette tutelle. Si plusieurs scénarii ont été envisagés, un seul a été retenu : celui de la création d’un nouvel établissement public absorbant la CCI et la Chambre de Métiers et d’Artisanat. Il serait géré et contrôlé par la Collectivité de Corse sur le modèle des agences et des offices.
« Non, ce n’est pas une fusion ni une acquisition », Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse

« Non, ce n’est pas une fusion ni une acquisition », prévient Marie-Antoinette Maupertuis. Si, comme le souligne la présidente de l’Assemblée de Corse, ce rapport est « un point d’étape vers une tutelle adaptée », il laisse fortement présager de la direction mutuelle choisie par les deux entités.

Quid du pouvoir de décision de la chambre consulaire si la manœuvre s’opère ? Marie-Antoinette Maupertuis est venue rassurer les élus sur ce point : « la Collectivité ne va pas décider de tout ! Nous voulons construire un modèle innovant ensemble. Les compétences techniques de la CCI doivent être impérativement préservées et ne pas rentrer en concurrence avec celles des agences de la Collectivité comme l’Agence du Tourisme de la Corse (ATC) ou l’Agence de Développement Economique de la Corse (ADEC) ».

Jean Dominici marque également les limites de l’opération en termes d’indépendance : « personne n’a souhaité une tutelle qui aurait pour conséquence de caparaçonner l’esprit d’initiative, la représentativité et l’agilité du monde consulaire et tous les groupes de l'assemblée de Corse ont rejeté l’idée d’une hégémonie de la Collectivité de Corse que le président du Conseil exécutif avait bien pris soin d’écarter avant de présenter les conclusions de l’étude de faisabilité ».

Ce nouvel établissement public devra être opérationnel avant l’échéance des concessions aéroportuaires. « Le temps nous est compté, l’échéance des prorogations de nos principales concessions est fixée au 31 décembre 2024 », insiste Jean Dominici. « Il faut être prêts six mois avant », complète Marie-Antoinette Maupertuis. L’Etat, lui, suivra. Comme le souligne, Paul Guegan, le représentant du préfet de Corse, « la balle est dans le camp des élus de la Collectivité de Corse ».