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Réforme Constitutionnelle : La Corse rédige son propre article


Nicole Mari le Lundi 5 Mars 2018 à 23:36

Las de la valse hésitation des réunions ministérielles et du flou savamment entretenu par le gouvernement sur sa position de fond concernant le volet corse de la réforme constitutionnelle, le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, avait annoncé, au sortir de la réunion avec la ministre Jacqueline Gourault, mardi dernier à Ajaccio, qu’il allait formaliser une proposition d’article spécifique et en saisir l’Assemblée de Corse. Le projet d’article a été présenté, lundi après-midi, à la Commission pour l’évolution statutaire et devrait être débattu, jeudi, en séance plénière. L’objectif, pour l’Exécutif territorial, est de rassembler autour d’un point d’équilibre acceptable par tous et d’envoyer, par un vote unitaire dans l’île, un message fort à Paris.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse.
« La Corse est une collectivité territoriale à statut particulier et dotée de l’autonomie. Ce statut tient compte des intérêts propres de la Corse au sein de la République, eu égard à son insularité dans l’environnement méditerranéen, à son relief et à son identité linguistique et culturelle ». Ce préambule du projet d’article spécifique pour une inscription de la Corse dans la Constitution, présenté à la Commission pour l’évolution statutaire, pose l’idée générale de la proposition du président de l’Exécutif. « Cet article constitutionnel spécifique intègre la notion d’intérêts propres de la Corse au sein de la République, ce qui ouvre la porte à des politiques spécifiques. Il pose le principe d’un statut d’autonomie, énonce les raisons objectives qui justifient ce statut d’autonomie - par exemple, l’insularité –, et prévoit que les modalités concrètes - le contenu de ce statut d’autonomie - soient définies par une loi organique dans un calendrier plus large que celui contraint de la réforme constitutionnelle », explique-t-il.
 
Trois niveaux
L’idée est de décliner un système qui détermine avec précision trois niveaux. Primo, les compétences de plein droit de la Collectivité de Corse. Deuxio, le pouvoir d’habilitation permanent, c’est-à-dire la possibilité de légiférer de plein droit, dans des domaines bien définis : protection du foncier, statut fiscal, spécificité culturelle et linguistique, développement économique et social, emploi. Tercio, le pouvoir d’adaptation des lois et des règlements aux contraintes et spécificités insulaires dans les autres domaines. Théoriquement inclus dans le dernier statut particulier, ce dernier n’a jamais été octroyé concrètement par l’Etat.
 
Obtenir un consensus
Le projet d’article fait l’objet d’un rapport de huit pages qui sera débattu, jeudi, en séance plénière à l’Assemblée de Corse. « J’ai proposé un article qui est une contribution susceptible d’évoluer lors des débats. Mon objectif politique est d’obtenir une adhésion la plus large possible, au-delà de la seule majorité territoriale, sur un texte fort qui reprend les fondamentaux, la notion d’autonomie et le pouvoir d’habilitation permanente dans des domaines stratégiques. C’est sur cette base-là que l’on peut trouver un accord. Sachant que le train de la révision constitutionnelle ne repassera pas avant plusieurs années, il faut se donner tous les moyens de convaincre. Nous allons travailler dans ce sens pour renforcer notre position vis-à-vis de Paris », précise Gilles Simeoni.
 
Un point d’équilibre
Pour obtenir jeudi ce consensus et peser sur Paris, il se dit prêt à faire « une concession dans une logique d’ensemble pour arriver à un point d’équilibre où tout le monde pourrait se reconnaître », à savoir outrepasser le point de blocage figé, pour la droite insulaire, le gouvernement et la majorité sénatoriale, sur le choix entre les articles 72, 73 ou 74. Il propose, donc, d’inscrire la Corse dans un article spécifique totalement nouveau : l’article 72-5. « De façon positive, cela permet de prendre dans chacun de ces articles, notamment l’article 74, des éléments intéressants, et de construire une rédaction qui organise un statut spécifique pour la Corse et intègre, dès lors qu’il y a la volonté politique de trouver un point d’accord, les attentes de la majorité territoriale nationaliste et celles du gouvernement et de l’Etat ».
 
Des convergences
En Commission pour l’évolution statutaire, le projet d’article a reçu un accueil plutôt favorable des membres de l’opposition présente, à savoir Jean-Charles Orsucci, président du groupe LREM Andà per dumane à l’Assemblée de Corse, et de Stéphanie Grimaldi, conseillère territoriale du groupe « La Corse dans la République ». Les Macronistes, comme les Libéraux, actent le principe de « la recherche d’une proposition de rédaction partagée par tous les groupes ». Des points semblent faire consensus : « Nous n’avons pas d’objection sur la notion d’habilitation permanente à condition qu’elle soit accordée dans un champ bien cadré à un certain nombre de domaines. Nous l’acceptons sur certains domaines de compétences parce qu’il serait malhonnête intellectuellement de rester sur la notion d’habilitation au cas par cas. Nous avions jusqu’à présent cette possibilité qui n’a absolument jamais fonctionné », commente prudemment Stéphanie Grimaldi.
 
Des lignes rouges
Restent des points durs d’achoppement et des lignes rouges à ne pas franchir. D’abord, sur les domaines sur lesquels la Collectivité de Corse pourrait légiférer : « Sur les domaines du patrimoine foncier, de la fiscalité, du développement économique et social, il n’y a pas de souci. Ces domaines sont évidents et sont dans la droite ligne de la délibération que nous avons votée en 2013. Nous n’allons pas, aujourd’hui, nous renier. Par contre sur les domaines supplémentaires de la santé et de l’éducation proposés par la majorité territoriale, cela pose, pour nous, un problème. Sur ces deux domaines, j’ai émis des réserves », ajoute Stéphanie Grimaldi. Deux domaines défendus par Corsica Libera. Ensuite, sur le choix clivant de l’article : « Pour nous, ce ne peut être que le 72. Nous sommes d’accord pour que ce ne soit pas un alinéa, mais un article différent : le 72-5 ».
 
Un souci de légitimité
Pour l'élue de droite, l’important, à ce stade, est : « de saisir cette opportunité constitutionnelle et le faire le plus intelligemment possible. Il faut porter des demandes qui puissent ne pas être rejetées en bloc. Surtout quand on sait qu’il y a des freins de tous ordres ». Elle avertit : « Mettons toutes les chances de notre côté pour avoir, jeudi, un vote à l’unanimité et pas un vote tronçonné. C’est le seul moyen pour obtenir la plus grande légitimité vis-à-vis de Paris ». Dans le même ordre d’idées, le président de l’Exécutif a décidé de reporter la réunion technique, prévue ce mardi à Paris, à la semaine prochaine, où le projet d’article, s’il est adopté dans l’île, sera remis à Jacqueline Gourault. En attendant également le rendez-vous annoncé avec le Premier ministre autour du 20 mars, mais pas encore fixé… !
 
N.M.