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U pattu pè a Ghjuventu : Le droit au bonheur de la jeunesse corse


Nicole Mari le Vendredi 27 Avril 2018 à 17:10

Un pacte pour la jeunesse et par la jeunesse. C’est, ainsi, que la benjamine du Conseil exécutif, Lauda Guidicelli, en charge de la jeunesse, des sports et de l'égalité femmes-hommes, a présenté, vendredi matin à l’Assemblée de Corse, sa feuille de route pour la jeunesse. Donner la parole aux 55 000 jeunes Corses âgés de 15 à 30 ans pour prendre en compte leurs aspirations et leurs problématiques et leur permettre de trouver une place dans la société insulaire est affiché comme une priorité par l’Exécutif nationaliste. Ce pattu, basé sur une dialectique de droits et devoirs, décline cinq objectifs majeurs et un calendrier sur deux ans avec un rendu de l’enquête et des actions mises en place lors des Assises de la jeunesse prévues en décembre 2018. Explications, pour Corse Net Infos, de Lauda Guidicelli.



Lauda Guidicelli, conseillère exécutive en charge de la jeunesse, des sports, de l'égalité femmes-hommes.
Lauda Guidicelli, conseillère exécutive en charge de la jeunesse, des sports, de l'égalité femmes-hommes.
- Ce pacte de la jeunesse, est-ce une première ?
- Oui ! C’est le premier pacte de la jeunesse. Le caractère innovant est la nomination d’un conseiller exécutif chargé spécifiquement de la jeunesse et qui porte ce projet. Il est, aussi, novateur par sa méthode de co-construction. Nous irons vraiment à la rencontre des jeunes pour co-construire, à terme, un véritable document de politique publique avec les jeunes, par les jeunes et pour les jeunes.
 
- Est-ce la concrétisation de votre engagement de campagne électorale ?
- Exactement ! Tout au long de notre campagne, nous avons fait de la jeunesse une priorité. Nous nous en sommes donnés les moyens en créant, comme je viens de le dire, un Exécutif dédié qui était la première étape de la concrétisation de cette promesse faite aux jeunes. Là, nous entamons la deuxième étape avec un pacte qui est un véritable outil de mise en œuvre de notre politique jeunesse. Non seulement, nous rencontrerons les jeunes pour qu’ils expriment leurs besoins, mais nous nous sommes rapprochés de tous les offices et agences de la collectivité et de tous les acteurs du monde de la jeunesse. Ce pacte a, aussi, vocation à remédier à une chose qui a été constatée : le manque de lisibilité des dispositifs existants. Ce pacte va lister tous les dispositifs ayant trait à la jeunesse dans un document unique qui permettra aux jeunes, au travers d’une application Smartphone, d’avoir sur leur téléphone les différents dispositifs d’aide auxquels ils ont droit.
 
- Vous partez du postulat que la jeunesse a des droits, mais aussi des devoirs. Qu’entendez-vous par là ?
- Nous partons du postulat que, nous élus, nous avons des droits et des devoirs, notamment le devoir d’agir pour la jeunesse en créant les conditions de son émancipation et de son épanouissement. Nous partons, aussi, d’un autre postulat que la jeunesse a des droits civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels… , mais également des devoirs, celui notamment de s’impliquer dans la définition de la politique qui lui est dédiée.
 
- Lancez-vous un appel à la jeunesse ?
- Oui ! Un appel à la mobilisation pour lui dire que nous avons besoin de son aide et de sa connaissance du terrain. Qui mieux que les jeunes peuvent savoir quels sont leurs besoins ! La jeunesse corse est multiple avec des différences notables, qu’elle soit étudiante, apprentie, salariée. Elle est, aussi, désengagée. Il faut qu’elle puisse avoir son mot à dire, s’impliquer et s’investir pour co-construire une politique publique la plus aboutie possible qui lui permettent de trouver sa place dans la société insulaire.
 
- Vous avez dressé un état des lieux de cette jeunesse. Le constat est plutôt alarmant ?
- Nous avons pris en compte les difficultés que rencontrent la jeunesse, mais aussi les atouts qu’elle possède. Au niveau des difficultés, notre jeunesse évolue de plus en plus dans une société vieillissante et rencontre de nombreuses problématiques, que ce soit en matière de précarité, de logement, de mobilité, d’accès à la formation, à la qualification, à l’emploi... Nous avons pris en compte le mal-être de nos jeunes qui se traduit par, notamment, un fort taux de suicide, d’addictions et de consommations de produits stupéfiants… En revanche, notre jeunesse a, aussi, beaucoup d’atouts. Elle ose innover, créer, entreprendre. Elle a un fort sentiment d’appartenance à sa terre, sa culture, son histoire et sa langue. Elle est, enfin, très impliquée à travers les syndicats étudiants, les milieux associatifs, les confréries... C’était important de le mettre par écrit dans un document.
 
- Vous avez défini cinq objectifs majeurs. Lesquels ?
- Le premier objectif est de considérer chaque jeune comme un acteur de son propre destin et de celui de cette île. Le second est de construire un système éducatif performant et innovant, reposant sur l’égalité réelle des chances. Le troisième est d’accompagner au mieux le passage de l’école à la vie active et d’assurer une continuité dans l’éducation et la formation. Le quatrième est de créer un cadre favorable à l’épanouissement et au bien-être dans tous les domaines. Cette priorité avait déjà été votée en mars 2017 dans le cadre de l’adoption du Plan de lutte contre la précarité. Nous avons, évidemment, intégré cette priorité au Pacte pour la jeunesse. Le cinquième objectif est de favoriser l’engagement citoyen et d’encourager chaque jeune à assumer ses responsabilités. On en revient à la dialectique des droits et des devoirs.
 
- Quels moyens financiers avez-vous alloué à ce pacte ?
- Nous avons, d’ores et déjà pour 2018, fléché des budgets en fonction des objectifs. Plus de 4,5 millions € seront consacrés à aider les jeunes dans leur parcours, dont 1,2 million € pour l’accompagnement éducatif, 630 000 € pour l’accompagnement des missions locales, 400 000 € pour l’information jeunesse, 2,2 millions € pour le schéma de la vie étudiante et 200 000 € d’aides directes aux apprentis. Près de 2 millions € seront, également, mis en œuvre pour créer un cadre favorable à l’épanouissement des jeunes. Ce budget sera abondé dès
2019 en fonction des nouvelles actions retenues dans le cadre du Pattu. Enfin, l’action pour favoriser l’engagement citoyen mobilisera, cette année, 180 000 €.
 
- Vous proposez une méthode. Comment procéderez-vous pour consulter les jeunes ?
- Nous procédons en deux temps. Le premier temps, qui a débuté fin 2017, a été de lancer une grande consultation publique, en partenariat avec le CRIJ, en direction des jeunes âgés de 16 à 25 ans. La Collectivité a demandé au CRIJ de développer un questionnaire par mail (crij.corsica) qui, à ce jour, a déjà recueilli 1300 réponses. Les jeunes peuvent y répondre jusqu’au mois de juin. L’analyse des réponses est déjà en cours et nous permettra de dégager des pistes de travail. Le second temps sera d’aller au contact des jeunes. C’est ce que nous avons déjà voulu faire lors de notre campagne électorale : faire de la politique autrement, aller hors des murs de la collectivité. C’est ce que je mets en place en rencontrant les jeunes par le biais de « Caffè Citatini », qui auront lieu entre mai et juin dans les différents territoires de l’île.
 
- De quoi s’agit-il exactement ?
- C’est un nouveau dispositif, mais ce type d’actions existe déjà à travers des lieux de parole dédiés aux jeunes. Par exemple, le Comité « Parolla di a Ghjuventù » ou l’Assemblea di a Ghjuventù. L’idée, à travers ces « Caffè Citatini », est de fédérer au plus large au travers de rencontres sur le territoire pour obtenir une approche territoriale de la jeunesse et de ses problématiques. Je demande aux jeunes de s’investir dans ces cafés pour faire entendre leur voix. Le premier café se tiendra à Corti le 15 mai prochain à partir de 18 heures à A Casa Studientini. Suivront, toujours à la même heure, le 18 mai à Bastia à l’Alb’Oru, le 25 mai à Aiacciu à l’Empire Coworking, le 1er juin à Lisula et le 5 juin à Bunifaziu.
 
- Avez-vous déterminé un calendrier d’actions ?
- Oui ! C’est un calendrier sur deux ans, mais, bien évidemment, la politique pour la jeunesse s’étalera sur l’ensemble de la mandature. Ce n’est pas un One shot ! Elle a commencé dès 2016 avec la création du service, que je remercie parce qu’il est petit, mais très dynamique et très investi dans la cause « Jeunes ». Le but, c’est qu’en décembre 2019, le pacte soit validé dans le cadre de politiques publiques et que la feuille de route, le recensement de l’existant et les cinq objectifs soient déclinés dans un document concret d’actions portées par la Collectivité pour l’amélioration du mieux-vivre et du vivre-ensemble.
 
- Vous revendiquez « le droit au bonheur de la jeunesse corse ». Est-ce le nouveau slogan ?
- Les jeunes sont l’avenir de la Corse. C’est eux qui construiront la société de demain. Pour cela, il faut qu’ils puissent y accéder dans les meilleures conditions par rapport à ce droit au bonheur. A Ghjuventù, oghje, sarà à capu di a Corsica di dumane. A Ghjuventù porta sta brama maio dà maestra l’avvene di a Corsica.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

La jeunesse en chiffres 
  • En 2016, les moins de 25 ans représentent plus de 25% des 330 000 résidents corses. Cette part est très inférieure à la moyenne globale (30%).
  • 53 000 jeunes âgés de 15 à 29 ans ont été recensés en 2015, soit 16% de la population insulaire (source INSEE).
  • ¼ des jeunes insulaires de moins de 18 ans vit sous le seuil de pauvreté.
  • 27,5% des jeunes insulaires de moins de 25 ans sont sans emploi. C’est le taux le plus élevé de l’ensemble métropolitain.
  • 13 % des jeunes insulaires sont sans qualification et sans formation contre 8% en moyenne française.
  • Plus de 50% des jeunes insulaires de 20 à 24 ans vivent chez leurs parents.