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Affaire Colonna : La réaction des partis nationalistes aux propos du PNAT et après la manifestation de Corti


Nicole Mari le Lundi 7 Mars 2022 à 15:10

Les quatre partis nationalistes corses ont réagi, en marge de la manifestation qui a réuni des milliers de personnes, dimanche après-midi à Corti. D’abord à la conférence de presse du PNAT (Parquet national anti-terroriste), qui s’est tenue deux heures avant le début de la manifestation et qui a éludé trop de questions et de zones d’ombres. Ensuite à l’ampleur de la manifestation, jugée sans précédent depuis de nombreuses années, mais aussi aux incidents qui l’ont très vite émaillée, et que personne n’a condamné.



Manifestation de solidarité à Yvan Colonna à Corti. Photo Michel Luccioni.
Manifestation de solidarité à Yvan Colonna à Corti. Photo Michel Luccioni.

Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse : « Lorsque on ne donne pas d’explications qui se tiennent, à l’émotion, à l’indignation succède la colère ! »

Sur la conférence de presse du PNAT ? « Le PNAT nous explique qu’il s’agit d’un acte terroriste d’un islamiste radical… On classe ce faisant ce drame dans une catégorie juridique bien commode. Cela ne répond pas aux questions que les Corses se posent : comment Yvan Colonna a-t-il pu se retrouver seul 8 longues minutes avec ce détenu très dangereux ? Pourquoi personne n’a réagi alors que les caméras de surveillance étaient connectées ? Pourquoi personne, aujourd’hui, du gouvernement ne réagit à cette tentative d’assassinat ? Nous attendons des réponses à ces questions dans des délais très brefs. Près de 15 000 Corses ont manifesté pour avoir ces réponses et d’autres plus largement attendent une réponse de l’Etat … ». Sur les incidents qui ont émaillé la manifestation ? « Lorsque on ne donne pas d’explications qui se tiennent … à l’émotion, à l’indignation succède la colère ! ».
 

Le député Jean-Félix Acquaviva, Femu a Corsica : « Les zones d’ombre très fortes fondent un scandale d’Etat qu’il faut démonter ! »

Pour le député de la 2nde circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, les explications du PNAT ne lève absolument pas les zones d’ombres : « Cette agression dure en tout 12 minutes. Quand on connait la centrale d’Arles, le système hyper sécurisé de cette centrale, le temps d’agression pose un très gros problème, au minimum d’une très grande malveillance, au pire d’une complicité éventuelle. Il est impossible que les choses se soient passées comme ça, sans qu’on ait instrumentalisé, directement ou indirectement, le fait de laisser les choses se dérouler ». Il exige « une enquête sérieuse, qui ne peut pas être de portée administrative et judiciaire », et un contrôle parlementaire. Sur la manifestation de Corti ? « Il y a de l’émotion, une tension qui se manifeste, nous le regrettons, mais sans réponse crédible de la part de l’Etat sur un scandale, les choses ne peuvent aller que de mal en pis ». Il lance un appel à toutes les forces politiques et associatives de l’île « pour que tous les Corses se sentent concernés par ce qui se passe », comme il l’explique en vidéo à CNI :
 



Jean-Baptiste Arena, Core in Fronte : « Les jeunes Corses et leur peuple ressentent un sentiment profond d’injustice qui augure de jours sombres »

Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.
La conférence de presse du PNAT ? : « Si on avait voulu mettre de l’huile sur le feu, deux heures avant la manifestation, on ne se serait pas pris autrement ! Il est clair, au vu des constatations faites par le PNAT, à savoir huit minutes d’agression physique en amont des coups mortels, cela veut dire qu’Yvan Colonna a passé un quart d’heure seul, dans un quartier de haute sécurité où il y a des caméras partout et une salle de gardiens de prison qui est censée être à moins de 50 mètres. Même s’il n’y a pas une complicité directe de l’État dans cette tentative d’assassinat, il y a un manquement grave, non seulement à la gestion de la prison, mais aussi à la gestion du problème corse en général. Il ne faut pas oublier qu’avant l’agression d’Yvan, il y a déjà eu un précédent : l’agression d’Alain Ferrandi, il y a 15 ans. Aujourd’hui, on n’en parle plus beaucoup, mais Alain Ferrandi a aussi subi une tentative d’assassinat, il a été agressé par des voyous et il est resté 15 jours dans le coma. On peut, aujourd’hui comme hier, se poser la question de savoir si cette action n’était pas commanditée. Surtout qu’elle intervient 15 jours après la décoration de Bertolini, un des responsables des barbouzes de Francia et du SAC, et après six ans de refus de l’Etat d’accorder le rapprochement aux prisonniers. Six ans que l’ancienne majorité territoriale nationaliste, comme la nouvelle, que toute la mouvance nationaliste, voire la société Corse dans son ensemble, de la droite de Laurent Marcangeli à la gauche Macroniste de Jean Charles Orsucci, le réclament. Toutes les forces politiques de l’île se sont mobilisées, les municipalités ont voté des délibérations en ce sens. Je pense qu’aujourd’hui, malheureusement, la Corse est devenue une cocotte-minute qui est en train d’exploser, et l’État n’a toujours pas pris conscience du problème Corse et de l’enjeu. Il n’y a apparemment plus aucun relais au niveau Jacobin autour d’Emmanuel Macron qui est venu, ici, nous parler d’un pacte girondin ! Alors qu’avant lui, il y avait des relais corses au gouvernement, des relais issus de l’ancien Gaullisme ou de l’ancien Communisme. Aujourd’hui, il n’y a plus rien, on a affaire à des fonctionnaires et à des préfets, et la seule réponse que l’on nous donne, c’est de débarquer sur l’île des forces répressives de plus en plus nombreuses. Tout le monde a pu assister, dimanche matin, à des barrages à tous les coins de l’île avec des militaires en armes qui fouillaient les voitures, alors qu’il y avait aussi des femmes et des enfants qui montaient à cette manifestation ». Sur les violences pendant la manifestation ? « La première forme de violence, c’est lorsque le droit n’est pas appliqué de la même manière à tout citoyen… selon que l’on soit puissant ou misérable ! Je pense qu’aujourd’hui les jeunes Corses et leur peuple dans son ensemble ressentent un sentiment profond d’injustice et celui-ci augure malheureusement des jours sombres … Hier, tout le mouvement national et même toute la société corse étaient unis derrière les jeunes, et nous allons continuer à l’être. Je voudrais, enfin, avoir une pensée pour toutes les femmes et les hommes blessés, hier, par des grenades de désencerclement qui n’avaient pas lieu d’être ».

 

Le député Paul-André Colombani, PNC : « Le Parquet ne nous a pas appris grand-chose. Nous voulons la vérité et la justice ! »

Le député de la 2nde circonscription de Corse du Sud, Paul-André Colombani, estime que le Parquet n’a pas répondu à la question essentielle : « Pourquoi a-t-on mis l’homme le plus dangereux de France aux côtés du détenu qui était soi-disant le plus à surveiller de France ? ». Sur la manifestation : « Plus de 15 000 personnes ont manifesté, dans un même élan, pour dire « Basta l’offesa ! ». La société corse exige la vérité et la justice concernant Yvan Colonna », comme il l’explique à CNI en vidéo :


Petru Anto Tomasi, Corsica Libera : « Les questions escamotées par le Parquet militent dans le sens d’un mensonge d’État et d’une raison d’État »

Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.
Sur la conférence de presse du PNAT ? « La conférence de presse du PNAT se situe toujours dans une logique de raison d’Etat et de mensonges d’Etat. On tente de présenter ce qui est arrivé à Yvan Colonna, cette tentative d’assassinat, quasiment comme un simple fait divers, en tous cas comme une agression islamiste comme il peut y en avoir d’autres en France chaque année. Cela a été présenté, y compris en ces termes-là, de façon statistique. Il y a le geste et la main de l’agresseur d’Yvan Colonna, mais il y a également des questions qui restent en suspens, notamment la responsabilité première et entière de l’État qui n’est aucunement posée dans le cadre de cette conférence de presse. D’une part, parce qu’Yvan Colonna, comme l’ensemble des prisonniers corses, aurait dû être sur sa terre, pas dans les prisons françaises. Il y a une volonté, notamment vis-à-vis des prisonniers du commando Érignac, de vouloir les emmurer vivants en refusant systématiquement la levée du statut de DPS. Il y a également un certain nombre de zones d’ombre, pour le dire avec des termes mesurés, autour de la façon dans cette tentative d’assassinat a eu lieu, notamment sur le fait que deux DPS, deux détenus particulièrement signalés et donc particulièrement surveillés, aient pu rester, seuls, des minutes durant. Le fait que l’agresseur d’Yvan Colonna, celui qui a commis cette tentative d’assassinat, ait pu bénéficier d’un emploi d’auxiliaire dans les prisons alors que l’on sait que les DPS en sont par principe exclus par l’administration. Je crois qu’effectivement le fait que ces questions-là soient escamotées par le Parquet milite dans le sens d’un mensonge d’État et d’une raison d’État ». Sur les violences pendant la manifestation ? « Cette manifestation est un succès populaire, même si le terme de « succès » dans les circonstances présentes est peut-être impropre. Une manifestation populaire, si ce n’est sans précédent, en tout cas comme on n’en avait plus connu depuis plusieurs années, y compris sur Corti. Le peuple corse, d’instinct, s’est mobilisé en solidarité avec Yvan Colonna et sa famille, mais également pour montrer sa détermination face à cette agression, pour montrer qu’il était debout et qu’il avait bien l’intention de dire que cette mobilisation n’a pas vocation à demeurer sans lendemain. La tentative d’assassinat contre Yvan Colonna est l’agression de trop contre la Corse et le peuple corse. Le fait d’avoir des milliers de Corses qui ont défilé et qui sont restés des heures durant, y compris lorsque la manifestation a dégénéré, prouve à quel point les Corses n’entendent pas reculer face à ce type d’agression. Je crois que c’est aussi ce que les manifestants ont voulu dire aujourd’hui et qui doit, de notre point de vue, se traduire par d’autres mobilisations ».
 
Propos recueillis par Nicole MARI.