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Alain Juppé : « La Corse a une spécificité dont il faut tenir compte en matière fiscale »


Nicole Mari le Mardi 4 Octobre 2016 à 23:09

Une visite au pas de course de deux jours en Corse pour Alain Juppé en pleine campagne électorale pour la primaire qui, les 20 et 27 novembre prochains, désignera le candidat des Républicains (LR) et du Centre à l’élection présidentielle de mars 2017. Donné, pour l’instant, favori dans les sondages face à sept autres prétendants dont Nicolas Sarkozy, l’ancien 1er ministre et maire de Bordeaux a salué les sapeurs-pompiers du SDIS de Haute-Corse, avant de rencontrer, mardi en début d’après-midi, ses soutiens insulaires au restaurant Chez Walter à Lucciana. Il a rejoint, ensuite, la Balagne et sera, mercredi soir, en meeting à Ajaccio. Martelant son programme, il défend son concept « d’identité heureuse » et, sans surprise, une vision de la Corse prudente et lisse. S’il agrée le principe d’une fiscalité dérogatoire, il oppose une très ferme fin de non-recevoir à la coofficialité de la langue et à l’amnistie des prisonniers politiques.



Alain Juppé à Lucciana, entouré de Jean-Martin Mondoloni, Laurent Marcangeli, Jean Baggioni et Jean-Jacques Panunzi.
Alain Juppé à Lucciana, entouré de Jean-Martin Mondoloni, Laurent Marcangeli, Jean Baggioni et Jean-Jacques Panunzi.
 
Pas facile de marcher sur les traces insulaires de son grand rival Nicolas Sarkozy qui laboure l’île depuis des années ! Pourtant, c’est un Alain Juppé, sans complexe, qui foule, depuis mardi matin, le sol corse, n’hésitant pas à se présenter comme « un ami de longue date » d’une île qu’il prétend bien connaître et apprécier grâce aux « nombreux séjours » qu’il y a effectués. « Je porte à la Corse un intérêt ancien et concret ». Son rival et ses promesses, il refuse d’en parler, il préfère s’appesantir sur son titre de gloire locale, celui d’être l’initiateur de cette fameuse zone franche accordée à l’île quand il était à Matignon, une fiscalité dérogatoire qu’il est prêt à réactiver sur demande. Les soutiens politiques, il est vrai, ne lui font pas défaut, il aligne même, autour de Jean Baggioni, président de son Comité régional, quelques pointures telles que Laurent Marcangeli, député-maire d'Ajaccio, Jean-Jacques Panunzi, sénateur de Corse du Sud, Jean Martin Mondoloni, conseiller territorial, Ange Santini, maire de Calvi, Etienne Suzzoni, maire de Lumio, Ange Fraticelli, maire d’Aleria, Christian Orsucci, maire de Tallone, les élus bastiais, Jean-Louis Milani et Jean-Joseph Massoni…
 
Une vision frileuse
Côté projets, par contre, c’est plutôt frileux ! Sa « vision de la Corse qu’il veut faire partager » ne brille pas par son audace ! Lisse et convenue, elle a la rassurante tiédeur d’un parfum suranné. Sur la question corse qu’il tente de noyer dans une problématique globale, Alain Juppé oscille entre un Oui prudent, un Oui réticent et un Non ferme. Oui à la diversité. « Nous ne sommes pas tous pareils ! J’ai une vision de la France qui respecte la diversité et la spécificité de ses territoires » dit-il à Lucciana, mais la diversité n’est acceptable « qu’à condition que nous ayons quelque chose en commun : des racines ». Il appelle cela « l’identité heureuse, mais elle n’est pas pour aujourd’hui » avec son corollaire : « la laïcité et ses deux visages : celui qui garantit le choix religieux et celui qui impose, à toutes les religions, le respect de la loi républicaine ». Oui prudent à la spécificité : « J’ai été frappé par votre forte personnalité. La Corse a une spécificité pour des tas de raisons historiques, humaines et géographiques, il faut en tenir compte. Réactiver une zone franche me paraît une bonne idée. Comme de maintenir une spécificité fiscale. Je suis favorable à ce que l’on ne pratique pas, là encore brutalement, ce principe d’égalité qui est très jacobin. Je suis devenu Girondin ! ».
 
Pas d’amnistie
Oui réticent à l’évolution institutionnelle : « Je suis favorable à la collectivité unique, en revanche les conditions dans lesquelles les ordonnances prévoient la fusion des départements et le rôle à donner aux intercommunalités méritent d’être revues. Pour moi, les maires sont l’ossature de la République. Je propose une nouvelle loi qui permettrait de bien ménager cette transition. Faut-il modifier la Constitution ou faire un référendum ? Ce sont des questions secondes. Ce qui compte est le contenu… Peut-être pourrons-nous progresser sur l’autonomie… mais je sais que les Corses restent très attachés à la République. Nous sommes le 4 octobre, c’est le jour de le dire ! ». Non à la coofficialité de la langue corse : « Le français est la langue de la République ». Non encore plus ferme et définitif à l’amnistie des prisonniers politiques : « Très curieux, cette expression ! Pour moi, il n’y a pas de prisonniers politiques en France ! Il n’y a pas de prisonniers politiques en Corse ! Il y a des personnes qui ont été condamnées pour des crimes et des délits de droit commun. Pour moi, l’amnistie n’est pas à l’ordre du jour ». Oui au rapprochement des détenus : « Une promesse a été faite depuis des années aux familles des détenus corses, elle n’a jamais été tenue. Il faut se donner les moyens de la tenir en aménageant des possibilités d’accueil convenables et à la hauteur des nécessités. Je le ferai ! ».
 
La marque de l’échec
Alain Juppé enchaine, rapidement, sur son programme national qui se décline autour de trois axes. D’abord, « rétablir l’autorité de l’Etat qui est bafouée et s’affaiblit de jour en jour. La société française est déboussolée. L’Etat doit retrouver son leadership là où il est le seul à pouvoir le faire ». Et l’ex-Premier ministre d’égrener des exemples en matière de justice, de politique d’immigration, de demandeurs d’asile dont il prévoit de durcir les critères d’accueil, de contrôle aux frontières de Schengen… Ensuite, « le retour au plein emploi » en remettant les entreprises au centre du jeu économique et en allégeant « les charges qui les asphyxient ». Et de citer deux chiffres : 24 % de chômeurs de moins de 25 ans en France contre 7 % en Allemagne. « On ne peut pas continuer comme ça ! C’est un gâchis humain, un fléau, la marque de l’échec de ceux qui nous gouvernent ! ». Enfin, « la réforme du système éducatif en mettant le paquet sur la petite enfance et sur l’apprentissage ». Et d’asséner un autre chiffre : 3 fois plus d’apprentis en Allemagne pour 3 fois moins de chômeurs.
 
Des défis à relever
Malgré le malaise politique, social et économique, Alain Juppé a pleinement confiance en l’avenir et en la capacité de la France à relever deux défis majeurs. Le premier est environnemental avec la nécessité d’un profond changement des modes de vie et de fonctionnement : « Il faut recycler au lieu de gaspiller ! ». Le second est numérique : « Il faut réussir la révolution numérique qui bouleverse tout et qui va même changer les emplois ».
Alain Juppé lance, ensuite, un appel aux Corses pour aller voter lors des Primaires qu'il juge « indispensables » pour éviter « une dispersion désastreuse » de la Droite et du Centre au 1er tour de l’élection présidentielle : « Plus il y aura de votants, plus nos chances seront grandes de gagner. Il faut au moins qu’il y ait trois millions de votants pour donner une parfaite crédibilité au candidat qui sera choisi pour représenter la droite à l’élection présidentielle. Toutes les conditions sont réunies pour que ces Primaires se passent bien et que tout le monde se rassemble derrière le gagnant ».
 
Une confiance raisonnée
Une confiance partagée par Jean Baggioni, pour qui la campagne « se passe très bien » en Corse pour Alain Juppé. « La confiance, que nous lui témoignons, est raisonnée, raisonnable et justifiée. Il la mérite parce que son expérience, son engagement et son honnêteté sont, en tous points, garants de ce que pourrait être un mandat à la présidence de la République. Il a la stature d’un homme d’Etat. Il redonnera, à la France, le rayonnement et la représentation qui lui manquent aujourd’hui ». La prédominance sarkozyste en Corse ne le gêne pas : « On ne va pas élire le président de la République en Corse, mais en France. Les citoyens de Corse vont adhérer à un projet national. Ils se souviendront de la sympathie, de l’engagement, de la fréquentation et même des attaches, mais ils se souviendront surtout de l’intérêt de choisir, pour la France, un homme qui peut la représenter et la servir dans des conditions de plus en plus porteuses de confiance, d’espérance, de progrès et de solidarité ». Refusant toute polémique entre les deux rivaux, Jean Baggioni balaye d’un revers de main les rumeurs de querelles intestines que ces Primaires ravivent dans la droite insulaire : « Il n’y a pas de friction ! Les sympathies se manifestent de part et d’autre. Les Juppéistes et les Sarkozystes appartiennent à la même famille et ils ont une ambition : assurer l’alternance. Nous parviendrons au soir du 27 novembre à nous rassembler sans aucune difficulté derrière le candidat qui sortira en tête parce que nous voulons cette alternance : c’est une nécessité, la France en a grandement besoin ».
 
N.M.
 

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