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Pierre-Marie Mancini : « Le moment est venu de mettre en synergie tous les moyens de lutte contre les incendies »


Nicole Mari le Samedi 13 Janvier 2018 à 22:42

Les incendies, qui ont dévasté 2000 hectares, détruit ou endommagé plus d’une dizaine de maisons, et sinistré des villages de la Costa Verde, notamment celui de Chiatra, ont montré le désarroi et l’impuissance des maires des petites communes du rural et de l’intérieur face à ces situations dramatiques. Des élus montent au créneau, pointant du doigt, tout à la fois, la désertification, le manque de moyens, les terres à l’abandon, l’absence de débroussaillage et une loi inadaptée en matière d’entretien des terrains qui ne tient pas compte de la sécheresse récurrente dans l’île. Le président de l’association des maires de Haute-Corse et maire de Costa, Pierre-Marie Mancini, explique, à Corse Net Infos, que pour préserver ce qui peut encore l’être et éviter les catastrophes, il est urgent de mettre en synergie tous les acteurs du territoire. Avec à la clé : la mise en valeur des terres incultes et l’enjeu de la biomasse.



Pierre-Marie Mancini, maire de Costa et président de l’association des maires de Haute-Corse, à Chiatra, lors de la visite de Mme Gourault, juste après les incendies.
Pierre-Marie Mancini, maire de Costa et président de l’association des maires de Haute-Corse, à Chiatra, lors de la visite de Mme Gourault, juste après les incendies.
- Comment réagissez-vous à ces incendies qui laissent les maires des petites communes rurales impuissants ?
- En tant que maire du rural, je suis obligé de reconnaître que c’est une situation très compliquée et dramatique. Je tire mon chapeau aux maires qui ont organisé, avec beaucoup de courage, la défense de leur village et des habitants pendant les incendies, particulièrement Mme Maurizi (la mairesse de Chiatra). Elle a fait preuve d’un courage extraordinaire pendant l’épisode du feu. Elle a vu son village encerclé par les flammes, des maisons qui brûlaient, des moyens de secours qui ne pouvaient pas venir, un manque d’eau et de lumière…, malgré tout, elle a tenu tête à la situation. Ça doit être quelque chose de terrible, pour un élu, de voir son village dans cette situation-là !
 
- Qu’attendiez-vous de la visite de Mme Gourault en Costa Verde sur les lieux des sinistres ?
- Au vu de ses premières déclarations concernant la collectivité unique et ses intentions au niveau de l’organisation territoriale de la Corse, je pense que le moment est venu de mettre en coordination, en synergie, toutes les bonnes volontés en ce qui concerne la lutte contre les incendies. On sait très bien que nous sommes les premières victimes du réchauffement de la planète puisque nous sommes situés les plus au Sud, nous sommes, donc, les premiers à en subir les impacts. Aujourd’hui, il est nécessaire de travailler avec tous les acteurs du territoire, la protection civile, les pompiers, les sapeurs-forestiers et la la Collectivité Le défi est de réussir à trouver ensemble les solutions nécessaires pour préserver ce qui peut l’être encore, ou du moins, éviter d’autres catastrophes de ce genre. Si tous, nous coordonnons nos actions, si tous les efforts vont dans le même sens, on peut trouver une solution.
 
- L’aspect agricole n’entre-t-il pas également en jeu ?
- Oui ! L’aspect agricole est très important dans cette affaire. C’est un des piliers, un des leviers indispensables pour que l’on réussir à mettre en place des protections au niveau des villages, mais aussi au niveau de l’environnement. Ces incendies sont des catastrophes environnementales. L’important est, avec les moyens de l’Etat et de la région, les acteurs de terrain, les chambres consulaires et les agriculteurs, d’engager une réflexion sur les moyens de faire, en même temps, de la production et de la protection.
 
- Des élus mettent en cause la loi sur l’entretien des terrains qu’ils jugent inadaptée à la sécheresse corse. Qu’en pensez-vous ?
- Il faut adapter la loi ! Effectivement, nous subissons, en Corse, une situation particulière : beaucoup d’incendies, le réchauffement climatique et, surtout, l’évolution de la biomasse. Si dans d’autres régions, la biomasse a tendance à progresser de façon modeste, chez nous, elle augmente de façon exponentielle. C’est un problème !
 
- Quel est l’impact de cette augmentation de la biomasse sur les incendies ?
- L’impact, c’est que de plus en plus de territoires se ferment. La biomasse s’approche si près des constructions et des abords des villages que les 50 mètres de protection requis ne sont plus suffisants. Ce phénomène change les choses en cas d’incendie, il change surtout les résultats. S’y ajoute, en miroir, un autre problème : les villages sont de plus en plus dépeuplés, ils n’ont plus de population active, souvent ils n’ont même plus de résidents ! Seule une concertation entre les pouvoirs publics et les acteurs locaux peut arriver à faire émerger les solutions nécessaires pour, déjà, protéger les villages, même si ce n’est pas la finalité. La finalité, c’est de protéger les populations, mais aussi notre biomasse qui est un atout environnemental.
 
- L’absence de défrichement n’est-elle pas aussi un problème majeur ?
- Oui ! L’absence de défrichement, mais aussi l’interdiction de défrichement pose un problème. Dans des zones ZNIEFF ou dans les espaces naturels protégés, on est confronté à des interdictions aberrantes ! Par exemple, il y a une incohérence à ne pas pouvoir débroussailler et nettoyer la biomasse proche des villages. On protège souvent des choses qui ne sont pas capitales au détriment du développement ! Il faut faire la part des choses. Il faut savoir prendre en compte le résultat, ce que pourrait être la destruction d’une partie infime de biomasse, comparé au danger qu’elle peut représenter si on la laisse en l’état. Il faut, à ce niveau-là aussi, adapter les directives à la situation actuelle, c’est-à-dire des périodes de sécheresse de plus en plus longues, des incendies en plein hiver qu’hier on ne connaissait pas ou peu et qui se multiplient aujourd’hui. Il faut mettre tout cela en cohérence.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.