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Déconfinement : Le Comité scientifique préconise de conditionner l’accès en Corse à un test négatif dès juin


Nicole Mari le Samedi 23 Mai 2020 à 19:57

L’avis du Comité scientifique consultatif COVID-19, rendu ce 23 mai, est sans appel : l’accueil de personnes en Corse pour le mois de juin, premier mois de la saison estivale, doit impérativement être conditionné à la présentation d’un test PCR négatif qui devra être réalisé 4-7 jours avant le départ ou à un test sérologique positif, certifiant l’immunisation contre le SARSCoV2. Sous peine d’un rebond épidémique. Chiffres à l’appui.



Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.
La gestion régulée des flux en Corse pendant la saison estivale 2020 est une nécessité absolue pour éviter un rebond de l’épidémie de COVID19. C’était l’avis rendu le 5 mai dernier par le Comité scientifique consultatif COVID-19 concernant les conditions et les mesures à mettre en place pour une sortie progressive et maîtrisée du confinement. Ce Conseil consultatif, validé par l’Assemblée de Corse le 24 avril dernier, regroupe notamment des scientifiques, des universitaires et des médecins qui ont été chargés par le président de l’Exécutif corse, Gilles Simeoni, d’éclairer la décision publique dans le cadre de la crise sanitaire. Sa première feuille de route concernait la phase de sortie progressive du confinement et sa mise en œuvre logistique, les conditions de réouverture des établissements scolaires et de la rentrée de septembre, enfin la maitrise des flux estivaux.
 « Ces flux sont caractérisés dans l’île par un brassage important de population sur une période courte, sans équivalent en France au regard des caractéristiques démographiques et sanitaires », indique le Comité dans son avis basé sur « des simulations mathématiques, reposant sur les données épidémiologiques publiques, des paramètres démographiques et sanitaires … les mesures d’accès et de circulation envisagées dans les Départements et Régions d’Outre-Mer, et dans d’autres pays, particulièrement de l’Union européenne ». Considérant l’ensemble des données, il propose de « conditionner l’accès au territoire insulaire pendant la saison estivale à la présentation d’un test PCR négatif ou à un test sérologique positif. Cette préconisation permettrait de garantir la soutenabilité de l’augmentation de population saisonnière sans risque de saturation hospitalière ni de rebond épidémique ». 

 
Simulation pour juin
Ce dernier avis précise la méthode de simulation sur laquelle repose cette préconisation et propose une méthode de gestion des flux permettant de modifier, si nécessaire, le dispositif en fonction de l’évolution des données épidémiologiques. L’hypothèse part d’une estimation des effectifs en baisse de 50% par rapport à 2018 et 2019 pour les mois de juin-juillet-août, « ceci pour anticiper une désaffection de la fréquentation touristique consécutive au contexte de crise lié au Covid-19 », d’une prévalence virale à 0,2% « une estimation généralement acceptée aujourd’hui en Europe », d’une estimation des complications nécessitant une hospitalisation en réanimation de 4% à 5%, enfin d’une sensibilité de test PCR de 80%. « Nous avons ainsi considéré deux situations de départ : des flux entrants non testés et des flux testés par test virologique qui serait réalisé 4 à7 jours avant le départ », précise le Comité scientifique. « Il est important de préciser que de nouveaux tests virologiques rapides (30-40 min) à partir de prélèvements salivaires, pourraient être disponibles très rapidement ».
 
Pas soutenable, sans test
La simulation de la situation sanitaire pour le mois de juin est sans appel.
Si aucun test virologique préalable n’est réalisé avant le départ (NT), en fonction du cumul des arrivées du mois de juin, « les malades pourraient représenter plus de 500 personnes, parmi lesquelles 26 pourraient nécessiter une hospitalisation dans un service de réanimation. Compte tenu de l’engorgement observé chaque été des services urgence/réanimation inhérent à l’augmentation de la population, nous considérons qu’ajouter un poids de 26 Covid potentiels pour le mois de juin n’est pas soutenable par le personnel et les structures hospitalières. Pour rappel, un temps moyen passé en réanimation est de l’ordre de 3 semaines ».
Si un test virologique est réalisé avant le départ, les simulations montrent que « moins de 100 personnes, négatives au moment du test ou ayant contracté la maladie après le test, déclareraient la maladie. Parmi celles-ci, 4 pourraient nécessiter des soins d’urgence. Ce risque est acceptable et semble soutenable en l’état ». Et le Comité de conclure : « Les simulations montrent un risque d’engorgement rapide des services de réanimation hospitaliers pour le mois de juin. Un test PCR négatif réalisé 4-7 jours avant le départ permettrait de réduire d’un facteur 5 environ le nombre de malades susceptibles de nécessiter des soins de réanimation au mois de juin ».
 
Une mise en œuvre rapide
Le comité a également pris en compte la spécificité sanitaire de l’île. A savoir une capacité maximale de 69 lits de Réa sur les hôpitaux d’Ajaccio et de Bastia, dont 54 lits seraient mobilisables pour des Covid en cas de rebond épidémique. D’autant que les occupations de lits de réanimation pour les Covid sont longues avec une moyenne constatée de 3 semaines. S’y ajoutent une situation de tension récurrente en période d’été dans les hôpitaux de Corse et des évacuations sanitaires limitées, que ce soient par les capacités du SAMU, la difficulté pour trouver un hôpital d’accueil ou encore des tensions avec les opérateurs privés (assurances) pour la prise en charge de patients non stabilisés. « La dynamique épidémique et notamment l’évolution de la prévalence ne permettent pas à ce jour une estimation fiable du risque pour les mois de juillet et août ». Cependant, estime le Comité : « La mise en œuvre du dispositif pour un mois, le plus rapidement possible, soit début ou mi- juin, permettrait également de recueillir des données sur la prévalence du virus dans les flux de population entrants, limités en début de saison estivale. Ces données seraient précieuses pour adopter le modèle en juillet/août/septembre, en y intégrant également l’évolution des données épidémiologiques ». Compte tenu de l’évolution épidémique conditionnée par la cinétique propre de l’épidémie - dont de nombreux facteurs restent inconnus - et par l’efficacité ou non des gestes barrières et de distanciation sociale en période estivale, les mécanismes de régulation des flux estivaux de population en Corse pourraient être réévalués aux alentours du 20 juin pour le mois de juillet, puis de nouveau vers le 20 juillet pour le mois d’août, puis autour du 20 août pour le mois de septembre.
 

Membres du Conseil scientifique ayant rédigé cet avis :

-  Josette Dall'ava-Santucci, médecin, professeure émérite, Université de Paris Descartes ;
-  Mylène Ogliastro, virologue, Directrice de recherche INRAE- Université de Montpellier ;
-  Dominique Barbolosi, mathématicien, professeur d’université à Aix-Marseille ;
- Bernard Lecomte, médecin, anesthésiste-réanimateur -Directeur Médical de crise 
COVID-19 à l’hôpital d’Aiacciu-La Miséricorde.