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Violences intrafamiliales : les députés valident le retrait "automatique" de l’autorité parentale


Michela Vanti le Samedi 11 Février 2023 à 15:35

Une proposition de loi visant à retirer automatiquement l’autorité parentale d’un parent auteur de violences intrafamiliales a été adoptée ce jeudi 9 février à l’unanimité à l’Assemblée Nationale. Johana Giovanni, avocate au barreau d'Ajaccio et engagée depuis de nombreuses années dans la défense des victimes de viols et violences intrafamiliales, salue et commente le vote en première lecture de ce texte.



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Ce jeudi 9 février les députés ont adopté à l'unanimité en première instance (232 voix pour, zéro contre) un texte socialiste qui prévoit de retirer l'autorité parentale ou son exercice en cas de condamnation pour agression incestueuse, crime sur l'enfant ou sur l'autre parent, sauf décision contraire du juge.

"Même si on peut regretter que cette proposition de loi soit arrivée seulement maintenant, c'est une avancée plus que positive qui montre que les mentalités ont évolue car, comme elle l'a souligné la députée (PS) Isabelle Santiago qui a présenté le texte, un parent violent ou maltraitant envers son enfant ou son partenaire ne peut pas être un bon parent", estime Johana Giovanni, avocate au barreau d'Ajaccio et spécialisée en droit des femmes et de la famille. "Les enfants qui sont témoins ou victimes de violences subissent des conséquences néfastes sur leur développement personnel, leur réussite scolaire et leur construction identitaire. Il est impératif que la justice intervienne promptement et efficacement afin de protéger et d'accompagner ces enfants qui sont victimes ou co-victimes de violences intrafamiliales."

Juste après que l’Assemblée a adopté le texte tard dans la nuit du jeudi au vendredi 10 février, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a fait savoir que le gouvernement avait saisi le Sénat pour un examen rapide qu’il sera sans doute étudié dès le 21 mars.

Suspension automatique
Cette proposition de loi est composée de deux articles. Le premier souhaite imposer un "retrait de l’autorité parentale automatique dès lors qu’un parent est condamné pour viol ou agression sexuelle contre son enfant ou pour un crime ou des violences  ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours commis sur la personne de l’autre parent ".

"C’est une belle avancée car on pense encore trop le droit des parents à voir leurs enfants et on ne pense pas assez la protection des enfants" estime l'avocate ajaccienne qui évoque aussi les mécanismes d’emprise, de violence et de domination d’un parent sur l’autre, qui peuvent continuer à s’exercer en cas de séparation par le biais de l’autorité parentale et qui peuvent être néfastes pour les enfants. "Prenons le cas de Julie Douib. Malgré les violences dont elle a été victime et qu'elle avait dénoncées, son ex-compagnon avait toujours l'autorité parentale et, plus grave encore, le juge avait décidé que les enfants devaient résider chez le père et pourtant on ne devrait pas pourvoir exercer l’autorité parentale après avoir commis des violences sur l’autre parent.", souligne Johana Giovanni.

La nouveauté de ce texte c'est donc qu'il préconise de retirer automatiquement l’autorité parentale en cas de condamnation, "sauf décision contraire et motivée du juge". Une nuance ajoutée en commission parlementaire pour éviter tout risque d’inconstitutionnalité des peines automatiques. Pour Johana Giovanni c'est un bien "qu'on permette aux juges de faire du cas par cas et d'apprécier la situation." Selon l'avocate "les magistrats comme l'ensemble de la société sont de plus en plus sensibilisés  aux violences intrafamiliales et de plus attentifs à prendre la décision la plus adapté pour l'enfant." 

Proteger les enfants

Le second article de la proposition de loi prévoit automatiquement "la suspension de l’exercice de l’autorité parentale, ainsi que des droits de visite et d’hébergement lorsque les violences sur l’autre parent ont entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours. Surtout, cette suspension s’impose dès lors qu’il y a une poursuite du parent pour viol ou agression sexuelle envers son enfant." Et ce jusqu’à la prononciation du jugement. "Une procédure pénale peut s’étaler sur plusieurs années, et pendant tout ce temps il est nécessaire de protéger l’enfant de son parent suspecté d’être violent", souligne le texte.
Aujourd’hui, la loi prévoit une possibilité de suspension de plein droit de l’autorité parentale pour un crime envers l’autre parent, mais elle n’est pas automatique. 

"C'est une mesure positive qui vise à protéger les enfants, des victimes particulièrement exposées et fragiles." détaille l'avocate qui note que la Corse n'est pas épargnée par la violence intrafamiliale. "On en parle peut être moins mais sur l'ile les cas d'enfants victimes de viol et de violences sexuelles sont nombreux comme le nombre d'enfants qui vivent dans des foyers où les violences conjugales sont permanentes" dénonce Johana Giovanni qui regrette qu'on manque de structures pour protéger et prendre en charge les enfants.
Dans la plupart des cas, le parent violent est un homme.