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Tourisme : En Corse, entre inflation et concurrence déloyale, les restaurateurs voient les écueils se multiplier


le Samedi 2 Septembre 2023 à 21:56

Selon le président de la branche restauration de l'UMIH Corsica, les restaurants insulaires ont enregistré une baisse d’activité moyenne de -15% à -35% par rapport à l'été passé. Si ces chiffres sont à relativiser au regard d'une année 2022 exceptionnelle en terme de fréquentation, les difficultés de la profession vont pour leur part en s'acroissant



(Photo d'illustration : Archives CNI)
(Photo d'illustration : Archives CNI)
Si depuis le début de l’été beaucoup pointent une baisse importante de la fréquentation dans les restaurants de l’île, et n’hésitent parfois pas à parler de saison catastrophique, Frédéric Ruiz, restaurateur à Biguglia et président de la branche restauration à l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) Corsica, veut pour sa part rester plus circonspect. « C’est sûr que certains grincent des dents cette année, mais il y en a qui s’en sont très bien sortis », souligne-t-il en notant que « l’impact n’est pas le même selon le type d’établissement ». « La tendance générale c’est que, par rapport à l’année dernière, il y a une baisse d’activité en moyenne de -15% à -35% pour les établissements. Mais n’oublions pas que 2022 a été une année exceptionnelle en termes de fréquentation, car les gens avaient envie de profiter après le Covid. Cette année on est retourné à des choses plus normales et l’inflation fait que le budget plaisir est moins conséquent pour les restaurants », reprend-il en notant certains changements dans les modes de consommation qui ne font pas les affaires de la profession.
 
« Les touristes ont eu plus facilement tendance à se faire à manger dans la cuisine de leur location », constate-t-il ainsi. Par ailleurs, il regrette le développement du paracommercialisme qui entraîne un manque à gagner important. « De plus en plus de gens s’improvisent traiteurs ou chefs à domicile, font des brunchs, et autres petites choses au black. Ces personnes ne sont pas impactées par les charges, les mises aux normes de sécurité, la TVA … C’est une concurrence déloyale qui corrélée au reste met à sac la profession », fustige-t-il. « Et puis, l’inflation touche tout le monde, le porte-monnaie est moins conséquent pour le budget plaisir et de facto pour les restaurants », relève-t-il encore en appuyant : « Aller au restaurant devient presque un luxe, un plaisir que les clients ne peuvent plus s’offrir aussi souvent qu’avant ».

Des difficulté en cascade

Une inflation qui n’épargne pas bien sûr les restaurateurs eux-mêmes. « Le prix de la viande a pratiquement doublé par rapport à il y a deux ans, les boissons ont augmenté, le café a augmenté, tout a augmenté », souffle Frédéric Ruiz en concédant qu’en bout de course les professionnels sont bien obligés de répercuter la hausse des coûts dans les assiettes. Mais le président de la branche restauration de l’UMIH Corsica tient toutefois à renverser la mauvaise image des restaurateurs qui « se gavent pendant deux mois » qui tend à se généraliser sur l'île. « Je suis d’accord que certains pratiquent une politique tarifaire qui peut être considérée comme exagérée, mais ils sont libres de faire ce qu’ils veulent dans leurs établissements. Et les prix sont affichés et les clients sont libres de consommer ou non dans tel ou tel établissement où les tarifs seraient excessifs. C’est important de ne pas généraliser, car ce n’est pas le cas de tous les restaurateurs. Il y a des gens qui travaillent toute l’année, avec des locaux, qui essayent de maintenir des tarifs cohérents pour garder leur clientèle », martèle-t-il. 
 
« On sent un ras-le-bol chez beaucoup de nos confrères. Certains ont envie d’arrêter et il y a même beaucoup de restaurants qui étaient ouverts à l’année qui ferme aujourd’hui », déplore Frédéric Ruiz, « Il faut se poser les vraies questions : est-ce que l’on a seulement à faire à des personnes qui veulent se gaver comme cela est inscrit dans les consciences, ou est-ce la combinaison de l’ensemble des difficultés que nous rencontrons ? », instille-t-il. « Nous sommes pris à la gorge et les clients ne comprennent pas toujours que derrière un service il y a beaucoup de choses, comme des tarifs de blanchisserie qui ont augmenté, des produits qui ont augmenté, l’électricité qui a augmenté, et puis les charges sociales qui sont là qu’il y ait 0 ou 1000 couverts. Je pense qu’en cascade il va y avoir de plus en plus de difficultés pour les restaurateurs », regrette-t-il. 

Se réinventer pour mieux résister

Face à ces perspectives, le président de la branche restauration de l’UMIH Corsica invite de facto ses confrères « à se réinventer » pour mieux résister aux crises. « Il faut revoir la politique tarifaire, il faut changer sa carte, travailler d’autres produits avec une moindre valeur ajoutée pour pouvoir les mettre en valeur dans l’assiette et garder des prix cohérents. Dans les pièces nobles, on peut se demander par exemple si on va continuer de garder du filet de bœuf à la carte, ou si l’on va passer sur du faux filet qui est un peu moins cher pour permettre au client de garder du pouvoir d’achat tout en lui donnant l'occasion de pouvoir manger de la viande », détaille-t-il, « Nous sommes bien obligés de nous repenser et de nous adapter à l’inflation, sinon, avec toutes les augmentations, on se retrouve vite avec des plats que l’on vend plus de 30 euros dans l’assiette, et l’on se fait traiter de voleurs. On ne peut pas juste répercuter un prix plus élevé sur un produit identique l’année d’après et s’étonner qu’il y ait une baisse de clients. On doit aussi se remettre en question en tant que professionnels par rapport aux produits que nous mettons sur notre carte pour rester attractifs ».