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« Si rien n’est fait, la langue corse disparaîtra dans une génération », alerte le collectif Femula Campà


Mario Grazi le Samedi 7 Juin 2025 à 09:23

Réuni en conférence de presse jeudi à Corte, le collectif « Femula Campà » tire la sonnette d’alarme : faute d’une véritable politique linguistique, le corse est menacé de disparition d’ici 25 ans. Il interpelle élus et institutions sur l’urgence d’agir.



Dans une conférence de presse tenue ce jeudi matin à Corte, le collectif « Femula Campà » a lancé un signal d’alarme sur l’état de la langue corse. Pour ses membres, sans un engagement politique clair et immédiat, celle-ci pourrait disparaître en tant que langue vivante d’ici vingt-cinq ans. Le porte-parole du collectif, Pascal Ottavi, ancien universitaire, déplore l’absence de programme structuré de la part de l’Assemblée de Corse, pourtant annoncé il y a plusieurs mois mais jamais soumis à débat.

À l’origine de la création du collectif, ce sont les nombreuses maladresses relevées dans la signalétique routière. Des erreurs d’orthographe et de traduction, d’abord relayées avec humour sur les réseaux sociaux, mais qui ont fini par susciter irritation et incompréhension chez de nombreux insulaires. « L’administration de la Collectivité de Corse porte une part de responsabilité dans ces errements », a affirmé Pascal Ottavi, entouré pour l’occasion de plusieurs acteurs engagés dans l’enseignement de la langue : Maria Claudia Luciani, ancienne directrice d’école bilingue, Pascale Pergola, ancienne conseillère pédagogique, Anghjulu Pomonti, professeur agrégé, et Claudiu Bellagamba, ancien enseignant. Selon eux, cette affaire de toponymie a révélé plus largement les lacunes de l’action publique en matière linguistique. L’état des lieux établi par le collectif est jugé préoccupant. Certes, certains dispositifs comme les « Case di a Lingua » sont salués, mais aucune stratégie globale n’a vu le jour. « Une politique linguistique suppose un programme clair, des objectifs, des moyens, une méthode et une évaluation. Rien de tout cela n’existe à ce jour. La dernière réunion de la commission compétente remonte à 2023, et n’a pas été suivie d’effet », a souligné Pascal Ottavi.

Face à ce constat, le collectif a adressé un courrier au président du conseil exécutif, à la présidente de l’Assemblée de Corse, à l’ensemble des élus territoriaux, ainsi qu’aux parlementaires insulaires. L’objectif : alerter sur une situation qu’il juge critique. La transmission familiale de la langue est déjà en net recul, tandis que la pression démographique sur l’île — en hausse de 59 % en cinquante ans selon l’Insee — conjuguée à un faible taux de natalité, pose avec une acuité nouvelle la question des droits linguistiques et culturels du peuple corse. Pascal Ottavi a également évoqué ce qu’il appelle une « deuxième rupture linguistique », à l’image de celle intervenue au cours du XIXe siècle. Une dynamique silencieuse, alimentée selon lui par des changements profonds de population, de comportements, et jusqu’à l’atmosphère sonore des rues et des commerces. « Si rien n’est fait, la langue corse pourrait être rayée de la vie populaire et ordinaire de cette île à l’horizon d’une génération », a-t-il averti.

Le collectif dénonce par ailleurs l’absence de convention entre l’État et la Collectivité sur les questions linguistiques, les conséquences néfastes des réformes du baccalauréat, la faiblesse des recrutements dans l’Éducation nationale, le silence du Conseil académique territorial, et l’absence de bilan du plan de formation mis en œuvre dans les premier et second degrés. Il réclame une réorganisation complète de l’enseignement du corse, dès la maternelle jusqu’au lycée, avec une présence effective de la langue dans les horaires et programmes, des concours adaptés pour les enseignants, une généralisation de l’enseignement immersif, et une reconnaissance du bilinguisme jusqu’au baccalauréat. La petite enfance est aussi concernée : le collectif demande l’ouverture de crèches immersives et la présence obligatoire de personnel bilingue. Il estime enfin nécessaire de relancer le « Cunsigliu di a Lingua », et d’amplifier les efforts en matière de formation des adultes, de médias et de création littéraire. « Ce n’est qu’à ces conditions que l’on pourra sauver notre langue. Il est absolument nécessaire et urgent que l’Assemblée de Corse étudie, débatte et adopte une véritable politique linguistique. Sinon, le corse disparaîtra », a conclu Pascal Ottavi.