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Satellites "zombies" à Santa-Lucia-di-Tallà : le projet culturel qui ne passe pas


le Jeudi 28 Décembre 2023 à 17:19

Lors de la dernière session de l'assemblée de Corse, il a été reproché à l'exécutif de ne pas avoir sollicité des artistes de l'Alta Rocca pour penser le projet d'œuvre d'art monumentale, qui doit voir le jour à proximité immédiate de la médiathèque du couvent Saint-François, à Santa-Lucia-di-Tallà. Gilles Simeoni assume "(s)a part de maladresse" et s'est engagé à consulter les acteurs du territoire, courant janvier.



Le couvent Saint-François, à Sainte-Lucie-de-Tallano, et la médiathèque attenante.
Le couvent Saint-François, à Sainte-Lucie-de-Tallano, et la médiathèque attenante.
"Hystérésia". Sous ce nom de code mystérieux, se cache un projet artistique déroutant porté par trois artistes : Aram Kebabdjian, Stéfane Perraud et David Raffini. Il s'agit d'une installation qui étudie les signaux des satellites dits "zombies". Non, la menace fantôme ne nous guette pas (ça, c'est dans Star Wars), mais durant la guerre froide, de nombreux satellites ont été lancés dans l'espace pour amasser un maximum de renseignements. On les appelle aujourd'hui "zombies", car ils ont cessé de fonctionner, mais émettent tout de même encore un signal résiduel. C'est ce signal que le projet Hystérésia ambitionnait d'étudier à Tallà, mais le geste artistico-cosmique a pris du plomb dans l'aile car les trois artistes ne sont pas originaires de l'Alta Rocca.

2,5 millions d'euros de travaux pour rénover le couvent

Antonia Luciani, conseillère exécutive de la Collectivité de Corse (CdC) en charge de la culture, s'était pourtant déplacée dans le village le 9 novembre pour y présenter le projet aux élus locaux ainsi qu'au tissu associatif. L'oeuvre hybride imaginée devait convoquer les arts plastiques et la littérature en vue de "valoriser le patrimoine de l’Alta-Rocca, en interrogeant la mémoire du ciel de ce territoire, afin de se reconnecter avec la terre dans sa dimension immémoriale", précisait la Collectivité de Corse dans un communiqué. "Tout en valorisant la langue corse à travers la rédaction des textes, mais aussi à partir d’enquêtes et de collectes de témoignages réalisés sur le territoire de l’Alta-Rocca.Ce projet était censé acter la mise en service du nouvel établissement culturel de la médiathèque du couvent Saint-François. Un couvent qui menaçait de partir en ruines il y a tout juste dix ans et que l'ancien conseil départemental de Corse-du-Sud avait entrepris de rénover. Les travaux ont démarré en 2016 puis la CdC a récupéré le bébé suite à la fusion des deux conseils départementaux. Aujourd'hui, le chantier touche à sa fin et le bâtiment sera normalement opérationnel au premier trimestre de l'année 2024, sa rénovation ayant coûté 2,5 millions d'euros.

"Je comprends l'émotion"

Mais suite à la réunion de présentation du 9 novembre, des voix se seraient donc élevées contre le projet Hystérésia. Lors de la dernière session de l'Assemblée de Corse, Chantal Pedinielli s'en est fait l'écho : "Je m’étonne qu’il n’y ait pas eu d’appel d’offres auquel auraient pu candidater des artistes de l’Alta Rocca. On peine à finir et à rendre opérationnel le couvent, et on engloutit 150 000 euros dans une œuvre réalisée par des gens extérieurs au village, et ce, sans que la commune n’ait été associée", a critiqué la conseillère territoriale du groupe de droite Un Soffiu Novu.

Derrière, c'est Gilles Simeoni qui a pris le micro, et le président de l'exécutif a fait preuve d'empathie dans sa réponse : "Des artistes de l'Alta Rocca viennent à cette réunion et ils entendent dire qu'il y aura une œuvre pour laquelle ils n'ont pas été consultés. Je comprends l'émotion et je prends ma part de maladresse." Puis il a expliqué comment le projet Hystérésia a atterri à Santa-Lucia-di-Tallà : "Il n'a pas été conçu par rapport au couvent de Tallà mais dans le cadre de la préparation de la candidature de Bastia, Capitale européenne de la culture." Et c'est le président de l'exécutif lui-même qui aurait émis l'idée d'intégrer ce projet à Tallà, "pour lui donner une dimension supplémentaire", a-t-il confié. Sur la somme de 150 000 euros avancée par Chantal Pedinielli, il précise néanmoins : "Nous n'avons rien décidé. Ces 150 000 euros, c'est une ligne budgétaire globale pour l'ensemble des œuvres."

Soucieux d'associer tous les acteurs politiques et culturels de l'Alta Rocca autour de ce projet, Gilles Simeoni a annoncé la mise en place d'un nouveau comité de pilotage en janvier, à Tallà, auquel il s'est engagé à participer. Dans l'attente, "je suspends le projet Hystérésia
 et on verra si Tallà est intéressée pour l'intégrer avec l'accord de tout le monde. Car je souhaite que les artistes de l’Alta Rocca soient en première ligne dans la valorisation de leur couvent."
Invité à réagir sur l'engagement de Gilles Simeoni, le maire de Tallà, Jules Bartoli, n'a pas donné suite à nos sollicitations, "pour ne pas nuire à la réunion de janvier".