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Police judiciaire : En Corse les renforts promis par le gouvernement se font attendre


Thibaud KEREBEL le Lundi 15 Mai 2023 à 16:56

Malgré les promesses successives du ministère de l'Intérieur, la police corse souffre toujours d'un effectif insuffisant, qui entrave son travail et affecte la santé des troupes. Les syndicats, très inquiets de la situation, tentent désespérément de se faire entendre.



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« Les événements de mars dernier, si ils se reproduisaient maintenant, on ne pourrait pas y faire face. Ce serait une catastrophe. » Pour illustrer la situation de la police sur l’île, Pierre Azéma ne manque pas d’exemples. Il faut dire que le secrétaire départemental de l’Unité SGP Police-Force Ouvrière de Corse-du-Sud (premier syndicat national) dénonce depuis maintenant un an les conditions de travail des forces de l’ordre. Départs non remplacés, effectifs épuisés, promesses non tenues… Les doléances sont nombreuses, et poussent la police corse a tirer la sonnette d’alarme, ce lundi 15 mai, en espérant être enfin entendue.

« Pendant l’été 2022, le ministre de l’Intérieur avait annoncé des renforts pour l’investigation en Corse. Et début 2023, il avait donné le chiffre de 50 nouveaux enquêteurs pour la police nationale et la gendarmerie. Résultat, on n’a toujours rien, malgré nos demandes réitérées », déplore Pierre Azéma. En interne, un sentiment prédomine : « les incidents retentissants, comme la fusillade de Villerupt (ce samedi 13 mai, en Meurthe-et-Moselle, NDLR), incitent le gouvernement à faire des effets d’annonce. Mais derrière, ce n’est pas tenu. »

« Aucune mesure n’est prise, on ne se fait pas d’illusion »

Le constat est identique à Bastia. D’après Jean-Louis Vadella, secrétaire départemental de l’Unité SGP Police-Force Ouvrière de Haute-Corse, « les effectifs diminuent gravement ». « Il y a des départs et pas d’arrivée. Aucune mesure n’est prise, on ne se fait pas d’illusion. » Il faut dire que les chiffres sont alarmants : en Haute-Corse, la sureté départementale a perdu 13 enquêteurs, et ce, rien qu’en 2022. « L’unité qui traite des infractions financières a également été mise en sommeil », ajoute Jean-Louis Vadella. « On fait le maximum pour accueillir les plaignants, mais concrètement, les dossiers n’avancent pas. »

En Corse-du-Sud, la police judiciaire a enregistré 25 départs pour seulement 8 arrivées sur l’année 2022. « Et pour cette année, on est déjà à 11 départs, pour zéro arrivée... », s’indigne Pierre Azéma. Forcément, de tels problèmes d’effectif entraînent des retards. « Si on regarde simplement les délits routiers, on a plus de 1000 dossiers en stock, qui restent à traiter. Mais c’est impossible, ils ne sont que deux à travailler dessus ! Et le soucis, c’est que derrière, les victimes sont en attente d’une réponse. »

« Il faut faire ouvrir un mouvement de mutation exceptionnel ! »

Plus que les difficultés de travail, et la fatigue qui s’accumule au sein des commissariats, c’est surtout le décalage entre les annonces et les actes qui fait grincer des dents. « Concrètement, sur les 50 postes promis par le ministre début 2023, pour l’instant, on n’en a eu zéro », résume Jean-Louis Vadella. « Il faut qu’il fasse ouvrir un mouvement de mutation exceptionnel ! » « Comme la Corse est au centre du jeu politique, on s’attendait à avoir des arrivées, mais rien. On a beau frapper à toutes les portes, on n’a aucune réponse », complète Pierre Azéma.

Un silence d’autant plus pesant que des objectifs importants ont été fixés sur certains sujets d’ampleur, comme le trafic de drogue. « À Ajaccio comme à Bastia, il n’y a que quatre personnes pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Ils doivent assurer la surveillance, l’enquête, les écoutes, les interpellations et les défèrements. Leurs résultats sont incroyables quand on connaît les moyens dont ils disposent, mais c’est évidemment insuffisant », conclut Pierre Azéma. « Les victimes, la population, vont être les premières touchées de cette absence de renforts. »