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Pedigrisgiu : "Utopia" dans l'atelier des Charpentiers de la Corse à Ponte Leccia


le Mercredi 12 Août 2015 à 22:51

C'est le titre de l'exposition présentée le week-end dernier dans l'atelier des Charpentiers de la Corse à Ponte Leccia. Pour la VII ème édition de cet événement l'entreprise mécène a clôturé une résidence d'artistes par une exposition éphémère. Retour sur ce projet artistique avec quatre des résidents de cette année.



Pendant plusieurs semaines, tous les ans depuis 2008, plusieurs artistes d'art contemporain sont réunis sur place avec un objectif commun : habiter ce lieu. L'habiter car ils y vivent, s'en inspirent et s'en servent avec une vraie interaction entre charpentiers et artistes. Matériaux et outils sont généreusement mis à disposition avec l'objectif final "d'habiter " l'espace de cette usine le soir de l'exposition.
À l'origine de ce projet il y a David Raffini - devenu depuis l'un des artistes les plus prometteurs de sa génération - et sa compagne Tatiana Wolska, alors étudiants en art à l'Université de Corse, qui s'installent dans un atelier sur le site. Une rencontre entre l'art contemporain et l'artisanat du bois particulièrement fructueuse.  C'est ainsi que naît ce concept de résidence d'artistes avec, dès la première année, plus d'une trentaine d'artistes travaillant sur place. Et depuis, été après été, de nouveaux artistes se succèdent pour faire vivre ce lieu de création, avec à chaque fois une volonté de mélanger artistes corses et étrangers.

Bien que le projet soit intitulé "Utopia", ce n'est pas un thème en soi pour autant. En tout cas pas pour Amandine Guruceaga et Benjamin Marianne, les deux jeunes artistes ont préféré utiliser la liberté qui leur a été accordée : " C'est assez rare d'avoir ces conditions de travail, d'avoir une liberté totale alors on en a bien profité !", explique Benjamin. 
Les deux jeunes sculpteurs ont fait la même école, ils ont un lieu de travail commun sur Marseille mais c'est la première fois qu'ils travaillent en duo, voici comment ils ont appréhendé ce projet :

" On a commencé par faire une collecte, essayé de ramasser tout ce dont les gens n'avaient pas besoin... On a fait les poubelles en gros. " explique Benjamin en riant.
" C'est un peu ça, -reprend Amandine- on a discuté avec les gens d'ici, ils nous ont parlé du nom de ce lieu dit : "Di volte", et on nous a expliqué que c'était peut-être une déformation de "volpe" qui veut dire "renard". Donc on a un peu agi comme des renards, comme le charognard qui récupère les restes, et avec tout ça on a créé nos sculptures."

- "Utopia", ça peut faire penser à l'écologie, c'est une des thématiques que vous abordez avec vos œuvres ?
-" Oui ça fait partie des idées qui nous ont traversé. Lorsqu'on est allés ramasser toutes ces ordures, ici et là, on a vu pas mal de décharges sauvages. Et le fait d'exposer tout ça, c'est quand même un message. Mais encore une fois, on ne nous a pas demandé de travailler sur le thème de l'utopie." 

- Sur quoi avez-vous décidé de travailler ?
-" On s'est un peu immergés dans la Corse, dans cette culture populaire qu'on découvre... Entre le mythe, la réalité, tout ce que la Corse génère comme image", nous explique Amandine, et Benjamin de répondre en riant : " et on a décidé de faire ressortir le côté macabre ! Parce qu'on nous parle toujours des assassinats, des parties de chasse... En discutant avec les gens on nous a raconté des histoires de sangliers découpés à la scie-sauteuse, des choses assez peu communes pour nous donc en ramassant tous ces crânes de vaches ça nous a paru évident de les intégrer...
Et en même temps, - reprend Amandine - personnellement ma mère chassait, je ne trouve pas cela macabre mais ça nous amusait beaucoup de jouer avec les clichés aussi." 

Autres artistes présents pour cette VIIème édition, François-Xavier Bartoli et Sophie Romano, respectivement architecte et designer, ont cherché une interprétation au titre. François-Xavier Bartoli explique : 

" La première idée qui nous est venue, en tant qu'architecte, c'est de se poser la question de l'habitat. Quel serait l'habitat ultime? Quel est le premier habitat? C'est ce genre de questionnements qui nous ont amené de l'habitat à l'habit. Avec ce principe de protection comme l'habitat donc on a commencé à travailler là dessus avec du bois. 
Puis, on est partis sur l'idée de la greffe, comme ces habits que l'on vient greffer sur le corps. Toujours pour venir le protéger. 
Et enfin, pour la dernière pièce on s'est plus concentrés sur l'architecture, toujours avec les matériaux qui étaient sur place, avec une forme inspirée du travail d'Antonio Gaudi notamment pour la Sagrada Famiglia à Barcelone
."

- Vous avez réalisé toutes vos œuvres avec du bois?
-" Oui dès le début on nous a proposé l'idée de travailler avec ce que l'on trouvait sur place. - Explique-t-il, ce à quoi Sophie Romano rajoute - Oui, les matériaux, des idées, et le savoir-faire aussi. On a rencontré les charpentiers puisqu'ils travaillaient encore lorsque l'on a passé cette quinzaine de jours sur place. Une rencontre entre l'art et l'artisanat qui a été très constructive."

Une exposition éphémère qui a donc déjà disparu. Sauf cet hommage à l'architecte catalan Gaudi une œuvre sculpturale tout en légèreté que l'on voit en passant le long de la nationale.  Mais si vous l'avez manquée, rendez-vous l'année prochaine pour la VIIIème édition. Une future résidence d'artistes dans la lignée des précédentes, qui se conclura par une soirée festive. Une proximité qui permet de découvrir et d'échanger avec ces artistes originaux. Toujours avec cette idée de faire vivre ce lieu. Un lieu de travail, dans une région rurale, qui devient pour une nuit, un lieu de rencontre où l'art contemporain fait converger les gens, les origines et les arts...