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Pancheraccia : A Festa di u granu revient ce weekend


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Vendredi 1 Juillet 2022 à 08:06

Les 2 et 3 juillet prochains, se déroulera à Frassiccia, Commune de Pancheraccia, la 10ème édition de A Festa di u granu. Une foire dédiée à la relance de la culture du blé en Corse, organisée par l’association U granu anticu.

Edwige Koziello, créatrice et présidente de l’association, dans le cadre de travaux de recherche sur le blé corse, nous en dit plus :



Edwige Koziello, créatrice et présidente de l’association
Edwige Koziello, créatrice et présidente de l’association

 

- Comment est née l’idée d’une foire dédiée à la culture du blé en Corse ?

- Faire pousser du blé en Corse, aujourd’hui ça paraît impossible. Et pourtant, du blé, il y en avait ! Notre but était de mettre en lumière l’idée qu’on pouvait en replanter ici. 

 

- C’est dans ce but que vous avez créé votre association ?

- U granu anticu est né en 2007. Nous cultivions du blé près du fort d’Aleria. Les premières annéesla moisson était collective, le public participait. Et nous faisions une petite fête

En 2012, nous avons déménagé sur le site de Pancheraccia, dans Le jardin des blésau bord de la nationale, auprès deBaptiste Bariani, un viticulteur, trésorier de notre association, qui laboure, sème et récolte bénévolement le blé sur des terrains qui nous sont prêtésIl y a de l’espace, un grand parc, avec des arbres. C’est là que nous avons créé A Festa di u granu : une fête qui accueille du public, sous la forme d’une foire agricole, avec des stands. 

Mettre en spectacle la moisson nous a paru la meilleure façon d’apporter la preuve visuelle que la culture du blé en Corse était possible.

 

- Sous quelle forme mettez-vous en scène la moisson ? 

- Dès 2012, nous avons acquis une ancienne batteuse en bois – sa date de fabrication est indiquée dessus : 1832 ! Nous l’avons achetée dans le Larzac. Mais il y a eu des machines identiques en Corse. A Padulone, au domaine Vincentelli, il y en a une dont le propriétaire a hérité : un bien de famille dont il refuse de se séparer, et qui prouve bien que les terres alluvionnaires du Tavignanu étaient propices à la culture des blés encore dans les années cinquante.

Nous avons également acheté un tracteur Massey-Ferguson de 1956. Et d’autres engins…

Ces machines anciennes que nous avons remises à l’honneur, témoignent de ce qu’il y a eu très tôt une modernisation agricole en Corse, avec une volonté de nourrir la population. Un essor qui a été étouffé par la suite. 

 

- Et le blé pousse aussi bien ici que sur le continent ?

- Il pousse bien : l’objectif est aussi de montrer au public la vitalité des plants ! Simplement, ce ne sont pas les mêmes variétés. Quand la moissonneuse-batteuse a été adoptée, la machine n’était pas adaptée aux variétés anciennes. Ces variétés sont hautes en paille et sensibles à l’égrenage : autrement dit, si vous les secouez, le grain tombe à terre ! Au moment de la mécanisation, on a donc poussé les agriculteurs à opter pour des plantes plus basses et plus rigides. Seules deux ou trois variétés sont restées en France : on a perdu beaucoup en bio-diversité. Les variétés adaptées au climat corse, qui n’ont pas besoin de beaucoup d’eau, ont disparu. Or le blé qui pousse en Beauce ne peut pas pousser sous le climat d’Ajaccio. 

 

- Avez-vous pu retrouver ces anciennes variétés corses ?

- On a fait des recherches en croisant les disciplines : archéologie, agronomie, agriculture, histoire… Nous avons retrouvé des textes dans les archives de la famille Matra qui mentionnaient par exemple le barbu de Toscane, une variété introduite au XVIe siècle par les Génois. C’est celle qui servait à faire la paille des chapeaux. 

Et nous nous sommes rapprochés du conservatoire des variétés de l’INRA de Clermont-Ferrand avec qui nous avons conclu une conventionIls nous ont sélectionné des variétés sur la base de leurs noms : ce qui se rapprochait le plus du corse… Nous les avons semées à Aleria puis nous avons fait venir des anciens qui avaient la mémoire des blés poussant dans les années cinquante : ils ont su reconnaître certaines variétés. 

De vingt graines au départ, en les ressemant tous les ans, nous avons finalement obtenu sept tonnes de blé : suffisamment pour faire du pain ! A la Festa di u granu, il y aura d’ailleurs un atelier animé par le boulanger Michel Angeli pour apprendre à fabriquer du pain avec cette farine.

 

- Un pain qui ressemble à celui qu’on consomme de nos jours ?

- Pas tout à fait. Il contient notamment moins de gluten. 

En fait, la technique même de fabrication est différente, ce qui explique aussi la réticence des boulangers à utiliser des farines issues de ces blés. Il faut reprendre le process ancien : pétrir lentement, à la main. Il faut douze heures pour que la pâte lève, au lieu de quatre pour les blés d’aujourd’hui. 

 

- Quelles sont selon vous les obstacles à un développement de cette culture en Corse ?

- Ce qui bloque, déjà, ce sont les règlements. D’ailleurs ce blé est interdit à la vente du fait de la législation européenne. Il n’est pas agréé et ne figure donc pas au catalogue officiel des semences. Nous faisons partie du réseau Semences fermièresqui se bat aussi pour que les paysans puissent ressemer les graines qu’ils ont récoltées – ce qui est impossible aujourd’hui. 

Après, il faut pouvoir relier cette inspiration du passé et les techniques actuelles de culture. Nous ne sommes pas une association tournée vers la nostalgie. Nous voulons aller de l’avant. Il faut être créatifs…

 

La crise ukrainienne a généré une prise de conscience. Il faut répondre à la problématique de l’autonomie alimentaire. Le public est convaincu. Beaucoup de gens nous appellent maintenant parce qu’ils veulent semer dans leur jardin potager ! C’est déjà quelque chose. 

Reste à convaincre les élus politiques…


A Festa di u granu, en pratique :

Horaires : les 2 et 3 juillet, de 9 heures à tard dans la nuit…
Entrée gratuite
 Une dizaine de stands proposeront des produits locaux : 
De l’artisanat, avec paniers, couteaux, bijoux, cosmétiques, objets en bois… 
De l’alimentation : Bastelle, migliacci, saucisses de veau, soupes et salades à base de produits bio de la production du domaine, jus de fruits… Chaque exposant vendant des préparations à base de céréales proposera au moins un produit fabriqué avec de la farine de blé corse. 
Des livres… 
Restauration : En complément des stands, dîner du samedi soir : 20 €. Déjeuner du dimanche “Repas des moissonneurs” (en musique) : 20 € 
 Bal le samedi soir avec le groupe EPPO

Des ateliers gratuits :
Fabrication du pain
Meunerie (avec un moulin en démonstration)
Moisson à la faucille
Battage du blé
Nettoyage du blé
Découverte des plantes sauvages pour tourtes aux herbes et les soupes
 
Compte tenu du nombre de places limité, il est conseillé de s’inscrire par téléphone pour participer aux ateliers ou aux repas : 06 61 96 55 59