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PME corses et Coronavirus : comment gérer sa trésorerie ?


Pierre BERETTI le Lundi 23 Mars 2020 à 20:47

La crise sanitaire que subit l’île en ce moment avec la fermeture des commerces et le confinement pose une vraie question économique quant à la survie de bon nombre de petites entreprises. Sébastien Ristori, analyste financier, enseignant à l’Université de Corse et à Kedge Business School, répond à nos questions sur le sujet qui pourrait entraîner des difficultés pour toutes les entreprises locales et notamment sur leur trésorerie.



(Photo : Michel Lucioni)
(Photo : Michel Lucioni)
- Pourquoi est-ce important d’être vigilant avec sa trésorerie ?
 - La crise du Covid-19 aura un impact économique suivi d’un impact financier certains sur toutes nos entreprises et va entrainer, de fait, de sérieuses problématiques de trésorerie. Très clairement, la différence entre la vie et la mort d’une entreprise, c’est sa trésorerie : Sans argent, parce que vos clients sont dans l’incapacité de payer et parce que votre société est fermée, votre entreprise ne peut plus honorer ses échéances sereinement et la trésorerie de l’entreprise va drastiquement diminuer. Compte tenu de l’événement, plusieurs scénarios : soit la crise sanitaire est limitée à moins de deux mois et dans ce cas, nous pouvons espérer un redémarrage rapide de l’activité économique, soit celle-ci dure trois mois occasionnant une diminution totale des encaissements sur une longue période mais l’activité pourra, toutefois, redémarrer suffisamment vite, soit une crise économique suit la crise sanitaire et dans ce cas, la relance va être très difficile pour toute nos petites entreprises. C’est sur ce point qu’il faut actionner différents leviers pour protéger son « cash ». Le gouvernement et ses partenaires ont rapidement déployé - dont les modus operandi sont accessibles partout sur le net – une série de mesures pour soutenir financièrement toutes les entreprises.
 
- Quelles sont les leviers qu’un entrepreneur peut mettre en place pour limiter les sorties de cash?
- Dans chaque entreprise, les sorties de trésorerie sont très généralement liées aux salaires, aux URSAFF, charges fixes de fonctionnement et échéances d’emprunt. Bien évidemment, les fournisseurs de matières ou marchandises font l’objet de paiement mais généralement, sans activités, il n’y a plus d’approvisionnement. Plusieurs mesures : les dépenses fiscales et sociales peuvent être gelées pour préserver, d’ores et déjà, votre trésorerie, par l’intermédiaire du site des URSAFF qui propose un décalage jusqu’à 3 mois. Tous les impôts (acompte sur IS, taxes sur les salaires…) pourront être également reportés. Dans le cas où votre activité ne peut accueillir du personnel ni le faire travailler, il faudra également recourir au chômage partiel pour justifier d’une baisse d’activité. Côté gestion de votre besoin en fonds de roulement, il faut prioriser les fournisseurs indispensables à l’exploitation et les fournisseurs et artisans dont la survie peut dépendre en très grande partie de vos paiements : Il faudra donc tenir compte de la taille et des risques encourus par vos partenaires avant de geler et négocier un délai exceptionnel de paiement. Vous pourrez suspendre toutes vos dépenses d’eau, d’électricité et de gaz. Enfin, vous pouvez limiter les sorties de trésorerie en prenant de réelles mesures drastiques : La diminution des coûts de toutes les activités (dépenses d’entretien, communication, prestataires, travaux…) ou encore les dépenses liées au développement, la communication, le marketing sont à reporter autant que possible. Par ailleurs, les recrutements et les embauches dans le cas où les candidats sont protégés et sous revenus sont à reporter à plus tard. Egalement, il faut recentrer toutes les activités sur un seul point d’activité pour limiter toutes les dépenses.
 
- Où trouver du « cash »?
- Tout d’abord, les banques. Elles sont les partenaires historiques des entreprises, et elles mettent en place des solutions pour accompagner toutes les entreprises sur un rééchelonnement des emprunts afin de soulager la trésorerie des entreprises pendant cette crise. Par ailleurs, les entreprises pourront solliciter la Banque Publique d’Investissement. La BPI viendra en effet sécuriser jusqu’à 90% vos prêts de 3 à 7 ans accordés par les banques, et 90% de votre découvert si votre banque le confirme à partir de 12 mois. Parmi les mesures salvatrices, le prêt « Atout » pour toutes entreprises qui à 12 mois d’existence, sans garanties de 3 à 5 ans pour une valeur de 50 000 € à 5 000 000 €. BPI peut également mobiliser toutes vos factures clients et ouvrir une ligne de trésorerie de cette valeur. Vos créances clients font office de garantie. Par ailleurs, la BPI va suspendre temporairement les remboursements d’échéances pour toutes les entreprises qui ont un prêt en cours. Enfin, le chômage partiel simplifié qui prendra en charge les collaborateurs dans la limite de 4.5 fois le SMIC sur le site www.activitepartielle.emploi.gouv.fr ;. La rémunération perçue par le salarié sera équivalente à 84% du salaire net horaire mais 100% pour les salariés au SMIC. L’employeur ne doit pas oublier d’effectuer une demande d’indemnisation en ligne chaque mois en déclarant les heures chômées par collaborateur.
 

- Et avec toutes ces mesures, quel est l’impact sur l’économie ?
- Plus la crise sera longue, plus l’impact économique sera douloureux : La Corse compte plus de 35 000 entreprises (établissements et administrations publics non inclus, Parmi ces structures, l’INSEE a recensé près de 8 000 entreprises dans le commerce, la réparation et l’automobile, plus de 6 600 entreprises dans le BTP, plus de 4700 structures dans l’hébergement et 4 400 structures dans l’activité agricole.
 
La fermeture des établissements a engendré une perte d’activité immédiate pour les activités de commerces en tout genre. Le secteur de l’hôtellerie subit des annulations massives et tous les établissements tertiaires, hormis la distribution alimentaire, sont fermés. Les entreprises du BTP sortent d’une négociation difficile avec le ministère pour comprendre comment continuer d’exercer sur les chantiers sans faire prendre de risques aux collaborateurs, soucieux de leur santé. Par ailleurs, avec plus des deux tiers des entreprises qui n’ont pas de salariés et 25% qui en ont moins de 10, la promiscuité entre les microentreprises, artisans et les plus grandes entreprises est très étroite : La difficulté économique d’un secteur entrainerait immédiatement de lourdes difficultés aux entrepreneurs individuels qui constituent une part importante de nos entreprises privées.
 
L’Etat a engagé derrière le « quoiqu’il en coûte » du président de la République un recours massif au chômage partiel pour préserver les ménages et ainsi espérer un pouvoir d’achat quasi intact au moment de la reprise afin de relancer immédiatement la consommation. La garantie de l’Etat pour soutenir les prêts exceptionnels de trésorerie aux entreprises doit permettre de limiter au maximum les faillites d’entreprises en France et permettre de relancer sereinement les activités. La fin de la crise sanitaire début mai pourrait laisser espérer une saison touristique viable malgré les pertes enregistrées : Un scénario contraire pourrait conduire à de graves difficultés de financement et de trésorerie pour nos entreprises et déclencher de lourdes difficultés sur les entrepreneurs individuels.
 
Le problème macro-économique sera d’une autre nature : Tous les pays sont impactés par le coronavirus et il n’est plus question de respecter un quelconque équilibre budgétaire. Les finances publiques n’étant pas une éternelle corne d’abondance, le recours massif à l’emprunt et la négociation avec les banques centrales pour un taux de prêt à 0 va sembler indispensable : dans tous les cas, l’hyper connexion des Etats et la mondialisation seront probablement des sujets prioritaires mis sur la table dès la sortie de la crise : La recherche de la croissance à tout prix et ce modèle de mondialisation peu soucieux de notre environnement nous auront conduit à une récession mondiale, des milliers de morts et 1 milliard d’individus confinés.