Corse Net Infos - Pure player corse

Ordures, dépôts sauvages : comment travaille la brigade verte à Bastia ?


David Ravier le Jeudi 3 Août 2023 à 14:14

Il y a bientôt 5 ans la ville de Bastia lançait sa brigade verte pour veiller au respect de l’environnement et de la réglementation en vigueur. Si le rôle de ses agents est avant tout de faire de la prévention, ils peuvent également dresser des procès-verbaux aux gros pollueurs.



Un dépôt sauvage de poubelles près du Polygone, à Montesoro.
Un dépôt sauvage de poubelles près du Polygone, à Montesoro.
À Montesoro, près du Polygone, une scène malheureusement trop fréquente se répète : des conteneurs à déchets alignés le long de la route, accompagnés d'une vingtaine de sacs poubelles abandonnés à côté. Un spectacle qui ternit l'image de la ville. Heureusement, la Brigade verte, mise en place en 2018 et faisant partie intégrante de la police municipale de Bastia, intervient pour préserver la propreté de la commune. Composée de quatre agents, cette équipe a pour mission de sensibiliser les particuliers et les commerçants aux bonnes pratiques en matière de gestion des déchets tout en traquant les auteurs de ces dépôts sauvages.

"Une poubelle, ça correspond à la vie d'une personne, souffle Joseph*, l'un des agents de la brigade verte. Très souvent, on peut savoir ce qu'a fait une personne à la semaine près, car on retrouve des papiers d'imposition, des documents administratifs à son nom qui nous permettent de remonter des pistes". Pour la vingtaine de sacs poubelles entassés au bord de la route, les brigadiers examinent ceux qui ont l'air de contenir des papiers ou des cartons, les plus susceptibles de fournir de précieux renseignements. Équipés de gants, ils plongent leurs mains dans les sacs et examinent chaque feuille: "parfois, il n'y a aucune information, parce que les gens deviennent vigilants et enlèvent leurs noms, car qu'ils savent qu'on va passer", se lamente Pierre*, le second brigadier sur place. Dans le sac, quelques morceaux de cartons mal pliés, des chiffons, des bouts de plastiques et des feuilles avec une adresse. Il faudra répéter l'opération sur d'autres sacs pour recouper les informations et être sûr de l'identité de la personne. 

La chasse aux pollueurs

L'enquête des agents de la Brigade verte se heurte à un dilemme délicat : pour remonter jusqu'aux contrevenants, ils doivent nécessairement ouvrir les sacs abandonnés, mais cela engendre un nouveau problème. Les sacs ouverts risquent de laisser échapper leurs déchets, contribuant ainsi à la dégradation de la propreté des rues. "Et encore, on a de la chance, là ce sont juste des papiers, mais imaginez ce qui se passe lorsqu'il y a de la nourriture. Neuf fois sur dix, ce sont des sacs d'ordures ménagères qui sentent très mauvais, mais qu'on est obligé d'ouvrir. Le problème, c'est que ces poubelles attirent des rats, des cafards, des mouches et des oiseaux", souligne Joseph. Ce genre de comportements qui dégradent la propreté des rues, Pierre le voit trop souvent. "On est dans l'incivisme pur, normalement les gens sont censés faire le tri mais on remarque qu'il y a peu de personnes qui le font. Pourtant, les organismes publics font tout pour inciter les gens à le faire mais rien ne bouge". 

Il est difficile d'établir un recensement précis du nombre de dépôts sauvages dans la commune, mais selon Joseph, on les compte par dizaines. Les raisons de ces pratiques irresponsables sont variées, allant du mimétisme à la fainéantise. "Il suffit qu'il n'y ait qu'une poubelle pour attirer les autres. Si un riverain ou un passant en voit une au sol, il va également y déposer la sienne, même s'il sait qu'il n'a pas le droit. C'est pour cela que si un sac n'est pas ramassé rapidement, ça créera un dépôt énorme, parce que la poubelle attire la poubelle. La plupart du temps, les gens ont leurs habitudes. S'il y avait des conteneurs à un endroit mais que ces derniers ont été déplacés de 500 mètres pour cause de travaux par exemple, ils continueront de jeter les ordures au même endroit", explique Pierre, autre membre de la brigade.

Lorsque l'identité du pollueur est confirmée, ils le contactent pour lui demander de récupérer ses déchets et de les jeter dans un endroit approprié. Les preuves recueillies lors de ces enquêtes sont soigneusement photographiées pour compléter le dossier d'infraction.
 
Les agents de la brigade verte examinent le contenu des poubelles à la recherche d'indices.
Les agents de la brigade verte examinent le contenu des poubelles à la recherche d'indices.

De la pédagogie à la sanction

"Une fois que nous avons identifié la personne responsable, notre prochaine étape consiste à la contacter et lui demander de retirer ses déchets", indique Pierre, l'un des agents. La prévention est leur priorité, mais lorsque la situation persiste, ils se voient contraints de passer à la répression, même si ce n'est pas leur préférence. En effet, le dépôt d'ordures sauvages peut entraîner des amendes considérables, allant jusqu'à 750€ pour un particulier et 3750€ pour un commerçant, en fonction du type et de la quantité de déchets abandonnés.

Jusqu'à août 2022, la Brigade verte avait essentiellement un rôle de sensibilisation et de prévention. Cependant, avec l'arrivée de Marie-Laure Musichini à la tête de la police municipale de Bastia, deux des trois agents de la brigade sont désormais assermentés et habilités à dresser des procès-verbaux. Cette évolution a permis à la Brigade verte de travailler en étroite collaboration avec le procureur de la République de Bastia, la Communauté d'agglomération et la municipalité, ce qui s'est traduit par 17 contraventions pour les particuliers et 11 pour les commerçants au cours de la dernière année.

Le processus de verbalisation reste une étape regrettable, mais parfois nécessaire pour amener les plus récalcitrants à revoir leur comportement. "Notre objectif est de traiter plus de 90% des problématiques sans recourir à des contraventions, ce dont nous sommes fiers. Cependant, si les infractions se répètent, il y a moins de place pour le dialogue et davantage de répression. Notre défi principal est donc de rééduquer les gens pour qu'ils adoptent les bonnes pratiques", explique Pierre. 

L'un des cas récents de dépôt sauvage s'est produit récemment au Vieux-Port de Bastia, impliquant un commerçant qui prétend dépasser le tonnage maximal de prise en charge des déchets imposé par la Communauté d'agglomération de Bastia (CAB), ce qu'il conteste. Actuellement en négociation avec la CAB pour prouver sa bonne foi, le commerçant a été contraint de déposer ses déchets sur la chaussée en attendant une solution. Une contravention lui a été attribuée pour cette infraction. Les agents de la Brigade verte travaillent actuellement avec la CAB pour garantir un enlèvement rapide des déchets afin d'éviter que d'autres commerçants ou riverains ne contribuent à cette situation 


* les prénoms ont été modifiés
Les poubelles éventrés seront ramassées par le commerçants.
Les poubelles éventrés seront ramassées par le commerçants.