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Mouflons corses illégalement transférés en Belgique : un chasseur risque la prison


David Ravier le Lundi 18 Septembre 2023 à 18:00

En mars 2019, Sebastien E., un chasseur belge d'environ cinquante ans, aurait acquis clandestinement un troupeau de 21 mouflons corses, une espèce endémique protégée de l'île, avant de les transférer dans son domaine de Chimay, en Belgique, dans le but présumé de les chasser. Jugé par le tribunal correctionnel de Charleroi le 1er septembre dernier, il risque une peine pouvant aller jusqu'à 15 mois de prison, en plus d'une amende



Des mouflons de Corse.
Des mouflons de Corse.
Comment des mouflons de Corse ont pu se retrouver en Belgique?
C’est la question à laquelle doit répondre Sebastien E., un quinquagénaire belge qui aurait acquis illégalement 21 mouflons nustrali en 2019.
Lors du procès au tribunal correctionnel de Charleroi, le 1er septembre dernier, la justice devait déterminer si cette espèce protégée avait été achetée dans le but d’être chassée. Si les faits sont avérés, Sebastien E. risque jusqu’à 15 mois de prison ainsi qu’une lourde amende.


Des mouflons corses au plat pays 
L'histoire commence au début de l'année 2019, lorsque Sebastien E. entre en contact avec un éleveur de cervidés de Charente, lequel propose à la vente un troupeau de 21 mouflons corses, une espèce endémique des l'îles de Corse et de Sardaigne. L'éleveur insiste pour que l'achat se réalise rapidement, notamment en raison d'un arrêté ministériel du 1er mars 2019 qui classe le mouflon de Corse comme une espèce protégée dont la chasse est interdite en France. Le 5 mars, Sebastien E. acquiert ces mouflons sans les déclarer et les transfère en Belgique, où il possède un domaine de 50 hectares situé dans la forêt de Chimay, sur le plateau des Ardennes. 


Les mouflons, parqués dans un enclos grillagé de 1m20 de hauteur, s’échappent au bout de quatre jours et partent vivre dans la forêt. Alertée par des associations belges de défense des animaux, l’ONG Global Earth Keeper se penche sur l’affaire. « Nous comptons défendre la faune sauvage corse, qui fait partie de l’ADN de notre association, indique Laurence Constantin, sa présidente. Ce que nous redoutons, c’est que ce monsieur fasse de la chasse en sous-main auprès de ses amis chasseurs ». Bien que chasseur, Sebastien E. nie avoir eu pour objectif de faire commerce de ces animaux. Selon ces déclarations, ces mouflons étaient destinés à un projet de maison d’hôte au milieu de son bois, avec un parc d’observation de dix hectares et des miradors, des arguments qui ne tiennent pas la route pour Me Gérard Tiberi, l’avocat de l’association Global Earth Keeper qui s’est portée partie civile dans ce dossier : « les enquêteurs ont retrouvé chez lui un castor congelé, des armes chargées et des mouflons empaillés. C’était assez lugubre comme atmosphère ».


Une population qui a quadruplé en quatre ans

En attente de son procès, le juge d’instruction chargé de l’affaire a ordonné à Sebastien E. que les mouflons ne soient pas chassés ou vendus, mais qu’ils soient au contraire nourris et soignés. Les mouflons se sont reproduits vite, au point que quatre ans après leur introduction en Belgique, ils seraient entre 60 et 80 à parcourir la forêt de Chimay. Pour autant, pas question de les rapatrier sur l’île, une terre qu’ils n’ont jamais connue. « J’ai toute confiance en leur génétique, insiste Laurence Constantin, mais le relief montagneux de la Corse, ce n’est pas celui de la Belgique ». D’après les spécialistes, ramener les mouflons sur l’île reviendrait à les condamner à mort, car le changement radical d’écosystème leur créerait un niveau de stress élevé, en plus de les couper du régime alimentaire qu’ils ont l’habitude d’avoir dans la forêt.



Pour l’heure, la solution envisagée serait celle de les conserver en Belgique, comme le réclame à la justice la présidente de Global Earth Keeper, « nous souhaitons qu’ils soient stérilisés avant d’être relâchés. Même si nous n’arriverons pas à tous les avoir, il faudrait limiter leur capacité de reproduction », précise-t-elle. Même maintenus en bonne santé, le problème de la chasse reste le plus délicat.
Depuis le début de l’affaire, la protection des mouflons de Corse s’est étendue au niveau européen. Cependant, des espèces de mouflons originaires de cette partie du continent peuvent être chassées. Or, qu’est-ce qui ressemble plus à un mouflon de Corse qu’un mouflon de Belgique? « Les mouflons de Corse sont les seuls de la forêt de Chimay, mais s’ils migrent dans des régions limitrophes, comme la baie de Somme par exemple, il y a des mouflons qui ne sont pas d’espèce corse, et qui eux, sont chassables », nuance Me Tiberi.


Une ordonnance faite par le juge d’instruction indique au conseil cynégétique que les mouflons doivent être provisoirement retirés de la liste des animaux chassables, mais rien ne dit que cette solution perdurera dans le temps.
Le tribunal correctionnel de Charleroi rendra son jugement le 6 novembre prochain.