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Motion de censure : Un "coup de semonce contre une réforme injuste et le refus du chantage" pour les députés nationalistes


Nicole Mari le Lundi 20 Mars 2023 à 21:56

Le rejet pour seulement neuf voix de la motion de censure déposée par leur groupe parlementaire LIOT est un message clair envoyé au gouvernement contre la réforme des retraites pour les trois députés nationalistes corses. Michel Castellani, Jean-Félix Acquaviva et Paul-André Colombani ont décidé de continuer le combat par la saisine du Conseil constitutionnel et l’appel à un référendum. Les députés de Femu a Corsica taclent d’amalgame la polémique déclenchée au niveau local par leurs adversaires politiques qui les accusent par leur vote, de mettre à mal le processus de discussion avec Paris et affirment être en cohérence avec le mandat donné par le peuple corse.



Les trois députés nationalistes du groupe LIOT : Jean-Félix Acquaviva, Paul-André Colombani et Michel Castellani. Photo CNI.
Les trois députés nationalistes du groupe LIOT : Jean-Félix Acquaviva, Paul-André Colombani et Michel Castellani. Photo CNI.
« C’est un tremblement de terre ! ». Michel Castellani, député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse, qui comme ses deux collègues Jean-Félix Acquaviva et Paul-André Castellani, a signé et voté la motion de censure présentée par leur groupe LIOT, est formel au sortir du vote qui a fait vaciller, lundi soir, le gouvernement. « Ce soir, l’Assemblée nationale est cassée en deux. Le gouvernement est fragilisé, il a maintenant le devoir de renouer le dialogue social, mais aussi le devoir de mieux respecter le Parlement. Mettre le Parlement et le jeu démocratique de côté à coups de 49-3, cela va bien un moment, mais je crois que là, le gouvernement a senti le boulet qui est passé très près ». La motion transpartisane a recueilli 278 voix, ce qui la met à seulement neuf voix de la majorité absolue, du jamais vu depuis 30 ans à l’Assemblée nationale ! « Quand on voit que presque la moitié du groupe LR a voté la motion de censure, on comprend que le rejet de cette politique, qui n’est pas démocratique, est profond. On ne peut pas faire voter une loi aussi fondamentale que la loi sur les retraites qui engage l’avenir de dizaines de millions de personnes en trichant comme le gouvernement l’a fait. Il l’a alliée avec la Loi rectificative de financement de la Sécurité sociale, il a ensuite utilisé le 47-1, puis le 49-3, c’est du bricolage ! Ce n’est pas digne d’une loi aussi importante ! ».
 
Une réforme à faire tomber
Ces neuf voix d’écart sont aussi, pour Paul-André Colombani, député de la 2nde circonscription de Corse du Sud, un message clair envoyé au gouvernement. « Fidèles à nos engagements et à nos convictions, nous avons, avec mes collègues du Groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, voté pour notre motion de censure transpartisane, qui a malheureusement été rejetée à seulement 9 voix près. Nous sommes ainsi allés au bout de la voie démocratique pour nous opposer à cette réforme des retraites profondément injuste et imposée par le Gouvernement, au mépris du Parlement, à travers le passage en force du 49-3. Nous avons cependant envoyé à l’Exécutif un message clair : son projet injuste économiquement et illégitime démocratiquement est une impasse », renchérit le député PNC. C’est pourquoi, ajoute-t-il « nous nous appelons désormais le Président de la République, Emmanuel Macron, à prendre la mesure de ce rejet populaire démocratique, et à sortir de cette crise politique par le haut, en soumettant au référendum son projet de loi, conformément à l’article 11 de la Constitution ». Pour sa part, il continuera « à m’opposer à cette réforme, en m’associant à la saisine du Conseil Constitutionnel, visant à la faire tomber ».  
 
Un coup de semonce
Cette courte défaite de la motion de censure du groupe LIOT est « une victoire politique » pour le député de la 2nde circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva. « La motion de censure portée par le groupe LIOT, à laquelle nous avons été contraint par l’exercice du 49-3, a recueilli plus de voix que prévu. On sait très bien que parmi ceux qui ne l’ont pas votée, par craintes diverses et variées, il y a des députés qui n’acceptent pas la réforme des retraites. Donc, c’est une victoire politique pour ceux qui, comme nous, souhaitent dire au gouvernement, que cette fois-ci, il est allé trop loin dans le déni de démocratie et la marche en avant autoritaire ». Rappelant que jusqu’à présent le groupe LIOT n’avait jamais voté de motion de censure, il incrimine « la limitation du débat dans le temps à l’Assemblée nationale et au Sénat visant à faire adopter coûte que coûte une réforme qui ne donne pas de garantie suffisante en termes social, c’est le moins qu’on puisse dire ! Le gouvernement a commis une erreur en ne recherchant le compromis qu’exclusivement avec le groupe des Républicains. Donc, la situation actuelle incombe à ceux qui ont fait ce compromis qui a échoué. Ils auraient pu élargir le dialogue à d’autres tendances politiques, dont la nôtre. Ils ne nous ont pas écoutés et ils n’ont pas écouté le peuple ! ». Pour lui, « cette motion de censure est un coup de semonce, un électrochoc, et plus rien désormais, ne peut être comme avant, pour la suite à donner à la réforme comme pour la suite de la mandature ». A l’instar de son groupe et de ses collègues, il appelle le Président de la République à ne pas publier le texte de loi et à saisir le peuple par référendum. « Ce serait la meilleure façon de réparer les blessures, d’éviter le chaos et de faire en sorte que le dernier mot soit entre les mains du peuple concernant quelque chose qui va l’impacter fortement ». Concernant la saisine du Conseil constitutionnel, le député de Femu a Corsica estime qu’il y a « une possibilité de censure sur laquelle nous allons jouer avec des arguments très forts sur la procédure ». Pour lui, « la situation politique et sociale commande aujourd’hui un nouveau pacte social et politique et demande aussi la prise en compte de ce que nous représentons. Le groupe LIOT a une dimension politique qui va au-delà de son nombre, je l’ai toujours dit et c’est démontré aujourd’hui. Que ce soit demain dans la discussion sur la Corse ou dans le cadre d’une réforme des institutions, il faudra bien trouver des conditions de compromis et d’accord politique rapide si le gouvernement veut obtenir le vote des trois cinquièmes des parlementaires ».

Motion de censure contre processus d’autonomie : Le refus du chantage

Les deux députés de Femu a Corsica réagissent également à la polémique déclenchée dans l’île par les Macronistes et les Indépendantistes sur l’impact négatif de ce vote. Le gouvernement a fait pression sur les trois députés nationalistes corses, comme sur bon nombre de leurs collègues, en mettant en balance la poursuite du processus de discussion sur l’autonomie de la Corse avec leur vote de la motion de censure. Sans succès !  « C’est un mélange des genres. On ne fait aucun chantage au gouvernement, mais le gouvernement n’a pas non plus à nous faire du chantage en retour ! Ce sont des sujets qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre. L’un est une loi extrêmement importante sur les retraites, l’autre est une discussion de fond sur la question Corse qui est engagée depuis plusieurs mois, à la suite du drame de la prison d’Arles. Si on suit ce raisonnement, le gouvernement ne devrait plus discuter avec aucun des députés qui a voté la motion de censure, c’est-à-dire la moitié des députés de l’Assemblée nationale. C’est absurde ! », commente Michel Castellani. « Il ne faut pas tout confondre », enchaîne Jean-Félix Acquaviva. Avant de remettre les pendules à l’heure : « Il était, pour nous, impossible de dissocier la dimension sociale d’une réforme aussi impactante pour les gens, de notre vision de la solution politique institutionnelle pour la Corse. Il n’a jamais été question, pour nous, de troquer notre positionnement sur la réforme des retraites du fait du dialogue entre la Corse et Paris, sachant que de surcroît nous n’avons pas d’accord politique global sur ce dialogue qui est initié. S’il y avait eu un accord politique global qui permettait de traiter la question des institutions, mais aussi la question économique et fiscale, nous aurions pu éventuellement mettre un pas de côté sur la motion de censure, mais ce n’est pas le cas. Nous restons aujourd’hui disponibles pour le dialogue, mais nous espérons que ce dialogue se poursuivra de manière différente à l’aune ce qui s’est passé aujourd’hui ».
 

Le soutien de Femu a Corsica à ses députés

Dans un communiqué, le parti de la majorité territoriale soutient le choix des députés et du sénateur nationalistes : « Ne pas voter la motion de censure serait revenu à valider la réforme des retraites. Ce vote avait d’ailleurs été présenté par la Première Ministre, dans son discours devant les députés pour annoncer le recours au 49-3, comme le moyen d’exprimer démocratiquement son opposition à la réforme des retraites imposée par le Gouvernement. Depuis le début de l’année, Femu a Corsica s’oppose à ce projet injuste et inefficace qui, une fois encore, entend faire porter le poids de l’effort aux classes moyennes et populaires, aux femmes, aux travailleurs de façon générale et singulièrement aux plus précaires, à ceux qui ont commencé à travailler tôt, à ceux qui exercent les métiers les plus pénibles. Cette réforme est d’autant plus inique et incompréhensible qu’aucune urgence ne justifie qu’elle intervienne dans un contexte social de difficultés extrêmes, marqué par une inflation galopante et une baisse considérable du pouvoir d’achat. En Corse, les effets dévastateurs de cette réforme seraient démultipliés eu égard à la situation économique et sociale de notre pays, caractérisée par une croissance économique appauvrissante, un taux de pauvreté (18,5 %) et un niveau d’inégalité parmi les plus importants de l’ensemble français, ainsi qu’un coût de la vie supérieur de 15 % à la moyenne continentale française ».
 
De la même façon, concernant la poursuite du processus d’autonomie, Femu a Corsica exclut de céder au chantage du gouvernement : « Aucun chantage autour du principe et du cadre de discussion entre la Corse et Paris ne peut exister, a fortiori en l’absence de garantie sur un accord politique global. Les voix des représentants de la Corse et de son peuple ne se marchandent pas. La solution politique globale, le statut d’autonomie, et l’amélioration de la vie quotidienne des Corses sont trois aspects indissociables de notre combat. Il n’y a pas d’un côté, l’autonomie et de l’autre, la question sociale. La solution politique pour laquelle nous militons depuis des décennies et œuvrons chaque jour doit être « globale ». Elle doit permettre de résoudre la question corse dans toutes ses dimensions. Le processus de discussion entre la Corse et Paris doit, selon nous, permettre son avènement (…) Il ne peut y avoir de solution politique globale sans émancipation sociale ». Et de prévenir : « À l’avenir, la construction de majorités de compromis, impulsée par les parlementaires nationalistes, pourrait donc s’envisager, y compris dans la perspective d’une révision constitutionnelle en 2024 impliquant l’évolution institutionnelle de la Corse vers un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice ».