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Mgr Bustillo : "Je serai cardinal de Corse et porterai la voix de mon peuple"


le Lundi 10 Juillet 2023 à 15:49

Le Pape François a créé la surprise ce dimanche 9 juillet en créant 21 nouveaux cardinaux, dont l’évêque de Corse Mgr François-Xavier Bustillo. Une nomination inattendue pour ce dernier qui prendre sa nouvelle charge le 30 septembre. Malgré tout, il devrait demeurer sur l'île, comme il l’explique à CNI



L'évêque de Corse a été créé cardinal le 9 juillet (Photo: Michel Lucioni)
L'évêque de Corse a été créé cardinal le 9 juillet (Photo: Michel Lucioni)
- Le Pape François vous a créé cardinal ce dimanche. Vous y attendiez-vous ?
- Non, c’était une vraie surprise. Avec le Pape François, il y a beaucoup de surprises, il est vraiment libre. Il ne m’a pas averti, il n’a pas averti d’autres autorités, il est juste sorti à la fenêtre et a donné les noms des nouveaux cardinaux. J’étais récemment à Rome, car nous avions une formation avec les évêques de France. Je suis rentré en Corse samedi. Dimanche, je sortais de la messe à la cathédrale et quand je suis arrivé chez moi le cardinal Mamberti a été le premier à me téléphoner pour me féliciter. Je n’ai pas compris pourquoi, car ce n’était ni ma fête ni mon anniversaire. C’est alors qu’il m’a dit « le Pape vous a fait cardinal ». J’ai cru qu’il plaisantait, mais il m’a assuré l’avoir entendu lui-même. Et 5 minutes après, j’ai reçu un tsunami de messages. Le Pape François me montre ainsi qu’il connaît un peu ma manière de faire et qu’il me fait confiance. Donc c’est encourageant et en même temps c’est une grande responsabilité. 

- Comment avez-vous réagi quand vous avez appris que vous serez cardinal le 30 septembre prochain ?
- D’un point de vue psychologique, je n’ai pas évalué les conséquences, donc je l’ai pris avec beaucoup de simplicité. Mais quand j’ai vu des messages arriver de partout, y compris des plus hauts niveaux de l’Église, j’ai compris que c’était du sérieux. Après je suis dans la confiance. Je n’ai pas cherché à devenir cardinal, je n’ai pas postulé et je n’ai pas fait d’efforts diplomatiques pour avoir une charge. Il n’y a eu aucun signe annonciateur à ma nomination. Je me dis qu’il y a des sièges qui sont beaucoup plus importants comme Paris, Bordeaux et Toulouse. Si je regarde les 32 évêques avec qui j’étais à Rome, certains ont beaucoup plus d’expérience, de compétences que moi et des responsabilités dans des diocèses beaucoup plus importants que la Corse. Et en même temps, je me dis que le style François a pris une réalité périphérique. 
 
- Qu’est-ce qui a décidé le Pape à vous créer cardinal selon vous ?

- Je sais qu’il avait apprécié mon livre sur les prêtres. Peut-être qu’il a aussi suivi mon parcours, observer ma manière de faire. En Corse, la presse parle beaucoup de ce que fait l’évêque, peut-être a-t-il aussi suivi ce qu’on dit de moi et ce que je fais ici et que cela lui convient. Quand je vois certains qui sont évêques depuis 20 ans et qui ont de grandes connaissances, et que moi je ne suis évêque que depuis 2 ans, j’imagine qu’il a sûrement des critères qui ne sont peut-être pas liés à l’expérience, mais à un potentiel. J’avais parlé avec le Pape en privé et je lui avais dit ce que je faisais en Corse. Je lui avais expliqué que je rencontre les journalistes, les politiques, les chefs d’entreprises, le milieu sportif, que je crée un lien concret avec les gens. J’ai toujours dit que la proximité donne l’autorité. Pour moi, ce qui est important, c’est d’aller à la rencontre des gens. La proximité c’est la capacité de mobiliser, de respecter et d’encourager les gens. 

(Photo : Michel Luccioni)
(Photo : Michel Luccioni)
- En créant 21 cardinaux avec des profils assez réformistes ce dimanche, le Pape François ne prépare-t-il pas aussi sa succession ?
- J’ai entendu beaucoup de commentaires. Effectivement, c’est ce que certains disent. Le Pape a 86 ans, il a été opéré il y a peu, et j’ai entendu cette possibilité qu’il nomme des cardinaux pour préparer l’avenir de l’Église avec des personnalités qui ont des orientations proches des siennes. Je pense que le Pape n’est pas sectaire, mais qu’il se dit que certains profils vont aider l’Église à avancer avec audace, avec fidélité, et avec un dialogue avec la société et le monde.
 
- Que représente pour vous le fait de devenir cardinal ?
- Je vais déjà changer de couleur et passer du violet au rouge. Je suis d’un côté honoré, car on me fait confiance, et d’un autre côté, c’est une responsabilité, car je ne peux pas limiter ma pensée qu’à moi. Je dois penser aux autres. Il y a un côté local, la Corse, c’est ma priorité. Il y a deux ans, je me suis engagé ici en Corse, avec ce peuple. Donc c’est ici que je dois donner le meilleur de moi-même. Mais il y a un côté aussi universel. Quand on est cardinal, on dépend du Pape qui peut nous confier des missions, comme il l’a fait en envoyant le cardinal Zuppi à Moscou. Pour moi, il faut donc avoir une grande disponibilité pour le bien de l’Église.
 
- Avec cette nouvelle charge, êtes-vous certain aujourd’hui de pouvoir demeurer évêque de Corse ?
- J’ai vérifié et dans le passé, lors du dernier consistoire, le Pape a nommé cardinal l’évêque de Côme qui est resté dans son diocèse. Donc je pense que cela sera pareil pour moi. Je vais continuer ma mission ici, mais avec ce titre de cardinal dans une mission où on est quelque part des faiseurs de Papes. C’est une sacrée responsabilité pour le bien de l’Église.
 
 

(Photo : Michel Luccioni)
(Photo : Michel Luccioni)
- On vous sait fortement attaché à la Corse depuis votre arrivée sur l’île il y a deux ans. C’est important pour vous de pouvoir continuer votre mission ici ?
- Oui, sinon je serai très frustré. Par nature et par culture je suis un homme qui aime aller jusqu’au bout. Quand le Pape m’a proposé d’être évêque ici, j’ai dit oui à la Corse. Quand on dit oui, on va jusqu’au bout. Je suis ici depuis deux ans, je commence à connaitre les gens et à faire le tour des paroisses. J’ai annoncé que je ferai des visites pastorales dans toutes les paroisses et territoires de Corse, ce qui me prendra 5 ou 6 ans. Si après deux ans on me demandait de quitter l’île, je serais frustré et je pense que cela serait injuste envers les Corses car je leur ai promis une présence. 
 
- Vous êtes le premier évêque de Corse à avoir été créé cardinal. Une charge qu’occupe déjà le cardinal Mamberti, originaire de l’île. Deux cardinaux rattachés à la Corse, c’est à la fois historique et très fort symboliquement pour ce petit diocèse…
- Nous sommes 350 000 habitants sur une île et le Pape a fait cardinal l’évêque de Corse. Je trouve que c’est un beau signe de confiance, un signe aussi d’attention à des réalités périphériques, mais où nous vivons des choses belles. J’ai pu parler avec le Pape de la laïcité à la corse, qui je pense est assez unique et intelligente. Un élu ne me dira jamais ce que je dois faire et inversement. Mais au vu de nos responsabilités dans la société civile, il est important que nous puissions échanger sur la situation économique, culturelle ou autre. J’échange régulièrement avec eux et connais la réalité et les défis des lieux et je trouve que cela est beau et juste.
 
- Vous allez porter la voix de la Corse au Vatican ?
- Bien sûr. Historiquement il existe des liens entre la Corse et le Vatican. Et comme je serai cardinal de Corse, je porterai la voix de mon peuple, c’est cela qui est important. 
 
- En quoi consisteront vos nouvelles responsabilités en tant que cardinal ?
- Je n’en sais encore rien. J’ai été nommé hier, mais je ne sais pas encore d’un point de vue pratique ce que l’on va me demander.