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Mazzeri, au cœur des mythes et légendes corses


Eden Levi-Campana le Mercredi 31 Janvier 2024 à 11:30

Tel-Aviv, Israël 21 heures, des cris déchirent l’appartement. J’entends des sons, des mots familiers, mais qui me semblent totalement incongrus dans le contexte israélien : « O mazzeru va ! », « O Stregga ! », « Et toi espèce de paesani ! ». Je dois rêver, j’ai mal entendu. Je m’approche du salon, et là je découvre une dizaine d’enfants autour de la table basse en train de jouer à un jeu de société. Ça rit, ça crie et ça chahute. J’ai bien noté que ma fille avait ramené un jeu lors de notre dernier passage en Corse, mais je ne pensais pas que cela passionnerait à ce point de jeunes israéliens. J’ai donc sollicité les créateurs du jeu pour faire un bilan, un an après la sortie du jeu de rôle « Mazzeri » par les éditions Albiana.



CNI : « Mazzeri : La Corse, une nuit... » est-il un jeu universel ou un jeu corso-corse ?
Jean-René Derosas : Un peu des deux.  Il nous tenait à cœur que n’importe qui puisse y jouer sans forcément connaître le folklore Corse, d’où le choix de l’utilisation du français.  Et à la fois, nous y avons glissé des références qui ne parleront qu’aux personnes vivant en Corse.
 
Ferdinand Laignier Colonna-Cesari : « Mazzeri » est un jeu totalement universel qui s’adresse à tous les publics. C’est un jeu qui répond à la formule connue « de 7 à 77 ans » ! Aucune limite ! Il s’inspire des figures mythiques peuplant les contes et légendes corses et c’était un objectif de le proposer au maximum de joueurs possibles.
 
CNI : Un an après sa sortie, le public s’est-il approprié le jeu ?
Ferdinand Laignier Colonna-Cesari : Oui, le public a été curieux et enthousiaste face à ce jeu. Les retours sont enthousiastes et très positifs. Lors des différents événements culturels où nous présentons le jeu, de nombreuses personnes participent et se laissent prendre au jeu. Nous avons même des habitués qui s’inscrivent à chaque événement. Avec mon frère Julien, co-créateur du jeu, nous sommes toujours amusés et contents de voir des gens réclamer certains personnages.
 
Jean-René Derosas : Le bilan est plutôt positif, sur chaque évènement lié au jeu, le public est au rendez-vous avec toutes les typologies de personnes, des petits-enfants jusqu’aux grands-parents, tout le monde s’amuse.
 
CNI : Les mazzeri en Corse, de nos jours, vous y croyez ?
Jean-René Derosas : Je suis plutôt cartésien, ce qui ne m’empêche pas d’aimer ce genre de personnage issu de folklore pour, d’une part l’histoire en elle-même et de l’autre, toute la symbolique qu’il représente. A ma connaissance, le personnage du Mazzeru est présent seulement en Corse, cela dit, on pourrait le rapprocher, d’une certaine façon, des devins et autres augures de par sa nature prédicatrice.
 
Ferdinand Laignier Colonna-Cesari : Je ne dirai pas que j’y crois mais je suis très attaché aux croyances et respectueux des traditions qui animent la Corse. Pour revenir à la figure des mazzeri, je sais qu’il existe des symboles similaires dans d’autres pays. En Roumanie par exemple.

Julien Laignier-Colonna
Julien Laignier-Colonna
CNI : Quel est l’objectif, à la genèse du projet ?
Ferdinand Laignier Colonna-Cesari : Proposer un jeu de société à rôle caché s’inspirant des contes et légendes corses. Nous voulions également raviver ces personnages afin que les nouvelles générations s’en emparent et prennent conscience de ce patrimoine immatériel incroyable dont nous disposons.
 
Jean-René Derosas : il y a une volonté de notre part de faire un jeu fun et de qualité avec les savoir-faire locaux à toutes les étapes du processus créatif mais aussi de remettre au goût du jour les personnages de notre folklore, méconnus pour la plupart.
 
CNI : Pour vos personnages, Vous avez puisé dans les mythes et légendes « nustrale », mais pas seulement ?
Ferdinand Laignier Colonna-Cesari : Dans les mythes et légendes « nustrale » au sens large. Nous avons pioché dans l’imaginaire collectif corse, dans les symboles historiques, dans le patrimoine littéraire, dans les figures de l’oralité, afin de proposer un jeu varié et dynamique !
 
Jean-René Derosas : Tous les personnages du jeu sont tirés du folklore et du patrimoine Corse. Après, pour la partie graphique, le challenge a été de donner « un coup de jeune » visuel à certains personnages, voire même de créé complétement une iconographie pour d’autres.
 
CNI : Selon l’essayiste Didier Long, le ludarellu que l’on brûle à Porto-Vecchio le 31 juillet, aurait un rapport avec l’inquisition et les juifs d’Espagne. Aucun rapport avec votre Ludarellu ?
Jean-René Derosas : Je ne connais pas le travail de Didier Long ni sur quoi il s’appuie pour établir un tel rapport entre l’inquisition espagnole et le Luddareddu de Porto-Vecchio. Le Luddareddu est une fête folklorique propre à la région de Porto-Vecchio et qui célèbre la fin du mois de juillet, mois le plus chaud et le plus éprouvant de l’année.
 
Ferdinand Laignier Colonna-Cesari : Nous nous sommes intéressés à la tradition racontée et vécue par nos anciens. A savoir : Chaque année lors de la nuit du 31 juillet au 1er août, la ville de Porto-Vecchio met à mort un mannequin de paille et de liège vêtu de velours qui symbolise le mois de juillet, « bouc-émissaire » personnifié sous le nom de « Luddareddu » (litt. « petit juillet »). Après un procès sous les exclamations de la foule, il est pendu puis livré aux flammes du bûcher, à minuit, sur la place de l’église aux cris carnavalesques de « O Luddareddu chì ti ni vai ! » (« Petit juillet, hélas ! tu t’en vas ! »). Le Luddareddu est brûlé afin que partent en fumée les souffrances, les douleurs et les tourments des Paesani. On chante, on danse et on rit jusqu’à la fin de la nuit.
 
CNI : A quand une bonne bataille d'asphodèle ?
Ferdinand Laignier Colonna-Cesari : Quand vous voulez ! Nous sommes prêts à vous jouer de mauvais tours (rires) ! Quel camp, choisirez-vous ?Jean-René Derosas : Seulement à la nuit tombée, évidemment !
 
www.albiana.fr/jeux/1838-mazzeri-jeux.html

Jean-René Derosas
Jean-René Derosas