Un modèle qui n’est plus adapté
Comme Laëtitia, certains commerçants sont perplexes face à la pertinence des cinq semaines de soldes d’hiver. C’est le cas de Françoise, qui gère la boutique de prêt-à-porter féminin Au 27, située quelques mètres plus loin sur la rue César Campinchi. Si sa boutique affiche des remises allant jusqu’à 50%, la patronne joue le jeu des démarques sans trop y croire. « Ça fait quatre ans que les soldes ne servent plus à grand-chose, assène-t-elle d’emblée. Avant, les clients attendaient ça avec impatience, il y avait un monde fou dans la boutique, à tel point que l’on restait ouvert entre midi et 14h. Maintenant, il n’y a plus cette euphorie ». Pour autant, ce n’est pas tant le concept des soldes qui embête Françoise, mais plutôt la rigidité qui accompagne cette période. « Les soldes arrivent beaucoup trop tôt!, s’enflamme-t-elle. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans le Sud, et que cette année, il a fait chaud jusqu’au début du mois de novembre, donc nous n’avons pas eu le temps de vendre notre collection hivernale. Pour tout vous dire, c’est la première année où nous avons moins de manteaux et de pulls en stock à cause des températures. Pour que les soldes d’hiver aient encore un sens, il faudrait décaler le calendrier, et arrêter d’imposer aux commerçants de les commencer le deuxième mercredi du mois de janvier ». Ce modèle du calendrier de soldes d’hiver et d’été n’a d’ailleurs plus forcément de sens avec l’essor d’internet, de la commande en ligne, des ventes privées et des soldes flottantes. Surtout, avec l’inflation, les habitudes de consommation des clients ont changé, les poussant à dénicher l’offre la plus abordable à n’importe quelle période de l’année, mais également à moins consommer, comme le faisait déjà remarquer l’Insee en mars 2022.
Des achats plus raisonnables
Un peu plus loin dans la rue, Laura regarde les devantures des boutiques, mais ne se risque pas à rentrer. Pour cette Bastiaise habituée aux emplois saisonniers, les soldes ne sont pas sa priorité du moment, car elle a « déjà profité du Black Friday au mois de novembre pour acheter tout ce dont j’avais besoin ». Le chômage et l’inflation font beaucoup de mal au portefeuille de cette trentenaire, qui a décidé de ne pas craquer pour respecter son budget, sauf en cas d’énorme coup de cœur. « Si jamais je fais les soldes, ça sera pour faire un achat utile, pas pour acheter une écharpe alors que je sais que j’en ai déjà cinq chez moi, prévient-elle. C’est compliqué de se faire plaisir dans les magasins quand on sait que le coût de la vie est de plus en plus cher, et qu’il y a plein d’autres occasions de se faire plaisir dans l’année, grâce à toutes les promotions permanentes ». Sur le boulevard Paoli, Cedric attend ses amies devant la boutique Pimkie. Toute l’après-midi, ils l’ont passé à arpenter les échoppes du centre-ville, et pourtant, en cette fin de journée, c’est bredouille qu’il attend devant à la porte du magasin. Lorsqu’on lui pose la question, il soutient que « ça ne vaut pas le coup de faire les soldes, car les articles de base sont trop chers et les remises en magasin ne sont pas intéressantes comparés à ce qu’on peut voir en ligne ». Et, comme pour démontrer le fossé qu’il existe entre cette pratique commerciale et la réalité de la consommation, le jeune homme de 19 ans conclut sur ces mots: « il faut être réaliste, on commande plus sur internet et on passe moins souvent dans les magasins, donc pour moi, le seul intérêt de conserver encore les soldes, c’est que cela permet de maintenir une certaine économie locale ».