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Le "Tea Time" des élèves du conservatoire de Bastia


Agathe Scaïù le Lundi 29 Avril 2024 à 12:27

Depuis la fermeture du théâtre municipal, les élèves du conservatoire de Bastia ont rarement l’opportunité de se produire en public. Accueillis ce 17 avril à la galerie Noir & Blanc, place du marché, ils nous ont offert un « Tea Time ». L’occasion de mettre en lumière les parcours des petits et des grands réunis autour d’un programme centré sur le jazz.



Une heure avant le début de la représentation, une vingtaine d’enfants, de sept à neuf ans, s’affaire aux derniers ajustements sous la houlette bienveillante de leur professeure de formation musicale, Laetitia Disseix-Berger. Chacun des trois groupes entonne une partition différente, en canon, en exécutant une chorégraphie précise faite de gestes, de déplacements dans l’espace et d’oscillations entre le haut et le bas. L’approche peut surprendre, mais l’amusement des enfants est visible et la qualité de l’interprétation remarquable.

Titulaire d’un doctorat de musicologie spécialisé dans la pédagogie Dalcroze, leur professeure, qui a rejoint l’équipe pédagogique du conservatoire il y a deux ans, explique : « C’est une méthode qui invite à vivre sensoriellement la musique. À travers la stimulation de la motricité globale, la perception et la conscience corporelle sont travaillées et permettent de vivre son propre corps comme premier instrument, celui par lequel sa musicalité est ressentie. » L’enseignante précise : « Cette pédagogie, qui est utilisée dans quarante pays de par le monde, demeure confidentielle en France où nous ne sommes qu’une douzaine à la proposer et quatre à être en mesure de former de nouveaux pédagogues. En plus du conservatoire de Bastia, j’interviens à Paris auprès d’autres enseignants, pas que des musiciens, des professeurs des écoles, des éducateurs spécialisés aussi. De plus, j’enseigne à l’université Paris 8 en musicologie et prochainement en Arts du spectacle à l’université de Corte. »

À l’issue de la répétition, Sacha, huit ans, nous explique : « C’est vraiment sympa et ça défoule de chanter en bougeant. À la fin des cours, je me sens détendu. Habituellement, j’ai peur de me produire en public, mais là, je me sens cool, je n’ai pas le trac. »
À l’entrée de la salle, la maman de Louis, jeune trompettiste, commente : « Cette méthode est formidable ! Mon fils a intégré le mouvement dans les autres apprentissages. Il apprend ses leçons en marchant, ça l’aide à se concentrer. Ils sont déjà toute la journée assis, alors qu’à huit ans, on a besoin de remuer ! Même le solfège - où chaque note est imaginée comme l’habitante de l’étage d’un immeuble - est d’une approche beaucoup plus adaptée pour son âge. À mon époque, c'était rébarbatif au possible. Aujourd'hui, c’est le cours qu’il préfère ! »

Laetitia, conclut : « Il y a cette idée qu’il faut souffrir pour apprendre, faire des efforts. Or la méthode Dalcroze passe par le plaisir. C'est très ludique !" 

Et c’est vrai que les enfants s'amusent. Aucun ne semble enfermé dans sa coquille. Au contraire, il y a une synergie entre tous qui fait plaisir à voir ! 

 

Les CHAM : Un parcours privilégié

Dans un coin, les sept adolescents de 3e qui sont en classe de musique détaillent leur parcours. « Nous avons été admis sur audition en 6e ou en 4e. Au collège, nous avons deux heures d’éducation musicale hebdomadaire au lieu d’une seule. Notre professeur de musique sert de coordinateur avec le conservatoire dans lequel nous passons deux demi-journées par semaine. Solfège, pratique instrumentale et vocale en cours particuliers et en groupe, histoire de la musique et aussi découverte d’autres instruments font partie de notre programme. C’est assez intense, mais nous sommes conscients de vivre une expérience unique. Notre groupe est soudé, nous apprenons très tôt l’importance de la collaboration. Là, par exemple, on a tutoré les petits. Ça nous responsabilise. On leur sert de modèle. Pour les plus timides d’entre nous, le fait de se produire en concert oblige à gagner plus de confiance en soi. » Ils expliquent tirer une vraie satisfaction personnelle à comprendre un morceau, à l’interpréter en public en transmettant des émotions. En plus, renchérit Eden, le harpiste de l’équipe, la musique ça nous aide dans les autres matières, en math notamment. Aucun d'entre nous n'a de difficultés majeures en classe. Pour ce tea Time, on a composé nous-mêmes une partition rythmique à 4 voix. On a aussi écrit des paroles sur des airs connus. C'est une expérience enrichissante. » Même si aucun n'envisage de devenir musicien professionnel, tous reconnaissent que ce cursus de quatre années restera une parenthèse fondatrice dans leur parcours. « Nous regrettons qu’une fois au lycée, les horaires aménagés ne soient plus possibles. Nous ne pouvons que conseiller à ceux qui aiment la musique de s’orienter vers ce cursus que nous avons tous adoré. » 

La classe de Jazz, ça swingue !

Ils sont huit, six adultes et deux ados, à répéter sous la direction de Pierre Rebouleau, professeur de piano jazz, qui est à l’initiative, avec Jean-Marie Giannelli, de cette formation. Dans cet atelier, les musiciens aguerris expérimentent toutes les tendances du jazz, depuis Amstrong jusqu’à Dizzy Gillespie. Étude des thèmes, technique d’improvisation, analyse rythmique sont abordées de façon approfondie. Pierre Rebouleau détaille : « Ils se sont entraînés pendant trois mois pour présenter une sélection de standards de jazz. J’aimerais qu’ils aient davantage l’occasion de jouer en public, à la manière des jazz-bands, dans les bars. À Bastia, trop peu d’établissements jouent le jeu de nous accueillir. C’est dommage, car le jazz, ça ne se vit pas comme un concert classique, ça s’éprouve dans une atmosphère plus vivante. »
« Nous avons beaucoup de chance d’évoluer dans cet atelier, » explique Sandra qui joue du saxophone ténor. « C’est une opportunité rare dans les conservatoires », ajoute-t-elle. « En plus, je partage cette passion avec mon fils qui fait de la trompette et ça nous apporte beaucoup de complicité de faire de la musique ensemble ».
Il est question d’ouvrir un second atelier pour des musiciens plus jeunes. Joueurs de cuivres, contrebassistes, batteurs et bassistes en herbe, qui seraient tentés par l’expérience, pourront tenter l’audition à la rentrée prochaine...

En attendant, le public présent a semblé apprécier à sa juste valeur le spectacle que petits et grands leur ont offert.
Tout le monde est reparti avec un large sourire après ce moment de Jazz où créativité et expressivité étaient à l’honneur.

Le prochain rendez-vous avec les élèves du conservatoire est fixé au 21 juin pour la fête de la musique.