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Jean-Sébastien Soldaïni : « J’ai toujours voulu être grand reporter »


Laurent Hérin le Vendredi 15 Décembre 2023 à 18:18

Rédacteur en chef de la matinale de France Info et grand reporter, le journaliste bastiais Jean-Sébastien Soldaïni vient de recevoir le prix 2023 de l’Association de la presse diplomatique pour une série de reportages en Turquie à la veille de l'élection présidentielle. Pour CNI, il revient sur son parcours et sa passion pour son métier



Jean-Sebastien Soldaïni, à bord d'un hélicoptère, pour un reportage au Mali © DR
Jean-Sebastien Soldaïni, à bord d'un hélicoptère, pour un reportage au Mali © DR
Quel chemin parcouru depuis les bancs de l’école de Toga jusqu’à la direction de la matinale de Franceinfo pour le grand reporter Jean-Sébastien Soldaïni. Un impressionnant parcours que l'Association de la presse diplomatique vient de saluer en lui remettant le Prix de la Presse diplomatique 2023. Cette récompense est "destiné à couronner la meilleure couverture de sujets de politique internationale réalisés par un journaliste titulaire de la carte de presse professionnelle". Jean-Sébastien Soldaïni l'a obtenu pour sa série de reportages sur les élections en Turquie. Rencontre
 
- Parlez-nous de ce prix ?
- Il faut tout d’abord candidater. Contrairement à d’autres prix, celui-ci n’est pas catégorisé et couvre tous types de médias, sans distinctions. Le jury fait donc surtout une sélection en fonction des sujets. J’ai choisi de postuler avec une série de reportages que j’ai réalisé, pendant 10 jours, en mai dernier, juste avant les élections présidentielles en Turquie. Cette fois – j’avais couvert la précédente élection, en 2018 – je suis allé à la rencontre des habitants, dans le rural. Il y a cinq ans, je n’avais pas mesuré, comme d'autres journalistes, le poids électoral à l'extérieur des grandes villes. Je pense que cet angle a plu au jury.
 
- Un prix spécial qui vous sera remis, en janvier, au Quai d'Orsay ?
- Oui, je vais le recevoir de mains de la Ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna. C’est un honneur. Forcément. Depuis trois ans, je suis membre de l’Association de la presse diplomatique française (APDF). À travers ce prix, je tiens aussi à saluer la rédaction internationale de Radio France, pour la confiance qu’ils m’accordent.

- Vous remerciez « l'indispensable İsmet Akça » ?
- Ismet est le fixeur et interprète qui m’a accompagné lors de ces reportages en Turquie. Quand on part à l’étranger, un bon traducteur est indispensable. Ismet a, en plus, un ancrage local et un véritable carnet d’adresses. Vu que tu ne parles pas la langue, il anticipe tes besoins, il est plus que précieux.
 
- Vous soulignez aussi le travail de Romain Luquiens ?
- C’est la première fois que je travaille avec Romain. Il y a tout un vivier de techniciens de grande qualité à Radio France. Leur apport sur le terrain est essentiel. Ils gèrent la connexion, tendent le micro ailleurs quand tu es occupé sur un sujet et t’aident à monter les sons. C’est un travail très précis et très précieux.
 
- Plus globalement, qu’est-ce qui fait un bon reportage ?
- Cette question revient souvent quand j’interviens en école de journalisme. Je répète alors aux élèves qu’il n’y a pas de mode d’emploi. Je pense qu’il faut avant tout avoir les sens en alerte. Lorsque je suis à l’étranger, j’essaye de faire ressentir comment les grands enjeux internationaux ont une implication sur la vie de tous les jours. C’est ce que j’essaye de faire transparaitre dès que j’arrive dans un pays. On le constate aujourd’hui, par exemple, avec le conflit en Ukraine, totalement dépendant des enjeux géopolitiques. Le grand reporter François Clauss a cette phrase : « Un reportage se fait dans les interstices. » Tu dois te nourrir de tout ce qui t’entoure, tout le temps. Même, et surtout, lorsque tu t’arrêtes pour boire un café quelque part.
 
- Revenons sur votre parcours ?
- J’ai grandi à Bastia avec des parents originaires de Castagnicccia et de Levie. Après le Bac, j’ai poursuivi des études à l’Université entre Aix, Marseille et Paris. Je voulais être pilote de ligne, mais ça n’a pas pu se faire. Alors je me suis tourné vers des études de droit pendant lesquelles on m’incitait à lire le journal plus assidument. J’y ai pris gout jusqu’à ce que ça percute dans mon cerveau (rires). J’ai ainsi fait le Centre de formation des journalistes (CFJ) puis j’ai débuté à France Bleu Champagne-Ardennes. Ensuite, je suis rentré à Bastia pendant deux ans. J’étais correspondant pour Europe 1, mais j’écrivais aussi pour Le Figaro, La Croix et le mensuel Corsica. Ce dernier m’a donné une carte de visite locale, j’étais notamment en charge de la politique et du banditisme. Je ne regrette pas ce choix qui m’a aussi permis de rencontrer des journalistes comme Antoine Albertini, Sébastien Tieri ou Jean-Michel Vincensini.
 
- On peut parler de vocation ?
- Finalement, après avoir choisi ce métier, je me suis rendu compte que j’avais toujours voulu, au fond de moi, être grand reporter. Tout me ramène à ce choix parce que j’ai toujours été tourné vers l’étranger, même quand je voulais être pilote. J’ai toujours eu envie de voir comment ça se passe ailleurs…
 
- Après plusieurs années à Europe 1, vous rejoignez Radio France ?
- J’ai quitté la rédaction d’Europe 1 en novembre 2021. Trois mois plus tard, j’intégrais celle de Radio France. Je suis ravi d’avoir rejoint cette maison où j'ai été accueilli à bras ouvert. Il n’est pas simple d’y rentrer, surtout dans ce service. Depuis deux ans, j’ai passé 16 ou 17 mois au service étranger. En ce moment, je suis rédacteur en chef de la matinale de Franceinfo. Du coup, j’ai une vie de hibou (rires), je ne vois pas beaucoup le soleil, mais c’est passionnant.

C'est pour cette série de reportages en Turquie, ici dans le village d’Akçaabat, le 6 mai 2023, que Jean-Sébastien Soldaini a été récompensé © Radio France
C'est pour cette série de reportages en Turquie, ici dans le village d’Akçaabat, le 6 mai 2023, que Jean-Sébastien Soldaini a été récompensé © Radio France