(Photo : Archives CNI)
- Malgré le nombre réduit de députés qu’il compte, on a vu cette année l’importance qu’a pris votre groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (LIOT). Qu’est-ce qui explique cette montée en puissance ?
- Nous avions dit pendant la campagne législative qu'il y avait de fortes chances que nous puissions être en mesure de refaire un groupe, ce dont doutaient certains, et nous avions prédit que le président Macron n'aurait pas de majorité absolue. Avec un peu plus de 240 députés, la majorité présidentielle est très faible numériquement, ce qui confère effectivement aux 21 membres de LIOT, une force et une plus-value politiques qui vont au-delà même du nombre de députés qui le composent, grâce aux contrats politiques que nous avons passés. Cette mécanique d'absence de majorité absolue et de la présence de notre groupe qui, contrairement à ce qui a été dit, est en cohésion et cohérent, a créé des situations où LIOT a pesé à plusieurs reprises. Cela s’est vu notamment lors de l'épisode de la réforme des retraites, mais également sur des rejets de propositions et projets de loi du Gouvernement ou pour faire passer des amendements forts, y compris pour la Corse.
- Justement, avez-vous l’impression qu’appuyée par LIOT la voix de la Corse est aujourd’hui plus entendue ?
- Évidemment. Nous militons depuis le début pour constituer un groupe politique qui soit la voix des territoires, qui soit cohérent en termes de contrat politique, en termes de valeurs, de vision de la société, d’environnement, de vision du budget, d'autonomie fiscale et financière des collectivités et de la prise en compte du problème Corse au sens politique. Lorsque nous avons constitué le premier groupe Libertés et Territoires en 2017, nous avions eu déjà des premières victoires intermédiaires, mais évidemment, la situation de majorité absolue pour le Gouvernement de l'époque pouvait un petit peu relativiser ce poids politique, même s'il y a eu des victoires, comme notamment la proposition de loi qui a été portée par Michel Castellani sur le gel des matchs le 5 mai. Je dois dire aussi que le fait que d’avoir tissé des liens avec des députés de tous les groupes amène à ce qu’ils comprennent maintenant la question Corse alors qu'ils la voyaient différemment auparavant. Tout comme le fait aussi que deux présidents de groupes d’Horizons et du Modem soient des députés l’un de la Corse et l'autre d'origine corse, crée quand même une situation favorable du point de vue de l'empathie que l'on peut avoir sur les questions corses en général et la question politique globale.
- Vous avez interpellé à plusieurs reprises le Gouvernement sur la spéculation immobilière et foncière en Corse et même porté une proposition de loi en la matière. Avez-vous l’impression que l’on avance sur ce sujet important ?
Oui et non. Oui, dans la mesure où je rappelle quand même que s'il y a une mission particulière sur l'attrition des résidences permanentes par les résidences secondaires qui est menée pour la Corse et pour les territoires touristiques, c'est suite à un amendement qu'avait porté Bruno Questel dans la loi 3DS, lors du mandat précédent. Cet amendement avait été émis parce que ma proposition de loi avait été adoptée à l'époque. Il visait à considérer qu'il fallait lancer un rapport d'étude comparatif pour des mesures fortes pour la Corse sur ce sujet. Il a été élargi à d'autres territoires touristiques, donc cela veut dire qu’il y a bien en ce moment même une réflexion menée par trois ministres en collaboration avec les territoires sur le droit au logement, sur la lutte contre la spéculation foncière, sur le problème des locations saisonnières et du Airbnb. Même si les conclusions sont très faibles à l'heure qu'il est, il y a quand même des choses qui se passent en termes d'ateliers ou de commissions suite à notre présence. Il y a aussi eu une évolution grâce à notre interpellation sur l'élargissement des zones tendues pour que nos communes puissent avoir la capacité de surtaxer la taxe d'habitation des résidences secondaires. Même si cela est insuffisant, c'est une avancée. Bien sûr que maintenant, nous souhaitons dans le cadre statutaire de l'évolution de l'autonomie de la Corse, nous donner les pleins moyens d'arriver à ce que la Collectivité de Corse puisse délibérer sur des zones où il pourrait y avoir une taxe sur la spéculation immobilière, pour que l'on puisse à la fois réguler les prix de l’immobilier là où la déraison l'a emporté, mais en même temps créer une recette importante qui pourrait être de l'ordre de 150 à 200 millions d'euros par an. Cela permettrait d'actionner des leviers comme la production de logements sociaux, les projets d'accession à la propriété et aussi l'activation d'un droit de préemption renforcé pour la Collectivité de Corse. Évidemment, le dernier point qui viendrait parachever la logistique, serait d'admettre qu'il faut un statut de résident avec un droit de préemption pour les résidents lorsque se présentent des possibilités d'acheter. Ces trois éléments viendraient changer la donne en termes de régulation. Mais il faut une évolution statutaire vers l'autonomie de la Corse pour cela. À défaut, il faut que d'ici là un certain nombre de ces points, je pense à la taxe sur les transactions immobilières ou le droit de préemption, puissent être introduits dans la loi générale, et servent aussi à d'autres territoires. De manière transitoire, ça pourrait donner des réponses face à ce qui est une urgence aujourd'hui.
- Fin 2022, vous avez obtenu une dotation exceptionnelle de 33 millions d’euros pour la continuité territoriale. C'est là une des grandes victoires de la Corse pour cette année parlementaire ?
- J'ai eu l'honneur de porter cet amendement qui a permis d'avoir, même si c'était conjoncturel, une dotation de 33 millions d'euros dans le cadre du projet de loi de finances, grâce au poids du groupe LIOT, pour que l'on puisse éviter un crash financier lié à l'augmentation des coûts du carburant pour l'application du service public maritime. Cela a permis de faire en sorte qu'on ait une DSP maritime reconduite, sécurisée et qui permette à la fois de maintenir les prix et la fréquence des rotations dans un contexte inflationniste très lourd. Mais nous en avons aussi appelé à faire en sorte qu'il y ait une évolution pérenne qui fasse passer la dotation à 250 millions d'euros, car elle n’avait pas été indexée sur le coût de la vie depuis 2009. Donc effectivement, cela a été une grande victoire, en espérant qu'elle en appelle d'autres, notamment dans le cadre de la loi de finances 2024 qui arrive.
- Au cours de cette année, vous avez aussi présidé la commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur l’assassinat d’Yvan Colonna. Quel bilan en tirez-vous ?
- J'ai, comme convenu lors de ma campagne législative, porté cette demande d'abord auprès de mes collègues du groupe LIOT qui y ont accédé et nous avons sollicité la présidente de l’Assemblée Nationale pour qu’il y ait une commission d'enquête parlementaire sur le drame qui a coûté la vie à Yvan Colonna à Arles. J'en ai demandé la présidence de droit. Laurent Marcangeli a choisi de candidater pour être rapporteur, ce que j'ai évidemment soutenu, parce qu'il était très utile et important pour l'avenir de notre pays que deux députés corses se chargent de l'animation. Cette commission a été un moment fort avec 37 auditions, des dizaines de personnes qui ont contribué par écrit, et des échanges qui ont démontré que nous étions en mesure d'aller très loin dans la recherche de la justice et la vérité, en même temps que de vouloir des recommandations générales pour la justice et le milieu carcéral français. Beaucoup de zones d'ombre sont ressorties grâce à notre travail qui démontre qu'il y a eu des déficiences, des dysfonctionnements, des fautes graves, voire plus. Le rapport, qui a fait l'objet d'une adoption à l'unanimité des groupes politiques, ce qui est un fait assez notable, a démontré que nous demandions tous ensemble que la justice aille sur toutes les hypothèses concernant le drame, y compris celle de la possibilité d'un crime organisé pour des raisons politiques. Tout cela devra continuer à être exploré par la justice.
- Mercredi, Emmanuel Macron a laissé entendre que la réforme constitutionnelle ne concernerait finalement que la Nouvelle-Calédonie. Un mauvais signal pour le processus de Beauvau selon vous ?
- Je ne crois pas qu'il faille faire le lien entre la déclaration d’Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie et la question corse. Dire que c’est un mauvais signe à ce stade serait largement prématuré selon moi. Je crois qu'il faut en rester à ce qui se passe. La Nouvelle-Calédonie est dans un processus historique qui part des accords de Nouméa puis de Matignon. Il y a aussi un problème de consensus, ou du moins d'un accord entre forces politiques qui est beaucoup plus problématique en Nouvelle-Calédonie aujourd'hui qu'il ne l'est en Corse, puisque je rappelle quand même que la dernière délibération sur l'Assemblée de Corse, même si elle n'était pas issue de 100 % des élus, a regroupé 75 % d’entre eux, ce qui est considérable. Cette situation-là n'existe pas aujourd'hui Nouvelle-Calédonie. Donc, je pense que le Président de la République a voulu dissocier les choses. Il aurait été peut-être difficile pour l'Élysée de mélanger les sujets à cette occasion déjà difficile pour le Gouvernement, comme pour les Calédoniens et les Kanaks, dans le contexte actuel d'une non-solution politique à l'issue des trois référendums. Nous ne sommes évidemment pas dans le même contexte et la balle est dans le camp du Gouvernement et de l'Élysée qui ont le pouvoir d’avoir un discours fort symboliquement, historiquement, et politiquement concernant la Corse..
- Nous avions dit pendant la campagne législative qu'il y avait de fortes chances que nous puissions être en mesure de refaire un groupe, ce dont doutaient certains, et nous avions prédit que le président Macron n'aurait pas de majorité absolue. Avec un peu plus de 240 députés, la majorité présidentielle est très faible numériquement, ce qui confère effectivement aux 21 membres de LIOT, une force et une plus-value politiques qui vont au-delà même du nombre de députés qui le composent, grâce aux contrats politiques que nous avons passés. Cette mécanique d'absence de majorité absolue et de la présence de notre groupe qui, contrairement à ce qui a été dit, est en cohésion et cohérent, a créé des situations où LIOT a pesé à plusieurs reprises. Cela s’est vu notamment lors de l'épisode de la réforme des retraites, mais également sur des rejets de propositions et projets de loi du Gouvernement ou pour faire passer des amendements forts, y compris pour la Corse.
- Justement, avez-vous l’impression qu’appuyée par LIOT la voix de la Corse est aujourd’hui plus entendue ?
- Évidemment. Nous militons depuis le début pour constituer un groupe politique qui soit la voix des territoires, qui soit cohérent en termes de contrat politique, en termes de valeurs, de vision de la société, d’environnement, de vision du budget, d'autonomie fiscale et financière des collectivités et de la prise en compte du problème Corse au sens politique. Lorsque nous avons constitué le premier groupe Libertés et Territoires en 2017, nous avions eu déjà des premières victoires intermédiaires, mais évidemment, la situation de majorité absolue pour le Gouvernement de l'époque pouvait un petit peu relativiser ce poids politique, même s'il y a eu des victoires, comme notamment la proposition de loi qui a été portée par Michel Castellani sur le gel des matchs le 5 mai. Je dois dire aussi que le fait que d’avoir tissé des liens avec des députés de tous les groupes amène à ce qu’ils comprennent maintenant la question Corse alors qu'ils la voyaient différemment auparavant. Tout comme le fait aussi que deux présidents de groupes d’Horizons et du Modem soient des députés l’un de la Corse et l'autre d'origine corse, crée quand même une situation favorable du point de vue de l'empathie que l'on peut avoir sur les questions corses en général et la question politique globale.
- Vous avez interpellé à plusieurs reprises le Gouvernement sur la spéculation immobilière et foncière en Corse et même porté une proposition de loi en la matière. Avez-vous l’impression que l’on avance sur ce sujet important ?
Oui et non. Oui, dans la mesure où je rappelle quand même que s'il y a une mission particulière sur l'attrition des résidences permanentes par les résidences secondaires qui est menée pour la Corse et pour les territoires touristiques, c'est suite à un amendement qu'avait porté Bruno Questel dans la loi 3DS, lors du mandat précédent. Cet amendement avait été émis parce que ma proposition de loi avait été adoptée à l'époque. Il visait à considérer qu'il fallait lancer un rapport d'étude comparatif pour des mesures fortes pour la Corse sur ce sujet. Il a été élargi à d'autres territoires touristiques, donc cela veut dire qu’il y a bien en ce moment même une réflexion menée par trois ministres en collaboration avec les territoires sur le droit au logement, sur la lutte contre la spéculation foncière, sur le problème des locations saisonnières et du Airbnb. Même si les conclusions sont très faibles à l'heure qu'il est, il y a quand même des choses qui se passent en termes d'ateliers ou de commissions suite à notre présence. Il y a aussi eu une évolution grâce à notre interpellation sur l'élargissement des zones tendues pour que nos communes puissent avoir la capacité de surtaxer la taxe d'habitation des résidences secondaires. Même si cela est insuffisant, c'est une avancée. Bien sûr que maintenant, nous souhaitons dans le cadre statutaire de l'évolution de l'autonomie de la Corse, nous donner les pleins moyens d'arriver à ce que la Collectivité de Corse puisse délibérer sur des zones où il pourrait y avoir une taxe sur la spéculation immobilière, pour que l'on puisse à la fois réguler les prix de l’immobilier là où la déraison l'a emporté, mais en même temps créer une recette importante qui pourrait être de l'ordre de 150 à 200 millions d'euros par an. Cela permettrait d'actionner des leviers comme la production de logements sociaux, les projets d'accession à la propriété et aussi l'activation d'un droit de préemption renforcé pour la Collectivité de Corse. Évidemment, le dernier point qui viendrait parachever la logistique, serait d'admettre qu'il faut un statut de résident avec un droit de préemption pour les résidents lorsque se présentent des possibilités d'acheter. Ces trois éléments viendraient changer la donne en termes de régulation. Mais il faut une évolution statutaire vers l'autonomie de la Corse pour cela. À défaut, il faut que d'ici là un certain nombre de ces points, je pense à la taxe sur les transactions immobilières ou le droit de préemption, puissent être introduits dans la loi générale, et servent aussi à d'autres territoires. De manière transitoire, ça pourrait donner des réponses face à ce qui est une urgence aujourd'hui.
- Fin 2022, vous avez obtenu une dotation exceptionnelle de 33 millions d’euros pour la continuité territoriale. C'est là une des grandes victoires de la Corse pour cette année parlementaire ?
- J'ai eu l'honneur de porter cet amendement qui a permis d'avoir, même si c'était conjoncturel, une dotation de 33 millions d'euros dans le cadre du projet de loi de finances, grâce au poids du groupe LIOT, pour que l'on puisse éviter un crash financier lié à l'augmentation des coûts du carburant pour l'application du service public maritime. Cela a permis de faire en sorte qu'on ait une DSP maritime reconduite, sécurisée et qui permette à la fois de maintenir les prix et la fréquence des rotations dans un contexte inflationniste très lourd. Mais nous en avons aussi appelé à faire en sorte qu'il y ait une évolution pérenne qui fasse passer la dotation à 250 millions d'euros, car elle n’avait pas été indexée sur le coût de la vie depuis 2009. Donc effectivement, cela a été une grande victoire, en espérant qu'elle en appelle d'autres, notamment dans le cadre de la loi de finances 2024 qui arrive.
- Au cours de cette année, vous avez aussi présidé la commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur l’assassinat d’Yvan Colonna. Quel bilan en tirez-vous ?
- J'ai, comme convenu lors de ma campagne législative, porté cette demande d'abord auprès de mes collègues du groupe LIOT qui y ont accédé et nous avons sollicité la présidente de l’Assemblée Nationale pour qu’il y ait une commission d'enquête parlementaire sur le drame qui a coûté la vie à Yvan Colonna à Arles. J'en ai demandé la présidence de droit. Laurent Marcangeli a choisi de candidater pour être rapporteur, ce que j'ai évidemment soutenu, parce qu'il était très utile et important pour l'avenir de notre pays que deux députés corses se chargent de l'animation. Cette commission a été un moment fort avec 37 auditions, des dizaines de personnes qui ont contribué par écrit, et des échanges qui ont démontré que nous étions en mesure d'aller très loin dans la recherche de la justice et la vérité, en même temps que de vouloir des recommandations générales pour la justice et le milieu carcéral français. Beaucoup de zones d'ombre sont ressorties grâce à notre travail qui démontre qu'il y a eu des déficiences, des dysfonctionnements, des fautes graves, voire plus. Le rapport, qui a fait l'objet d'une adoption à l'unanimité des groupes politiques, ce qui est un fait assez notable, a démontré que nous demandions tous ensemble que la justice aille sur toutes les hypothèses concernant le drame, y compris celle de la possibilité d'un crime organisé pour des raisons politiques. Tout cela devra continuer à être exploré par la justice.
- Mercredi, Emmanuel Macron a laissé entendre que la réforme constitutionnelle ne concernerait finalement que la Nouvelle-Calédonie. Un mauvais signal pour le processus de Beauvau selon vous ?
- Je ne crois pas qu'il faille faire le lien entre la déclaration d’Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie et la question corse. Dire que c’est un mauvais signe à ce stade serait largement prématuré selon moi. Je crois qu'il faut en rester à ce qui se passe. La Nouvelle-Calédonie est dans un processus historique qui part des accords de Nouméa puis de Matignon. Il y a aussi un problème de consensus, ou du moins d'un accord entre forces politiques qui est beaucoup plus problématique en Nouvelle-Calédonie aujourd'hui qu'il ne l'est en Corse, puisque je rappelle quand même que la dernière délibération sur l'Assemblée de Corse, même si elle n'était pas issue de 100 % des élus, a regroupé 75 % d’entre eux, ce qui est considérable. Cette situation-là n'existe pas aujourd'hui Nouvelle-Calédonie. Donc, je pense que le Président de la République a voulu dissocier les choses. Il aurait été peut-être difficile pour l'Élysée de mélanger les sujets à cette occasion déjà difficile pour le Gouvernement, comme pour les Calédoniens et les Kanaks, dans le contexte actuel d'une non-solution politique à l'issue des trois référendums. Nous ne sommes évidemment pas dans le même contexte et la balle est dans le camp du Gouvernement et de l'Élysée qui ont le pouvoir d’avoir un discours fort symboliquement, historiquement, et politiquement concernant la Corse..