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Jean-Félix Acquaviva : « Il faut éviter de qualifier de terroristes des gens qui n’ont rien à voir avec les islamistes »


Nicole Mari le Jeudi 4 Février 2021 à 19:55

Le projet de loi confortant le respect des principes de la République est en discussion actuellement à l’Assemblée nationale. Les députés nationalistes corses, Jean-Félix Acquaviva, Michel Castellani et Paul-André Colombani, sont remontés au créneau contre le FIJAIT. Ce jeudi, ils ont déposé avec leur collègue breton, Paul Molac, et leur groupe parlementaire, Libertés & Territoires, un amendement qui vise à exclure de ce fichier les individus ayant commis de simples atteintes aux biens matériels. Fin de non-recevoir du gouvernement. La discussion en vidéo en séance entre le député de Corti-Balagna-Fiumorbu, Jean-Félix Acquaviva, la rapporteure de la loi, Laurence Vichnievsky, et le Garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti.



Jean-Félix Acquaviva, député de Corti-Balagna-Fiumorbu, et vice-président du groupe parlementaire Libertés & Territoires.
Jean-Félix Acquaviva, député de Corti-Balagna-Fiumorbu, et vice-président du groupe parlementaire Libertés & Territoires.
« C’est un amendement que je présente fréquemment », rappelle Jean-Félix Acquaviva en présentant dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale l’amendement des députés corses sur le FIJAIT. Ce fichier judiciaire d’inscription des auteurs d’infractions terroristes a été créé à la suite des attentats islamistes sanglants de 2015 afin de lutter contre la récidive des terroristes islamistes radicaux. Il a été, depuis, étendu notamment aux militants nationalistes corses. Et c’est là que, pour les députés nationalistes corses, le bât blesse. « D’autres individus, notamment des militants politiques corses, basques, altermondialistes, écologistes... condamnés pour des faits dont la gravité est sans commune mesure avec ceux perpétrés par les islamistes, se retrouvent également fichés, avec les contraintes que l’on connait », ajoute le député de Corti-Balagna Fiumorbu en précisant à quel point les situations, notamment corse et basque, diffèrent et ne peuvent être amalgamées. « Il est indispensable de mieux qualifier et proportionner la peine, en désignant clairement la nature des motivations pour laquelle ce fichier a été constitué, à savoir la menace islamiste, ce que chaque gouvernement s’est refusé à faire jusqu’à ce jour. C’est pourquoi, en l’absence de prise en compte de la nature des motivations qui ont conduit à commettre des infractions qualifiées de terroristes, cet amendement vise à exclure du FIJAIT les individus qui ont commis de simples atteintes aux biens matériels uniquement, afin de limiter l’inscription aux atteintes graves à la vie humaine ». Le but est, aussi, selon de ne pas s’enliser « dans des situations de pourrissement sur des situations aujourd’hui apaisées ».

Pas de bons terroristes !
Des arguments toujours aussi peu entendus par le gouvernement. L’amendement reçoit un double avis défavorable. D’abord de la rapporteur du projet de loi, Laurence Vichnievsky, qui répond en invoquant un principe général de droit pénal : « Ce qui est réprimé, ce sont les faits. La difficulté tient au délit d’intention. Il n’est pas question de faire la distinction que vous nous proposez. Ce qui compte, ce sont les actes. Si des personnes ont été condamnées pour des infractions qualifiées de terroristes, on ne peut pas dire que ce sont des atteintes à des biens matériels commises par des militants ». Ensuite, du Garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti : « Votre amendement restreint considérablement la portée de l’article 3. Ce qui ne correspond pas du tout à l’objectif poursuivi par le gouvernement ». Il rappelle que « l’autorité judiciaire peut toujours s’opposer à l’inscription au FIJAIT ». Enfin, estime-t-il : « Vous distinguez les bons et les mauvais terroristes. Il n’y a pas de bons ou de mauvais terroristes, il y a des terroristes. Nous luttons contre tous les séparatismes ! ».
 
La nécessité d’une réponse
Le député Jean-Félix Acquaviva réplique en interpelant le Garde des Sceaux sur sa réponse qu’il qualifie de « plus politique » et en revenant sur le contexte dans lequel le FIJAIT a été créé. « Ça n’a rien à voir avec les histoires anciennes pour lesquelles des militants ont été condamnés... C’est un fichier post-peine qui empêche souvent la réinsertion ». Quand à l’appréciation des juges évoquée par le ministre, il rappelle « le débat très fort en Corse sur l’indépendance de la justice, volet sur lequel je vous ai interrogé il n’y a pas longtemps et sur lequel il y avait vengeance d’Etat, donc une dimension politique. Je suis pour que l’on sorte de cette dimension politique (…) Et comme nous sommes des hommes de paix et de dialogue, je crois aussi que les réponses ne sont pas seulement judiciaires, elles sont aussi dans l’intelligence collective, et éviter de qualifier de « terroristes » des gens qui n’ont rien à voir avec les Islamistes barbares qui veulent mettre au joug et au pas toute une société ». Il conclut sur le fait que son amendement « suppose une réponse. On ne peut pas rester sans réponse sur une situation qui pourrit. Il faudra bien qu’un jour ou l’autre, on y réponde avec juste mesure ».