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Il y a 10 ans, l'avocat Antoine Sollacaro était assassiné à Ajaccio


La rédaction avec AFP le Mercredi 19 Octobre 2022 à 10:04

Le 16 octobre 2012, l'assassinat à Ajaccio d'Antoine Sollacaro, avocat d'Yvan Colonna et de l'ex-dirigeant nationaliste Alain Orsoni, avait suscité une onde de choc dans l'île. Dix ans après, les auteurs n'ont toujours pas été jugés. La justice a récemment ordonné le renvoi de quatre hommes devant une cour d’assises mais on ne connait pas encore la date du procès.



Photo illustration archives CNI
Photo illustration archives CNI
Ce mardi matin-là à 09h05, l'avocat de 63 ans achète comme chaque matin son journal dans une station-service du bord de mer d'Ajaccio. Assis au volant de sa Porsche Carrera, il est exécuté de neuf balles, dont cinq dans la tête, par le passager d'une moto.

Cet assassinat, le 15e en Corse en 2012 et le premier depuis 20 ans en France d'un avocat, bouleverse. "C'est la justice toute entière qui est touchée", réagit la garde des Sceaux, Christiane Taubira, parlant d'"onde de choc".

Né le 30 janvier 1949 à Propriano, ce militant nationaliste de la première heure au physique massif, père de Paul et Ana-Maria, tous deux avocats, était l'un des pénalistes corses les plus brillants, bâtonnier d'Ajaccio de 1998 à 1999.
Il avait assuré la défense d'Yvan Colonna, condamné à la prison à perpétuité pour l'assassinat, en 1998, du préfet de Corse Claude Erignac.
Il était également l'avocat d'Alain Orsoni, l'ancien dirigeant nationaliste du Mouvement pour l'autodétermination (MPA), devenu en 2008 président du club de football Athletic Club d'Ajaccio, et de son fils Guy.

"Junte birmane" 
Parmi ses clients figuraient aussi plusieurs figures, membres présumés ou proches du grand banditisme insulaire, comme Michel Tomi, José Menconi ou Francis Mariani.

A la barre, le pénaliste était connu pour ses plaidoiries pugnaces et cinglantes voire provocantes: le 27 février 2009, il comparait à une "junte birmane" la cour d'assises spéciale de Paris jugeant Colonna pour l'assassinat du préfet Erignac.

Lors de ses funérailles à Propriano, quelque 150 avocats en robe noire venus de toute la France lui rendent hommage, devant un millier de personnes, tandis qu'une minute de silence est observée dans tous les tribunaux de France.
Mais le 14 novembre 2012, l'histoire bégaye: Jacques Nacer, président de la chambre de commerce et d'industrie de Corse-du-Sud, proche d'Alain Orsoni, est à son tour assassiné.
Christiane Taubira et le ministre de l'Intérieur Manuel Valls viennent deux fois en Corse pour affirmer haut et fort la mobilisation de l'Etat, tout en appelant les Corses à se rebeller contre "la mafia qui gangrène l'île".
Des renforts sont annoncés dans les forces de l'ordre et la justice pour lutter prioritairement contre "l'affairisme" et le blanchiment d'argent.

Repenti 
Le 5 décembre, une moto correspondant à celle des tueurs de Sollacaro est retrouvée.
Moins de six mois après sa mort, fin mars 2013, 11 personnes sont arrêtées en Corse et sur le continent. Début avril, André Bacchiolelli et Mickaël Ettori, présentés par Manuel Valls comme les "piliers de la trop célèbre bande du Petit Bar", sont mis en examen pour assassinat en bande organisée.

Si l'enquête semble rondement menée, c'est sans compter des années de contestation et d'annulation de procédures, jusqu'à l'arrêt, le 3 octobre dernier, de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui confirme le renvoi de trois membres présumés du "Petit Bar" devant les assises des Bouches-du-Rhône : Jacques Santoni, le chef présumé de la bande, décrit par la justice comme "le commanditaire" et le "cerveau" de l'assassinat, est renvoyé pour complicité d'homicide volontaire ; André Bacchiolelli est renvoyé pour assassinat et Mickaël Ettori pour association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes.
Pour l'accusation, le mobile serait la rivalité entre le "Petit Bar" et le clan Orsoni, sur fond de mainmise économique sur la Corse-du-Sud.

La justice s'est notamment appuyée sur les déclarations de Patrick Giovannoni, une "petite main" du "Petit Bar" qui a obtenu en 2015 le statut de repenti et a affirmé avoir reçu les confidences de Jacques Santoni : "C'est nous qui avons tapé", aurait-il déclaré après le crime.

La date du procès n'est pas encore fixée. Mickaël Ettori est en fuite. Quant à l'influence toxique de la bande criminelle sur l'île, notamment son économie, elle reste dénoncée au quotidien.