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Grâce au nouvel hôpital d'Ajaccio, "faire en sorte que les gens aillent moins sur le continent"


le Lundi 9 Janvier 2023 à 17:09

À Ajaccio, l’ouverture du nouvel hôpital de la Miséricorde est désormais imminente. Sur ses quelques 60 000m2, dans des locaux modernes aux espaces aérés et aux équipements dernier cri, le site du Stiletto commencera à accueillir ses premiers patients dès le 31 janvier. Un outil qui s’inscrit pleinement dans la modernité, comme l’indique le directeur de l’hôpital de la Miséricorde, Jean-Luc Pesce.



Photo Michel Luccioni
Photo Michel Luccioni
- Quels seront les grandes étapes de ce déménagement vers le site du Stiletto ?
- Cela commence par les services administratifs, logistiques et techniques la semaine du 16 janvier. Ensuite, le 30 janvier nous commencerons à déménager les services de soins critiques, c’est-à-dire la réanimation, l’unité de soins continus, la néonatalogie, les soins intensifs de neurologie et les soins intensifs de cardiologie. Nous le faisons sur deux jours : le 30 janvier et le 1er février. Le 31 janvier, c’est un jour qui sera à marquer d’une pierre blanche puisque c’est ce jour-là que nous accueillerons notre premier patient externe, le jour où nous ouvrirons les Urgences et le jour où nous commencerons aussi à accueillir les femmes enceintes. Donc il est probable que ce soit aussi le jour où le premier bébé naîtra au nouvel hôpital. Puis, le dernier service à être transféré sera celui des consultations externes mi-février. À noter aussi que le Samu va jouer un rôle de pionnier, puisque la régulation sera déjà sur le nouveau site dès le 10 janvier.
 
- La période où les deux sites continueront de fonctionner en même temps ne sera-t-elle pas sujette à confusion pour les patients ?
- Non. Justement nous avons voulu cette période très ramassée, puisqu’elle s’étalera sur une dizaine de jours. Nous allons laisser sur ces 10 jours un peu d’Urgences sur le site actuel, un équipage SMUR et une salle de bloc au cas où nous ayons à intervenir en urgence. À partir du 10-12 février, tout le monde sera sur le nouveau site.  
 
- Comment avez-vous organisé cette opération d'ampleur ?
- Cela se prépare depuis des années. Le plus compliqué ce sont les services médicotechniques. Pour le laboratoire de biologie et l’imagerie cela a nécessité l’acquisition de matériel supplémentaire. La grosse difficulté c’est de déménager les équipements que nous n’avons pas acheté en neuf sur le nouvel hôpital. Mais, parce que l’hôpital était très vieillissant, nous nous sommes facilités les choses. Tout d’abord, nous changeons pratiquement tous les lits de l’hôpital en une seule fois, ce qui se fait assez rarement, donc nous n’aurons pas ce problème de logistique. Nous changeons aussi l’IRM et en aurons tout neuf sur le nouveau site. En revanche, nous avions déjà changé le scanner il y a quelques mois, donc nous allons le démonter et le remonter sur le nouveau site. Pendant une semaine nous allons fonctionner avec l’imagerie privée, au-travers d’une convention que nous avons passé avec eux. Et le plus complexe c’était sans doute la biologie. Là-aussi nous changeons certains équipements que l’équipe va trouver en neuf sur le nouveau site, mais il y a aussi quelques équipements que nous allons déménager. Donc pour le temps du déménagement, nous allons également passer un accord avec les laboratoires de biologie privés.
 
- Et pour les patients hospitalisés, comment se passera le transfert d’un site à l’autre ?
- Le plus délicat ce sont les patients de soins critiques qui seront transférés le 30 janvier et le 1er février. Il s’agit de patients très fragiles que nous ne pouvons pas laisser trop longtemps dans les véhicules. Donc une escorte policière accompagnera le convoi et nous permettra de nous faire un passage. Nous effectuerons ces transferts à certaines heures de la journée afin d’éviter les périodes où il y a beaucoup de circulation dans Ajaccio. Nous passerons ainsi le matin très tôt, ensuite en seconde partie de matinée et en début d’après-midi, aux moments où la circulation est la plus fluide sur la ville.

 

Jean-Luc Pesce, directeur de l'hôpital de la Miséricorde (Photo : Michel Luccioni)
Jean-Luc Pesce, directeur de l'hôpital de la Miséricorde (Photo : Michel Luccioni)
- Le projet initial de ce nouvel hôpital qui date d’il y a une dizaine d’années a évolué au fil du temps. Vous avez notamment souhaité tirer certains enseignements de la crise Covid
- Oui. Nous les avions quelque part un peu anticipés sans le vouloir. Je retiendrais deux enseignements principaux de cette crise. Tout d’abord sur l’ancien hôpital nous avions 80% de chambres à un lit et 20% de chambre à deux lits. Nous inversons totalement les choses sur le nouvel hôpital. Et cela c’est très important pour pouvoir lutter contre les épidémies. Les médecins et les cadres de santé se sont escrimés à faire en sorte que le virus ne se diffuse pas pendant la pandémie Covid. Si nous avions eu des chambres à un lit, tout aurait été plus simple. Deuxième élément, on peut voir, quand on passe sur la route du Stiletto, qu’il y a encore des échafaudages sur le nouveau site car nous avons pu étendre notre capacité de réanimation. Nous rajoutons deux lits de réa, trois lits dans l’unité de soins intensifs polyvalents, et puis également six lits de soins de rééducation post réanimation, soit en tout 11 lits de soins critiques. C’est un projet que nous avions déposé juste avant la crise Covid et la pandémie a joué le rôle d’accélérateur.
 
- Il est aussi question de transférer la cancérologie de l’hôpital de Castelluccio au nouveau site du Stiletto. À quel moment aura lieu cette opération ?
- Contractuellement, le constructeur nous doit les locaux fin 2023, pour une installation dans les murs de l’ensemble de la cancérologie, c’est-à-dire l’oncologie et la radiothérapie, prévue pour le premier semestre 2024.

Plus grand, plus moderne, le nouveau est à la pointe des dernières technologies. Vous avez aussi souhaité y intégrer une maison des familles. Des outils indispensables pour répondre aux besoins de l’île ?
- Oui car aujourd’hui nous allons pouvoir proposer des prises en charge modernes, adaptées en termes de circuits et d’équipements. L’objectif ultime en termes de santé publique pour la Corse-du-Sud est de faire en sorte que les gens aillent un peu moins sur le continent. La partie maison des familles est un projet auquel nous tenons énormément parce que nous souhaitons développer toute l’activité ambulatoire. Nous créons ainsi un hôpital de jour pour la médecine ambulatoire qui n’existe pas aujourd’hui, et nous doublons la capacité pour la chirurgie ambulatoire. Pour ce faire, si nous voulons être l’hôpital du Grand Ajaccio mais aussi de toute la Corse-du-Sud, il faut que nous puissions accueillir les patients qui viennent de loin la veille à l’hôpital, sans pour autant qu’ils soient hospitalisés. Cette maison des familles est en cela idéale : on pourra par exemple venir de Bonifacio la veille, y dormir, et aller dans le service ambulatoire le lendemain matin à 7 heures. 
 

L'accueil du nouvel hôpital de la Miséricorde (Photo : Michel Luccioni)
L'accueil du nouvel hôpital de la Miséricorde (Photo : Michel Luccioni)
Avec cet outil pleinement inscrit dans la modernité vous espérez attirer de nouveaux spécialistes sur l’île qui en manque cruellement ?
- Cela a déjà commencé. Nous avons fait une bonne cinquantaine de recrutements depuis 2016, notamment sur la chirurgie et la réanimation où nous n’avons plus un seul poste vacant. Le nouvel hôpital a vraiment joué un rôle d’aimant pour attirer de nouveaux praticiens, notamment des jeunes, il ne faut pas s’en cacher. 
 
- En matière de personnels, on sait qu’il existe une crise des vocations dans certaines professions de santé comme les infirmiers et aides-soignants, notamment depuis la crise Covid. Vos effectifs sont-ils au complet de ce côté-là ?
- Pour l’instant non s’agissant des personnels soignants et notamment infirmiers. Cela est un peu bloquant pour nous parce que nous allons réussir à ouvrir le capacitaire existant, mais nous avions d’autres projets, comme ouvrir la totalité des places ambulatoires de l’hôpital de jour, et pour l’instant nous sommes un peu bloqués dans ces déploiements car nous manquons de bras. 
 
- Vous avez aussi souhaité que cet espace du nouvel hôpital soit modulable, pour qu’il puisse être adapté à de futurs enjeux dans l’avenir…
- Tout à fait, outre la cancérologie ou les soins critiques, il n’est pas interdit de penser que l’on puisse développer d’autres types d’activités dans les années qui viennent. Donc je pense qu’effectivement il fallait qu’il soit modulable. Sur l’emprise du nouvel hôpital on voit qu’il y a encore pas mal de foncier disponible, ce qui permettra à d’autres générations que la mienne d’étendre les activités hospitalières et de développer de nouveaux projets.
 
- Qu’est ce qui explique que ce nouvel hôpital, initialement annoncé pour 2017, ouvre finalement ses portes 6 ans après ?
- Il y a plusieurs choses. La première c’est que 2017 était une date totalement irréaliste. Le projet est sorti de terre au second trimestre 2015, je pense que même une maison individuelle n’aurait pas pu être construite aussi vite. Donc un hôpital, avec la complexité que l’on sait, ne peut pas sortir de terre deux ans plus tard. Au national, la moyenne pour la construction d’un hôpital c’est environ 5 ans à partir du premier coup de pioche. Deuxièmement, nous avons rajouté des mètres carrés car au départ un certain nombre de services ne devaient pas venir sur le nouvel hôpital. Ce dernier devait initialement faire entre 38 000 et 40 000m2, il en fait aujourd’hui 60 000m2. Et puis, la crise Covid est passée par là également. Donc cela a rajouté de la difficulté, ce qui explique qu’un hôpital qui aurait dû sortir de terre courant 2020 soit terminé deux ans plus tard. 
 
- Enfin, la cession du site de l’ancien hôpital à la ville est-elle actée ?
- Pour l’instant nous avons signé un compromis avec la ville. L’acte de vente sera signé dans les semaines qui viennent.