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Gilles Simeoni : « Le projet de Saleccia est emblématique du nouveau modèle que nous mettons en place »


Nicole Mari le Samedi 22 Juillet 2023 à 19:34

Régulation des flux pour éviter la surfréquentation, préservation et transmission du patrimoine naturel et bâti, lutte contre les incendies, développement économique et touristique maîtrisé, respect de la biodiversité et du bien commun, éco-redevance… Lors de l’inauguration, vendredi dernier, des travaux d’aménagement de la piste menant à la plage de Saleccia, le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, a réaffirmé clairement les grands principes du nouveau modèle de gestion des sites naturels sensibles. Il explique à Corse Net Infos que cette opération s’inscrit dans un projet global de développement de l’Agriate, incluant l’agriculture.



Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse inaugure les aménagements de la plage de Saleccia dans l'Agriate. Photo CNI.
Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse inaugure les aménagements de la plage de Saleccia dans l'Agriate. Photo CNI.
- En quoi cette inauguration de la piste de Saleccia est-elle emblématique ?
- C’est un moment emblématique, d’abord parce que le projet lui-même est porté depuis plusieurs années et qu’il est stratégique. Il est aussi le fruit d’un partenariat entre la commune de San Petru-di-Tenda, incarnée notamment par la volonté du maire de mener ce projet jusqu’à son terme, de l’engagement conjoint de la collectivité de Corse et du conservatoire du littoral avec le soutien de l’État. Cette opération budgétaire représente 3,2 millions d’euros dans 1,7 million d’investissement de la part de la collectivité de Corse sur ses fonds propres, le reste réparti entre la commune, l’État et le conservatoire du littoral. Au-delà de l’aspect budgétaire, cette opération répond à une volonté de transmission d’un patrimoine matériel et immatériel - celui de Saleccia et de l’Agriate -, de mise en valeur, de protection contre les incendies, d’aménagement aussi bien terrestre que maritime, avec un enjeu majeur dans le contexte actuel, celui de la gestion et de la régulation des flux. L’activité économique et touristique est nécessaire, mais elle doit s’intégrer dans une vision plus large, respectueuse, notamment des équilibres, de la biodiversité et du bien commun.
 
- Quels aménagements ont été réalisés à Saleccia ?
- Le projet a permis de réaménager la piste sur 12 kms avec des aires de retournement, d’aménager un parking de 120 places en arrière de la plage de Saleccia, et d’installer des équipements de sécurité contre l’incendie le long de la piste avec des zones de regroupement, des points d’eau et une signalisation. Egalement, de réhabiliter un ancien sentier communal de 11 kms entre la RD 81 et le littoral pour offrir une alternative à la voiture avec des passerelles, de créer une halte équestre et d’instaurer une éco-redevance de stationnement perçue à l’entrée de la piste pour couvrir les frais de gestion et d’accueil et assurer l’entretien de la piste, du sentier et des équipements de sécurité. Le projet est quasiment achevé.
 
- Cette inauguration intervient quatre jours après l’incendie de la guérite installée à l’entrée de la piste de Saleccia pour percevoir l’éco-redevance. Comment réagissez-vous à cet acte ?
- Au moment où on parle, on ne connaît ni les auteurs, ni leurs motivations. J’ai immédiatement exprimé mon soutien au maire et au conseil municipal de San-Petru-di-Tendu. Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui à travers la réhabilitation de cette piste de 11 kms, une gestion des flux doit se faire, notamment à travers des parkings et à travers une régulation et le paiement d’une éco-redevance qui servira à l’aménagement et à l’entretien de l’espace public. Je crois qu’on est dans un cercle vertueux qui a vocation à être bouclé, en associant pleinement bien sûr les acteurs économiques et touristiques qui ont une partie ou la totalité de leurs activités sur ce site. Ces acteurs doivent comprendre aussi - mais je pense qu’ils le comprennent - que cette activité doit s’intégrer dans le respect d’un certain nombre de principes intangibles. Je l’ai dit : le respect du bien commun, la régulation des flux, la protection de l’environnement et de la biodiversité.

Avec les agents de la Collectivité territoriale. Photo CNI.
Avec les agents de la Collectivité territoriale. Photo CNI.
- Néanmoins, ces quotas ne sont pas forcément bien acceptés par ces acteurs, ni le paiement de la redevance par la population locale. C’est un choix que vous assumez ?
- Oui ! De toute façon aujourd’hui, dans le monde entier, notamment en Méditerranée, l’ensemble des sociétés et collectivités humaines et politiques s’organisent notamment pour lutter contre les effets néfastes du surtourisme et s’engagent dans un tourisme durable. Je rappelle aussi que l’activité économique dans le massif de l’Agriate, ce n’est pas seulement le tourisme, c’est aussi - et cela a vocation à l’être de plus en plus -, l’agriculture de production. Il y a également des enjeux de lutte contre les incendies, contre la pollution et de régulation des flux maritimes. Bien sûr, personne n’accepte aisément de devoir payer une redevance ou une écotaxe, mais cette fiscalité environnementale est nécessaire et indispensable. Elle peut s’aménager en fonction de l’activité et des personnes qui ont vocation à la payer avec, par exemple, des réductions ou des exonérations pour les résidents. Cela se fait partout et cela se fera ici aussi.
 
- Vous insistez sur la nécessité de réglementer l’activité économique. Est-ce désormais la nouvelle donne en milieu naturel ?
- Tout à fait ! L’opération des Agriates est importante, stratégique et emblématique car elle fait partie d’un panel d’opérations que nous avons engagées et que nous entendons mener à bien. Parmi ces opérations, il y a le cas de Cavallu, symbolique de la volonté de la puissance publique de se réapproprier cette île et d’y être fortement présente. Il y a la régulation des flux dans les Lavezzi et l’enjeu majeur de Scandula. Il y a aussi - il ne faut pas l’oublier - l’intérieur avec, par exemple, la Restonica ou le Cuscioni, la réhabilitation des estives, la gestion des conflits d’usage, et, là aussi, la régulation des flux. Ici à Saleccia, ce qui est intéressant, c’est que le site englobe à la fois la partie terrestre et la partie maritime, donc un cumul d’enjeux extrêmement importants et la mobilisation de l’ensemble des acteurs pour construire dans la concertation, le nouveau modèle qui est indispensable.
 
- Vous avez mis des quotas sur les Lavezzi, qu’en est-il pour Saleccia qui est tout aussi saturé ?
- Ce sera pour l’année prochaine. Saleccia est aussi confrontée à ce problème important de saturation et de sur-fréquentation estivales. Il faut se pencher sur la régulation des flux maritimes sur Saleccia et le Lodu. Là aussi, le conservatoire du littoral, la collectivité de Corse, le Parc naturel maritime du Cap Corse et de l’Agriate et les services de l’État souhaitent mener à bien une discussion dans la concertation, y compris, avec les acteurs économiques. En clair, les organisateurs de promenade en mer, pour qu’il y ait une véritable régulation et que cette activité de tourisme maritime se fasse dans les règles au plan technique et au plan réglementaire.
 
- Les communes du Haut-Nebbiu se plaignent avec raison de ne pas profiter de la manne touristique et des activités qui utilisent leur littoral. Comment y remédier ?
- Il y a des enjeux d’équilibre, y compris au niveau des territoires et au niveau de la Corse toute entière. Cela fait partie d’ailleurs des questions qui sont en filigrane dans l’approfondissement du travail en cours sur le statut d’autonomie. On a parlé de logique de péréquation, de fonds de solidarité, de régulation du tourisme, d’annualisation de l’activité touristique, de construction d’une économie et d’une agriculture de production. Ce sont des enjeux qui sont au cœur de la problématique de la Corse d’aujourd’hui et de demain. Je pense que la prise de conscience se fait de plus en plus largement dans la population avec un consensus de plus en plus fort sur les grands principes et sur la façon de réussir à atteindre les objectifs que nous définissant ensemble.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

Sur le parking aménagé de Saleccia, avec Michel Muracciole, directeur du Conservatoire du Littoral. Photo CNI.
Sur le parking aménagé de Saleccia, avec Michel Muracciole, directeur du Conservatoire du Littoral. Photo CNI.