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Gilles Simeoni : "Il est temps d'écrire une nouvelle page de l'histoire de la Corse et et une relation nouvelle avec l'Etat"


Nicole Mari le Mardi 4 Juillet 2023 à 19:32

L’Assemblée de Corse s’est réunie, ce 4 juillet 2023, pour une session extraordinaire de deux jours afin de débattre du projet de statut d’autonomie pour la Corse proposé par le président de l’Exécutif, qui doit servir de base à une délibération qui est censée être votée dans les prochaines heures et envoyée au président de la République. Gilles Simeoni a longuement plaidé pour faire évoluer les positions et trouver le chemin d’un consensus avec les cinq autres propositions qui ont été présentées dans la foulée.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. Photo Michel Luccioni.
C’est une longue journée qui s’est ouverte, ce matin du 4 juillet, à l’Assemblée de Corse lors de cette session spéciale consacrée au projet de statut d’autonomie dans le cadre du processus de Beauvau et dans la perspective d’une révision constitutionnelle que le président de la République souhaite engager en 2024. Le nombre et la diversité des personnalités extérieures, qui se pressent dans les couloirs, sont significatifs de l’importance du moment. Des anciens présidents, comme Camille de Rocca Serra, le président de la région autonome du Val d’Aoste en observateur attentif, les parlementaires nationalistes, des maires, présidents d’Intercommunalités, le CESEC, la Chambre des territoires, le président d’association des maires de Haute-Corse, Ange Pierre Vivoni, mais aussi des anciens responsables politiques… La session a débuté avec les allocutions de la présidente de l’Assemblée, Nanette Maupertuis, et du président  de l’Exécutif, Gilles Simeoni, qui a, dans la foulée, présenté son rapport qui brosse l’ossature d’un statut d’autonomie. Un long débat pour confirmer les positions et appels de chacun lui a succédé, sans rien apporter de nouveau, notamment du côté de l’opposition de droite. 

 

Nanette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
Nanette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
L’appel au sursaut
La présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, est revenue sur le contexte, les modalités et l’enjeu du débat qu’elle espère le plus large possible afin « de parvenir à l’issue de nos échanges à la rédaction d’une délibération que nous espérons conjointe, ou tout au moins, d’une délibération qui pourrait rassembler une majorité la plus large possible des suffrages ». Il s’agit avant tout, poursuit-elle, « d’établir un accord politique historique avec l’Etat. Accord qui doit permettre de sceller les modalités de résolution d’un conflit qui dure depuis des décennies et de tracer collectivement le chemin qui doit nous conduire au développement économique, social, durable, à la paix ». Pour elle, en Corse, en France, en Europe, « plus grand monde ne doute qu’il y ait un peuple corse avec sa langue, sa culture, ses travers, ses déboires et ses victoires. Plus grand monde ne discute l’idée, qu’à l’instar d’autres territoires européens de montagne, insulaires, faiblement peuplés, notre île puisse disposer de modalités d’auto-gouvernement propres à lui permettre d’édicter ses lois et produire, dans l’environnement méditerranéen naturel et culturel qui est le sien, au regard de ses propres contraintes géographiques, de ses faiblesses mais aussi de ses richesses économiques, culturelles et écologiques, les solutions adaptées aux problèmes généraux ou singuliers qui se posent à son peuple  et ses propres aspirations ». Forte cette certitude, elle interroge : « Quels pourraient-être aujourd’hui les obstacles à la formulation d’une proposition innovante visant tout à la fois à solder 50 ans de difficultés et ouvrant un avenir de paix et de prospérité ? ». Et ce, malgré les divergences et la discorde qu’elle ne nie pas. S’adressant d’abord aux groupes nationalistes, elle ne veut retenir que « les sursauts dont nous avons fait preuve et la confiance qui nous a animés, ce qui nous permet aujourd’hui d’être, ensemble, largement majoritaires en Corse ». Elle tire trois enseignements : « Nous n’avons jamais été développés au sens moderne. Jamais ! Nous avons de la croissance, de la richesse matérielle mais elle délite aujourd’hui notre environnement, elle nous dépossède de la terre et de nos fondamentaux. Deuxièmement, nos institutions, quelles que furent les réformes effectuées n’ont jamais produit l’efficacité d’un autogouvernement à même de pouvoir dépasser les contraintes structurelles que nous subissons depuis toujours. Nous sommes mal-développés car n’avons pas les institutions autonomistes qu’il nous faut. Enfin, nous ne pourrons être autonomes que si nous-mêmes nous sommes responsables et unis ! Où a-t-on vu que la division apportait le développement, la prospérité et la paix ? Nulle part ! ». Et de réaffirmer : « l’autonomie n’est pas une fin en soi, c’est un moyen. Le seul pour que continue à vivre le peuple corse ! N’ayons pas peur ! ». 

Nanette Maupertuis et Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Nanette Maupertuis et Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Un état d’esprit
C’est aussi l’appel du président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, qui insiste, lui aussi, dans un long préambule, sur l’importance historique du moment : « La dernière fois que notre assemblée a eu un débat d’une telle importance, c’est au moment du processus de Matignon, il y a 25 ans ». Lui aussi fait le vœu que face à la réalité de la Corse, « ses difficultés, ses angoisses immenses, ses doutes trop souvent », les élus envoient un signe fort d’espoir. « L’autonomie n’est pas seulement une évolution institutionnelle, mais un état d’esprit, un dialogue, le droit au bonheur que Pasquale Paoli a théorisé depuis plus de 2 siècles ». S’il en relève, précise-t-il, de sa responsabilité politique de prendre en compte les oppositions et d’exprimer des convergences quand elles sont possibles, il faut aussi néanmoins respecter le fait majoritaire : « Le référendum perdu a entrainé pendant 20 ans un cycle de difficultés. Cette somme immense de douleurs, de deuils, de blessures encore ouvertes nous oblige à trouver les chemins de la paix. Il est temps d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la Corse et une relation nouvelle avec la France, l’Etat ». C’est, pour lui, le véritable enjeu de la session d’aujourd’hui. « Ce n’est pas un  aboutissement, mais une marche forte d’un escalier qui reste incertain ». Son rapport n’est, assure-t-il qu’une porte d’entrée. « Ce qui est le plus important est ce qui n’est pas encore écrit, cette délibération ne sera pas celle de la majorité territoriale, mais elle viendra dire de façon claire, partagée, les grands axes et l’armature du statut d’autonomie que nous voulons ». Dans ce but, il était important, d’abord, de définir ledit statut d’autonomie et ses objectifs : « L’enjeu historique et pour nous essentiel est de reconnaître ce que nous avons porté, ce que nous sommes viscéralement. Cet enjeu de reconnaissance historique est consusbstantiel à toute construction politique ». De démontrer ensuite que la démocratie en sortira renforcée. « L’Etat joue son rôle dans ses compétences régaliennes. Non, l'autonomie n’est pas synonyme d’omnipotence de la Collectivité de Corse. Partout où elle s’est construite, l’autonomie s’est traduite par un renforcement de la vie démocratique et un progrès économique et social, par la subsidiarité interne avec des communes confortées dans leur clause de compétence générale et un nouveau pacte financier et fiscal avec l’Etat ». Elle permettra également de renforcer les infrastructures. Tout en prévenant : « Ce n’est pas au Conseil exécutif de décider d’un projet de société, ce sera aux élus de la Corse autonome ».

Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.
La confiance au peuple
Le président de l’Exécutif acte le chemin pour y accéder. D’abord, l’insertion d’un Titre consacré à la Corse dans la Constitution : « c’est un élément important qui nous permet à la fois d’aller loin sur un statut d’autonomie et de souligner la singularité de l’évolution constitutionnelle de la Corse ». Une façon aussi, selon lui, d’éviter la contagion tant redoutée de Paris dans des régions à forte singularité. Ensuite une loi organique qui a vocation à organiser l’armature générale du statut d’autonomie avec une répartition claires des compétences entre l’Etat, qui garde le régalien, et la région qui s’octroie tout le reste Et d’asséner : « Nous voulons toute l’autonomie, mais rien que l’autonomie ». Un transfert de compétences qui, à l’instar de ce qui s’est passé ailleurs, ne pourra s’établir que de façon progressive. « La notion de progressivité garantit partout la réussite du processus d’autonomie ». Et devra s’accompagner d’un transfert de moyens financiers et humains. « Avons-nous les moyens de le faire ? », lance-t-il. Avant de répondre : « Toutes les régions autonomes nous ont dit que oui, quand il y a une volonté politique et un dialogue sincère ». Et de rassurer : « Dans le domaine social, il est impensable que le statut d’autonomie se traduise par une régression des droits acquis, il y aura des clauses de garantie ». Évoquant la question des lignes rouges fixées par le gouvernement, notamment la revendication sous-jacente de l’indépendance, il révèle qu’il en a discuté avec le président Macron et leur oppose le choix irréversible de la démocratie. « Personne ne peut prétendre enfermer l’avenir d’un peuple dans les limites d’un texte, c’est le peuple qui décide librement. Je fais confiance au peuple. Je pense que ce statut d’autonomie est ce dont la Corse a besoin pour les années à-venir, c’est de notre devoir d’envoyer un message clair à Paris ».
 
N.M.