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Feux de forêt : une caméra dotée d’IA expérimentée en Corse


Léana Serve le Jeudi 8 Mai 2025 à 11:41

À Ventiseri, une caméra thermique équipée d’intelligence artificielle a été testée pendant six semaines pour détecter les départs de feu. Capable de repérer en temps réel une source anormale de chaleur ou une fumée suspecte, elle transmet immédiatement une alerte au centre de secours. Une expérimentation qui pourrait préfigurer un déploiement plus large sur l’ensemble du territoire insulaire.



Photo : Ghjisè Capocchi
Photo : Ghjisè Capocchi

Une caméra thermique pour prévenir les incendies en Corse ? C’est ce que propose l’entreprise CG Services, qui a mis en place, à titre expérimental, un dispositif de surveillance innovant dans la commune de Ventiseri. Déployée il y a un mois et demi, sur l’ancien poste de garde des sapeurs-pompiers, la caméra thermique est la première à avoir été testée sur l’île. Le choix du site s’est fait en concertation avec la municipalité, désireuse de tester cette technologie sur le terrain. Le lieu présentait aussi des avantages logistiques : alimentation électrique, connexion Internet, et un point de vue dégagé sur la végétation. Concrètement, cette caméra fonctionne de manière “totalement autonome”, selon Ghjisè Capocchi, gérant de CG Services. “On définit préalablement avec le client les zones à contrôler, et elle peut ensuite patrouiller 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, et ce peu importe le temps.”

Fixée au sol, la caméra est capable de pivoter à 360°, et son rayon d’action couvre jusqu’à 11 kilomètres. Elle fonctionne grâce à deux objectifs : un capteur thermique pour repérer les sources de chaleur, et un objectif en clair pour détecter les fumées. Dès qu’une anomalie est identifiée, “elle va venir zoomer et travailler la zone en encadrant de jaune la fumée ou le feu”. “Une fois que le carré est verrouillé en rouge, ça veut dire qu'elle considère, avec son intelligence artificielle, qu'il y a un potentiel départ de feu”, précise Ghjisè Capocchi. “Elle va alors envoyer une alerte au CODIS (centre opérationnel départemental d'incendie et de secours), via une application qu'on aura préalablement installée, par SMS ou par mail.” Les opérateurs peuvent alors prendre la main à distance sur la caméra, affiner l’analyse du départ de feu, et valider ou non l’envoi des secours. Le système est compatible avec un logiciel utilisé par le CODIS, permettant une localisation GPS du feu “à 100 mètres près”.


Un outil de terrain pour les pompiers

Avec sa capacité à détecter un départ de feu “entre quinze secondes et trois minutes maximum”, la caméra permet une prise en charge très rapide. “Il n'y a pas de demi-feu ou de quart de feu : le feu, c'est le feu, et la caméra est là pour aller travailler une zone et envoyer l'alerte le plus rapidement possible”, indique Ghjisè Capocchi. “Le plus important, c'est de pouvoir intervenir en un temps record sur les départs de feu, et être précis pour suivre la progression d'un incendie.” Une fois la fumée ou le foyer repérés, les opérateurs, avec la caméra, peuvent guider les équipes au sol en fonction de la progression de l’incendie, du vent, ou même des éventuelles déviations de route pour accéder au feu. “La caméra devient un troisième œil stratégique pour les pompiers.”
 

Pendant la phase de test, quelques ajustements ont néanmoins été nécessaires. “On s’est aperçu que la caméra détectait les nuages rasants et les feux de cheminée”, souligne Ghjisè Capocchi. “Le fabricant a donc développé un algorithme, dans lequel il a appliqué deux filtres : un pour les cheminées et un pour les nuages rasants. Ces filtres ont été testés sur les deux caméras installées à Nice, et il est maintenant possible de dissocier l'objectif en clair et l'objectif thermique. Par exemple, sur la période hivernale, où il y a beaucoup de feux de cheminée et d'écobuages, on peut travailler uniquement avec l'objectif thermique pour figer un point chaud et éviter ces fausses alertes, et remettre l’objectif clair à partir de la période estivale.”
 

La caméra va au-delà de la lutte contre les incendies. Grâce à son capteur thermique, le dispositif peut aussi être mobilisé pour rechercher des personnes disparues en montagne, “une silhouette humaine apparaissant comme une tâche de chaleur sur l’écran”. Aujourd’hui, la caméra a quitté la Corse pour retourner chez son fabricant en Grèce. Après des retours “extrêmement positifs”, CG Services espère désormais pouvoir aller plus loin, en installant “une vingtaine de caméras sur le territoire” sur cinq ans. “On aimerait en mettre dix en Haute-Corse et dix en Corse-du-Sud”, précise Ghjisè Capocchi. “Le prix ne doit pas être un frein. De notre côté, on est tout à fait capable d'en installer deux par an ou trois par an, selon les besoins.”

En effet, chaque caméra coûte 130 000 euros, mais l’entreprise assure qu’elles seront autonomes. “On peut l'alimenter avec un réseau satellite, lui mettre une connectivité satellite. On peut aussi lui mettre des panneaux solaires plus ou moins dimensionnés avec des batteries au lithium. On peut vraiment la déployer sur n'importe quel site.”