Corse Net Infos - Pure player corse
Corse Net Infos Corse Net Infos

CorseNetInfos


Femu a Corsica : « Il est temps de construire un accord politique pour solder le conflit entre la Corse et Paris »


Nicole Mari le Lundi 5 Juin 2023 à 19:12

A 48 heures de la quatrième réunion sur l’avenir de la Corse qui se tiendra, mercredi matin à l’hôtel Beauvau, Femu a Corsica interpelle l’Etat sur ses « rétropédalages » et lui demande de clarifier sans équivoque sa position lors de cette réunion. Tout en réaffirmant ses revendications fondamentales, le parti de la majorité territoriale analyse la situation politique de l’île, le climat de violence qui s’installe, le rapport de la Commission d’enquête sur l’assassinat d’Yvan Colonna, et l’enjeu des prochaines échéances. Son secrétaire national, François Martinetti, explique à Corse Net Infos que la Corse attend un acte fort et que la balle est désormais dans la main du gouvernement.



Autour du secrétaire national de Femu a Corsica, de François Martinetti, le maire de Bastia, Pierre Savelli, le secrétaire territorial de Femu Bastia, Didier Grassi, des membres de l’Exécutif du parti, élus à Bastia ou à l’Assemblée de Corse, Don Joseph Luccioni, Mattea Lacave, Lizandru De Zerbi, Anna-Maria Colombani et Jean-Paul Calendini, le conseiller territorial, Hervé Baldrighi, et des militants.
Autour du secrétaire national de Femu a Corsica, de François Martinetti, le maire de Bastia, Pierre Savelli, le secrétaire territorial de Femu Bastia, Didier Grassi, des membres de l’Exécutif du parti, élus à Bastia ou à l’Assemblée de Corse, Don Joseph Luccioni, Mattea Lacave, Lizandru De Zerbi, Anna-Maria Colombani et Jean-Paul Calendini, le conseiller territorial, Hervé Baldrighi, et des militants.
- Qu’est-ce qui a motivé votre prise de parole à 48 heures de la réunion sur l’avenir de la Corse ?
- Dans un contexte sociétal et économique compliqué pour la Corse avec le retour de la violence, il était important pour Femu a Corsica de dire à l’Etat avant cette réunion de mercredi que ce processus devait être au bon niveau. Nous sommes ballotés entre des moments d’espoir et de doute sans savoir si ce processus ira jusqu’au bout. Des engagements ont été pris par le ministre Darmanin et par le président Macron, il est temps que ces promesses aboutissent. Nous demandons à l’Etat de clarifier sa position, de donner des signes fort de sa volonté en disant clairement que la Corse aura son changement constitutionnel, son titre dans la Constitution et une autonomie qui est une des garanties sine qua non du maintien de notre peuple sur notre terre. Par rapport à cette deadline de juillet qu’avait donné le président Macron, nous sommes prêts, que ce soit au niveau du parti, de l'Assemblée de Corse et du Conseil exécutif. Ce mardi sera divulgué le rapport sur l’autonomie de Romain Colonna, président de la Commission des compétences législatives, qui a été voté par Fa Populu Inseme et Core in Fronte. Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, présentera le projet d’autonomie de la Corse, fin juin. Donc, nous sommes prêts et nous disons à l’État : « Soyez au rendez-vous ! Il est temps que la Corse connaisse une paix durable ».

- Si l’on en croit les documents de travail de l’Etat sur le foncier, on est très loin du compte. Toutes les demandes corses sont rejetées. N’est-ce pas de mauvais augure ?
- Oui, clairement ! Les documents, qui ont été donnés, en particulier sur le foncier, ne sont pas au niveau de la réalité de la problématique foncière en Corse, qui n’est pas un petit problème. C’est un problème majeur, si ce n’est le problème majeur, parce que les Corses n’arrivent plus à se loger dans leur commune. Ça commence à devenir très compliqué. La spéculation monte de plus en plus dans les plaines, voire dans les collines, et pose de sérieux soucis. Oui, nous avons des inquiétudes et des doutes ! C’est pour cela que nous demandons à l’État de clarifier tout de suite sa position et d’être à la hauteur des enjeux. Nous demandons vraiment un changement de braquet et de mettre la barre au bon niveau. On ne veut plus simplement s’enfermer dans des réunions thématiques, on veut un projet politique global qui déclinera ensuite les problématiques thématiques sur le foncier, le logement et autres… Et le bon niveau, c’est le niveau de la parole du Ministre et du Président de la République. Va-t-on aller mi-juillet vers ce changement constitutionnel que nous souhaitons de nos vœux et décliner derrière la loi organique portant le premier statut d’autonomie de la Corse ? Et ce, quelques soient les méthodes pour y arriver, les trois cinquièmes du Parlement ou un référendum. L’Etat doit solutionner le problème politique corse, nous donner les compétences adéquates pour gérer les problèmes fonciers, environnementaux… et un pouvoir législatif pour construire notre pays. Pour cela, il faut une discussion sérieuse, stable et qui aboutisse. C’est le message que nous adressons à l’Etat.
 
- Femu a entrepris des Giri citadini è paisani pour expliquer aux Corses le projet d’autonomie. La droite affirme que la population a d’autres préoccupations. Est-ce votre ressenti sur le terrain ?
- Non ! Dans les trois giri que nous avons déjà fait, que ce soit dans le Boziu, le Cortenais, l’Alta-Rocca ou dans la vallée du Prunelli, les Corses ont une autre analyse. Ils ont besoin de renseignements, d’être rassurés sur l’autonomie, de savoir ce qu’est l’autonomie législative et quelles compétences, nous comptons prendre. Ils s’aperçoivent clairement que, dans de nombreux domaines du quotidien, l’autonomie apporte des réponses. Prenons l’exemple des maires du Cortenais. Ils nous ont expliqué qu’au niveau de l’eau, ils n’arrivent pas à avancer, que ce soit en matière d’accès à l’eau ou de stations d’assainissement parce qu’une seule agence, l’agence Rhône-Alpes Méditerranée-Corse, gère ces questions-là. Avec l’autonomie, nous pourrons créer une agence corse qui permettrait de régler de nombreux problèmes. Pareil pour le pouvoir d’achat ! Quand il y a des crises économiques et de l’inflation, l’État ne fait pas ce qu’il faut. Le prix de l’essence est à la main de la Première ministre qui aurait pu diminuer les taxations, elle ne l’a pas été fait ! Tout est lié ! Nous pensons que l’autonomie, qui est le chemin que nous avons choisi depuis 50 ans, est le chemin de la maîtrise de notre destin national sur notre terre, mais aussi du règlement de questions du quotidien. Je peux vous dire que les maires, qu’ils soient de gauche, de droite ou sans étiquette, ont clairement la volonté de suivre ce mouvement d’autonomie. Le peuple aussi est en attente, il a voté depuis 2015 pour un chemin d’espoir qui passe par l’aboutissement du processus et une solution politique globale pour ce pays.

Don Joseph Luccioni et François Martinetti.
Don Joseph Luccioni et François Martinetti.
- Comment analysez-vous, dans ce contexte, le double retour de la violence clandestine et de la répression de l’Etat ?
- Nous sommes bien évidemment très préoccupés par cette violence clandestine souvent organisée, peu lisible avec des actions touchant des Corses, entrepreneurs, artisans, paisani… Nous réitérerons notre soutien indéfectible à nos compatriotes touchés par ces actes, et nous réaffirmons, ce que nous disons déjà depuis des dizaines d’années, que le seul chemin possible est celui du combat démocratique et de la lutte publique. L’État doit aussi montrer le chemin de l’espoir. Les tergiversations permanentes et la remise en cause du processus créent un contexte difficile dans lequel s’exerce des forces occultes qui font reprendre une certaine violence. Aujourd’hui, il faut construire une paix, une société en cohésion, aller vers la maîtrise de notre destin par un projet de société qui soit le plus viable possible, le plus démocratique possible et le plus partagé par tous. Évidemment, cela passe par une parole de l’État forte et une continuité de la parole de l’État. Il est temps d’arriver à une solution politique pour ce pays.
 
- A 48 heures d’une réunion à Beauvau, le même scénario de gardes à vue de militants nationalistes se répète. A priori, l’Etat semble sourd au message ?
- Quand on regarde le chemin parcouru par les Corses depuis des années avec l’arrêt de la violence politique par le FLNC, des partis qui se sont convertis à la lutte démocratique, ce climat de répression n’est pas acceptable. Quand on veut construire un pays, on ne peut pas, tous les matins, arrêter de jeunes militants ! La voie de la réconciliation passe par des concessions d'un côté et de l'autre. Bien sûr, on s’interroge sur ces méthodes-là ! On voit que des tendances s’opposent au sein de l’État. Est-ce une volonté gouvernementale ? Est-ce une volonté préfectorale ? On n’en sait rien ! En tout cas, ce n’est plus possible ! Il faut que ces méthodes de répression s’arrêtent, qu’on puisse tranquillement se réveiller le matin en Corse, construire un pays dans des relations de réciprocité et fraternelles avec l’État français. On n’en est pas là ! C’est le chemin que l’on souhaite pour, dès cette réunion, solder ce conflit déjà trop long
 
- Que vous inspire le rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur l’assassinat d’Yvan Colonna et qu’en attendez-vous ?
- Nous tenons à remercier le travail effectué par la Commission sous la présidence de Jean-Félix Acquaviva avec le rapporteur Laurent Marcangeli. Ce rapport, qui a été voté à l’unanimité des membres de la Commission, est très clair : cet assassinat relève de l’affaire d’État ! Le rapport parle de « dysfonctionnements graves », d’« inactions », d’« erreurs », de « responsabilités », de « défaillances », de « zones d’ombre » et de « trous noirs ». Aucune hypothèse, même la plus haute - c’est-à-dire un assassinat de portée politique commandité et lié à la « haine d’État », comme on a pu le voir dans les échanges entre préfets - ne peut être écartée à ce stade. Ce que nous attendons de manière claire, c’est la vérité et la justice, dont une partie a été dévoilée par ce rapport. Pour aller au fond, il faut actionner l’article 40 du Code de procédure pénale qui garantit un prolongement judiciaire et la construction de la vérité de la justice que les Corses et la jeunesse attendent. C’est l’une des bases de l’accord qui a été signé l’an dernier entre le Ministre Darmanin et le Président Simeoni. Nous attendons ces éclaircissements nécessaires pour clôturer ce cycle de violence et avancer vers le chemin de la réconciliation.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.