Corse Net Infos - Pure player corse

En Corse, les syndicats pestent contre le projet de réforme des retraites


Naël Makhzoum le Mardi 10 Janvier 2023 à 20:22

La Première ministre, Elisabeth Borne, a dévoilé mardi 10 janvier en fin d'après-midi le projet de réforme des retraites avec en mesure phare, le passage de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. D'ici son examen par l'Assemblée Nationale, début février, grèves et manifestations risquent de rythmer le quotidien de l'île. Les organisations syndicales espèrent faire reculer l'exécutif, et se disent prêtes à ancrer le mouvement dans la durée. Même s'ils s'y attendaient, les syndicats insulaires sont remontés et participeront aux premiers mouvements sociaux annoncé à l'échelle du pays le jeudi 19 janvier.



STC : "Concrètement pas acceptable"

Jean Brignole, secrétaire général du STC : "La réaction était malheureusement attendue : ce n'est concrètement pas acceptable car on en demande de plus en plus. A chaque fois qu'il y a une réforme des retraites, on remet sur le tapis l'équilibre, la justice, le progrès, mais ce sont toujours les salariés qui trinquent et sont obligés de travailler plus longtemps.
Lorsqu'on regarde le monde du travail actuel, avec des seniors qui ne sont pas maintenus dans l'emploi, sont licenciés vers 57 ans, plus on décale l'âge de départ à la retraite et plus on aura des difficultés pour certains personnels. Certaines personnes n'auront plus d'activité au moment où ils auront l'âge de partir à la retraite. A chaque fois, on nous a dit qu'il fallait reculer. Aujourd'hui, c'est 64 ans et demain, 65 et puis 70...
On essaie d'enjoliver en donnant un certain nombre d'éléments : les 85% du SMIC, la suppression des régimes sociaux, mais ce sont des acquis sociaux et il n'y a pas à les enlever. C'est toujours dans le même sens. Beaucoup d'annonces ont été faites, les plus importantes et celles qui sont caractérisées sont celles qui nous inquiètent le plus : le décalage de l'âge de départ à la retraite. Lorsqu'on arrive à 60 ans et qu'on doit travailler 16 trimestres au lieu de 8, les choses sont différentes. Les seniors qui se retrouvent sans emploi avant 60 ans ont toutes les peines du monde à arriver à retrouver une activité avant 62 ans, alors on imagine à 64..."

CGT : "Ne pas mourir au travail"

Charles Casabianca, secrétaire général de l'union départementale des syndicats CGT de la Haute-Corse : "On n'est pas surpris. Ce n'est pas la première fois mais l'an dernier, on est déjà descendus quatre ou cinq fois dans la rue contre la réforme du chômage, des retraites, pour informer la population que ce gouvernement libéral n'a de cesse de penser qu'il faut reporter l'âge de la retraite. En même temps, c'est là où on trouve le plus de personnes en âge de partir à la retraite aujourd'hui qui se retrouvent sans emploi. 
Il n'y a pas de projet sociétal, social pour les populations. Aujourd'hui, on voit en France des très riches devenir encore plus riches, mais les pauvres devenir encore plus pauvres. Les classes moyennes tendent vers la pauvreté. Le projet sociétal de monsieur Macron est de discuter avec le grand patronat, ne pas arrêter de déséquilibrer notre système social qui repose sur trois piliers : les cotisations des salariés, des patrons et de l'État. Quand il en manque un, on déstabilise et décrédibilise ce système.
Quand je vois qu'après cet âge de départ, l'espérance de vie des salariés sera de 13 ans contre presque 23 pour les plus riches, on pense que les gens ont le droit de ne pas mourir au travail mais en profitant un peu de la vie."

Force Ouvrière : "Plaisanterie" et "gangrène"

Marcel Santini, secrétaire général de l'union départementale des syndicats FO de Corse-du-Sud : "On reste sur nos positions. Nous étions contre 65 ans, nous sommes contre 64 ans. Par ailleurs, les arguments mis en avant, notamment sur l'augmentation des cotisations salariales, c'est une plaisanterie. Nous demandons l'augmentation des cotisations patronales, pas salariales. 
J'ai entendu que le retour de la retraite à 60 ans coûterait 85 milliards d'euros. En ce moment, il y a une somme d'exonération dans le régime patronal de 120 milliards. Il suffit d'abroger les exonérations pour que le compte soit bon. 
C'est comme une gangrène : on nous coupe petit à petit. Ça fonctionne comme ça jusqu'à ce que la notion même de retraite disparaisse ! Un jour, ils vont inventer le travail à vie... Le fin mot de ce projet est de diminuer le nombre de retraités et d'augmenter celui de chômeurs. Le résultat sera flagrant et inévitable : plus on empêche les gens de partir à la retraite, moins on libère d'emploi et plus les gens restent au chômage. Ça ne va pas changer d'une seule unité le nombre de salariés qui travaillent."

CFDT : "Une incohérence totale"

Marie-Josée Salvatori, secrétaire générale de l'union régionale CFDT de la Corse : "C'est une grande déception mais pas un scoop, on s'y attendait. Pour nous, ce n'est pas acceptable, c'est scandaleux pour les gens qui ont des métiers pénibles. Ce n'est en plus pas justifié parce qu'ils ont axé leur intervention sur trois piliers : équilibre, justice et particularismes. C'est une volonté de passer en force et un déni complet du dialogue sociale et de ce qu'on a pu dire, faire abstraction des corps intermédiaires que nous sommes.
On veut faire travailler les gens plus tard mais les entreprises ne veulent pas embaucher de seniors. Il y a des choses d'une incohérence totale. J'ai mal pour les salariés, notamment de deuxième ligne pendant la pandémie, qui ont exercé des boulots très difficiles et à qui on va dire aujourd'hui de travailler plus longtemps. 

On est un peu soulagés dans la mesure où on a réussi à faire passer le message que les carrières longues devaient être conservées. C'est plutôt une satisfaction, mais minime par rapport au fait majeur du report de l'âge. La pénibilité a aussi un peu été prise en compte dans la mesure où il y aura de l'accompagnement, mais ça ne va pas générer des trimestres de cotisation. Il faut faire attention aux effets d'annonce..."

Ce qui contient la reforme

Une manifestation contre le projet de reforme de retraite à Ajaccio, en 2019
Une manifestation contre le projet de reforme de retraite à Ajaccio, en 2019

Les mesures pour le régime général

Le Gouvernement entend porter l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans à partir de 2030 (contre 62 ans actuellement). A compter du 1er septembre 2023, l'âge légal va être relevé d'un trimestre chaque année pour atteindre 64 ans en 2030.
Dans le même temps, la durée de cotisations pour bénéficier d'une retraite à taux plein sera portée à 43 ans dès 2027 (la réforme des retraites de 2014 prévoyait un allongement de la durée de cotisation à 43 ans en 2035).
L'âge de la retraite à taux plein (sans décote) reste fixé à 67 ans.
Pour financer le régime des retraites, une contribution va être demandée aux entreprises. Pour les entreprises, cette contribution sera compensée par une baisse de leur cotisation au régime des accidents du travail qui est actuellement bénéficiaire.
Le dispositif "carrières longues" est conservé avec des aménagements. En 2030, ceux qui ont commencé à travaillé avant 16 ans pourront continuer à partir à la retraite à 58 ans. Ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans pourront partir à 60 ans et ceux qui ont commencé entre 18 et 20 ans à 62 ans. Le dispositif "carrières longues" va intégrer les interruptions de carrière pour élever des enfants.
Des départs anticipés resteront possibles pour les personnes invalides ou en incapacité ainsi que pour les personnes en situation de handicap.
Le projet du Gouvernement comprend également un volet consacré à la prise en compte de la pénibilité. Le compte professionnel de prévention (C2P) va notamment être renforcé.
L'emploi des seniors fait l'objet également d'une attention particulière. Par exemple, les entreprises de plus de 300 salariés devront publier un index de l'emploi des seniors (sur le modèle de l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes).
Le montant de la pension minimale sera augmenté de 100 euros en septembre 2023.

Les mesures pour la fonction publique et les régimes spéciaux

Le report de l'âge légal et l'allongement de la durée de cotisations s'appliqueront à tous les agents publics des trois fonctions publiques. Le mode de calcul des pensions des fonctionnaires reste inchangé (six dernier mois sans prise en compte des primes). Les dispositions spécifiques aux catégories actives (prise en compte de la pénibilité) avec des possibilités de départ anticipées restent inchangées (pour les policiers par exemple). Les droits acquis, en matière de pénibilité, pendant les années de service en catégorie active seront définitivement acquis même en cas de changement de carrière.
Pour faciliter les fins de carrière, la retraite progressive sera étendue aux agents publics.
Pour les agents publics des établissements de santé et de certains métiers de la fonction publique territoriale, des mesures pour la prévention de l'usure professionnelle seront adoptées (création d'un fonds notamment).
Par ailleurs, le Gouvernement prévoit la fermeture progressive des régimes spéciaux de retraite (RATP, régime des électriciens et gaziers, Banque de France...) pour les nouveaux embauchés à partir de septembre 2023. Pour les salariés actuels des régimes spéciaux, la durée de cotisation va être allongée selon un calendrier qui sera négocié.