Le service Soin de Suite et Réadaptation (SSR) du Centre Hospitalier de Bastia fait partie du projet EVA CORSE. (Crédit photo : Docteur Antoine Faure)
À l’origine du projet, un constat : «la prévention des maladies cardio-vasculaires est un problème prioritaire de santé publique, puisqu’elles représentent une des premières causes de mortalité dans le monde, explique le docteur Faure. Nous savons également que deux tiers des patients éligibles à des séances de réadaptation cardiaque ne suivent pas le programme.» La principale raison ? «Une absence d’offre de soins à proximité du lieu de vie des patients. Pour la Corse, c’est d’autant plus le cas. De nombreux insulaires se trouvent à plus d’une heure de route des deux services Soin de Suite et Réadaptation (SSR) qui se trouvent à Bastia et Ajaccio. Ce sont les seuls à pouvoir réaliser un programme de réadaptation.»
Prévention, accès aux soins et proximité
Le diagnostic établi, il fallait pour le Docteur Faure et l’ensemble des équipes investies dans le projet, trouver la possibilité de pallier cette problématique majeure. C’est la naissance du projet EVA Corse, encadré par le «dispositif article 51» dont l’objectif est, entre autres, de promouvoir des organisations innovantes contribuant à améliorer le parcours des patients, l'efficience du système de santé et l'accès aux soins.
Pour le praticien du Centre Hospitalier de Bastia, «l’idée d’EVA Corse, c’est de mailler l’ensemble du territoire insulaire. Il nous fallait proposer à des patients étant à plus d’une heure des SSR de Bastia et Ajaccio, une prise en charge plus flexible et près de chez eux.» Des patients pour la plupart âgés de 60 ans et plus, et triés selon des critères d’inclusion tels que l’insuffisance cardiaque, le haut risque cardio-vasculaire, ou le syndrome coronaire aigu stabilisé par exemple. Ils sont, au départ de l’expérimentation, près d’une centaine à bénéficier du dispositif.
Chaque patient se voit proposer des exercices adaptés à son profil. (Crédit photo : Docteur Antoine Faure)
Autre ambition majeure et non des moindres pour les initiateurs du projet, «la volonté de ne pas leur proposer une réadaptation low-cost. Nous voulions garder le même niveau de sécurité et de suivi qu’une prise en charge classique dans les deux SSR. Chaque patient se voit proposer des exercices adaptés à son profil, et dont l’objectif est de prévenir toutes les maladies ou les potentielles récidives.» Une démarche qui se veut à la fois qualitative mais aussi moins coûteuse, comme l’atteste le docteur François Agostini, médecin référent de la Maison de Santé Pluriprofessionnelle (MSP) de Calenzana, et partenaire du projet : «les patients Balanins qui se déplaçaient jusqu’à Bastia étaient pris en charge pour le transport en taxi, ce qui représentait également un coût énorme pour la Sécurité Sociale »
Une prise en charge synergique et humaine
Sur les 20 séances nécessaires à la réadaptation cardiaque, les six premières sont réalisées dans l’un des deux SSR de l’île. Les 14 autres sont effectuées à proximité du lieu de domicile des patients. Un dispositif rendu possible grâce aux nombreuses MSP étendues sur toute la Corse, mais aussi par l’investissement de toutes les équipes. «EVA CORSE est avant tout un travail de groupe et doit sa réussite à l’investissement total de toutes les personnes associées ainsi que de tous ceux qui nous ont permis de le développer. Sans cela, il n’aurait pas été possible de mener ce projet, et de le faire perdurer depuis maintenant près de deux ans» assure le docteur Faure.
Sur le plan structurel et organisationnel, les deux SSR de Bastia et d’Ajaccio font office de «tour de contrôle» et sont constamment en lien avec les Équipes de Soin primaire (ESP) en contact avec les patients dans les MSP. Un mode de fonctionnement que le docteur Faure estime primordial de par «la communication constante qui lie les deux SSR et les MSP, et qui nous permet d’assurer un suivi rigoureux pour tous les patients, mais aussi de constituer une plateforme d’échanges et d’entraide entre toutes les parties prenantes au projet.»
Depuis le début de l’expérimentation, près d’une soixantaine de personnes du corps médical sont mobilisées, reparties entre SSR et MSP. Infirmières et médecins bien entendu, mais aussi psychologues et nutritionnistes par exemple. Un large éventail de spécialistes qui réjouit le praticien bastiais. «C’est incontestablement une des forces du projet. Nous ne nous contentons pas de prodiguer des exercices physiques, mais nous aidons également nos patients à mieux adapter leur régime alimentaire par exemple. Il y a aussi une dimension psychologique, où à travers des séances de groupe, chacun peut donner son ressenti et son état d’esprit.»
Un plébiscite à tous les niveaux
Une mobilisation totale qui se traduit dans les faits par un véritable succès auprès des patients. À Calenzana par exemple, le docteur François Agostini fait état «d’une augmentation significative du nombre de patients féminins depuis la mise en place du dispositif. Être à proximité de leur domicile leur assure un confort non négligeable.» Un fait également constaté par le docteur Faure. «Avant EVA Corse, les femmes ne représentaient que 20 % des patients en réadaptation cardiaque.»
Si du côté des principaux concernés la satisfaction est totale, le projet a aussi fait parler de lui au niveau national, lors de la plénière du Conseil National de la Refondation (CNR) qui s’est tenue à Paris début mai en présence notamment de François Braun, Ministre des Solidarités et de la Santé. EVA CORSE a été présenté par une délégation insulaire, dont les docteurs Faure et Agostini, et vivement salué par tous. Au point qu’une possible étendue du projet sur toute la France ait été envisagée.