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EDUCFI #3 : Spéculation, bulles et hallucinations !


Pierre BERETTI le Mercredi 24 Mars 2021 à 14:48

A l’occasion de la semaine de l’éducation financière lancée par la Banque de France du 22 au 29 mars, CNI propose à ses lecteurs cinq articles autour de ce sujet. Sébastien Ristori, consultant en finance d’entreprise, enseignant et auteur aux éditions Ellipses, nous accompagnera, tout au long de la semaine, dans le but de rendre plus accessible au grand public les notions de finance.



En finance, la valeur d’un actif est calculée par l’actualisation au taux de rendement exigé par l’investisseur des profits économiques futurs de cette même société. En quelque sorte, les prévisions de croissance de profit déterminent la valeur actuelle d’un titre. En des termes moins techniques, si vous détenez une action en bourse, sa valeur s’ajustera à partir du moment où le taux de rendement que vous exigez sur cette action est atteint. Pour simplifier, l’entreprise dégage 10 de profit chaque année, vous en attendez du 10%, le prix de l’action vaut 100 (10/10%). 
 
Si l’entreprise dans laquelle vous possédez le titre affiche de belles performances futures, et donc promet une rentabilité supérieure au taux que vous exigez actuellement, alors le prix de l’action va monter. Pourquoi ? D’abord parce que l’action rapporte plus, donc elle peut se vendre plus chère. Et le prix va avoir tendance à grimper jusqu’à ce que le taux de rendement exigé à l’origine soit rétabli : De nouveaux investisseurs seront intéressés par les actions, et le prix va subir une hausse jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de nouveaux acheteurs à un prix qui sera jugé trop élevé. Le cours de l’action sera donc ajusté. Le scénario inverse peut se produire : Une entreprise qui ne pourra honorer ses promesses de rentabilité se voient sanctionner sur le marché. Le cours baisse, puisqu’il n’y a pas de nouveaux acheteurs pour un prix trop élevé, et que certains investisseurs actuels ne souhaiteront probablement pas conserver un titre qui n’honorera pas sa promesse de rendement. 
 
Ce jeu d’équilibre sur les marchés financiers est normal. C’est la base de l’économie, c’est l’offre et la demande. Pourtant, parfois, des bulles financières apparaissent. Ces bulles naissent par l’illusion d’une situation très confortable. Le phénomène des bulles a été analysé par différents auteurs, et trouvent leurs fondements dans une croyance optimiste et déraisonnable des perspectives du marché de la part des investisseurs, par des taux de crédits très bas qui permettent facilement l’accès à des liquidités de tous les acteurs du marché, par un marché de l’emploi en amélioration et par-dessus tout, une méconnaissance totale des valeurs fondamentales des titres achetés, entrainant alors un « mimétisme » de la part de chaque investisseur. L’hallucination portée par la hausse de l’action peut suffire à transformer des investisseurs en mouton. Généralement, les bulles interviennent lorsque de nouveaux secteurs innovants émergent : L’arrivée des start’up, l’avènement d’internet ou encore de très bons indicateurs économiques sur un marché (Rappelez-vous le retournement du marché de l’immobilier en 2008, aux Etats-Unis !). 
 
Mais comment cela marche ? Généralement, les premiers investisseurs, confortés sur des titres qui pourraient augmenter et prendre de la valeur, achètent et revendent le titre avec une plus-value. Portés par un vent d’optimisme et de croyances vertueuses envers l’avenir, le nombre de transaction augmentent et de nouveaux investisseurs apparaissent sur le marché pour acquérir les titres, jusqu’à ce que le nombre de titres en circulation soient trop faibles par rapport au nombre d’acheteurs. La hausse des prix est alors exponentielle ! Cette flambée du cours continue tant que des investisseurs trouvent de quoi les acheter. Et pour ce faire, souvent, ils s’endettent, dans l’espoir d’acheter, puis de revendre plus cher, et de réaliser la plus-value. Dans ce mouvement hallucinogène, les investisseurs perdent de vue la rationalité : Le titre à une valeur conférée par le rendement attendu habituellement sur une action. Quand une majorité d’investisseurs a réalisé des plus-values consistantes, et qu’elle réalise que le titre est surévalué, elle sort du marché. Ainsi, les détenteurs des titres surévalués ne trouvent plus d’acheteurs. C’est le point de retournement, et le dur retour à la réalité : Un vent de panique débute, et le prix dégringole, chaque investisseur cherche à limiter la casse. Pour ceux qui se sont endettés et qui ne revendent pas ou trop peu, cela peut entrainer de lourdes difficultés financières.
 
En finance, gardez la tête froide : Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, les prix, non plus. La spéculation a toujours un retour de bâton, qui est aussi puissant que le gain souhaité ! Le raisonnement, le suivi de l’actualité, l’information, l’observation et l’endettement modéré comme effet de levier sont indispensables pour réussir. Gardez toujours à l’esprit que si vous voulez une forte rentabilité, le risque associé sera aussi fort. Risque et rentabilité sont mariés pour l’éternité.