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Des lycéens bastiais dans les pas des déportés du camp du Struthof


Philippe Jammes le Jeudi 2 Février 2023 à 07:36

Du 17 au 20 octobre dernier, les lauréats bastiais des premiers prix des concours mémoriels pédagogiques, Concours National de la Résistance et Bulles de Mémoire, ont visité le camp du Struthof en Alsace, haut lieu de la mémoire du Ministère des Armées. Ce mercredi 1er février dans l’amphithéâtre de leur lycée, Giocante de Casabianca, ils ont évoqué leur ressenti devant des élus et d’autres élèves de l’établissement.



A travers textes, dessins, photos et exposition, le ressenti des élèves après leur voyage en Alsace.
A travers textes, dessins, photos et exposition, le ressenti des élèves après leur voyage en Alsace.
« Chaque année l'Office National des Anciens Combattants et Victimes de guerre propose aux élèves de collège et de lycée de participer, de manière individuelle ou collective, à un concours de bande dessinée portant sur des thèmes liés à l'histoire et la mémoire des conflits contemporains » explique Marguerite Pellegri-Mondoloni, Directrice de l’ONACVG de la Haute-Corse.

En 2022, la classe de 1ère du lycée Giocante de Casabianca a obtenu le 1er Prix régional et le 3ème Prix National (sur 500 !) et Chloé Vincenti, alors en 3ème au collège St Joseph, le 1er prix régional du Concours de la Resistance. «Pour les récompenser de leur travail, nous leur avons organisé un voyage en Alsace au camp du Struthof » indique encore M. Pellegri-Mondoloni. « Avec cette visite on leur a offert des outils, des connaissances qui vont enrichir leur éducation citoyenne dans le domaine du respect ou de la liberté entre-autres. On leur ouvre cette porte, à eux de transmettre ces valeurs ».    


Le tristement célèbre camp du Struthof
Le camp de Natzweiler-Struthof en Alsace fut le seul camp implanté par les nazis sur le territoire français. Officiellement ouvert en mai 1941, en 1943, environ 4.000 détenus venant de différents pays d'Europe y étaient recensés. Un an après, plus de 20.000 et le camp, d'abord structure unique, devenait le centre d'un complexe de plusieurs dizaines d'unités et de camps annexes. Avec un taux de mortalité de 40%, le Struthof fut l'un des camps de concentration les plus meurtriers du système nazi. Jusqu'en 1944, le camp abrita aussi des activités des plus sinistres avec des expériences, sur des gaz et un vaccin, menées sur les détenus. Parmi les expérimentations humaines : tests d'exposition au gaz moutarde, au phosgène, tests de vaccin contre le typhus... En septembre 1944, l'avance des Alliés fit que les responsables de ce camp de la mort évacuèrent les détenus, notamment vers celui de Dachau. C’est finalement le 25 novembre 1944 que les installations du Struthof, vides, étaient découvertes par les troupes américaines.


Des lycéens très émus
« Quand on est arrivé sur ces lieux de mémoire, c’était lugubre » explique Léa Scialom-Lazar, 17 ans, élève de terminale du lycée Giocante. « On était dans la brume, il faisait froid et j’ai pleuré. On marchait dans les traces de gens qui ont souffert, qui sont morts. On était dans leur histoire. C’était dur mais important pour le devoir de mémoire. Ce qui est terrible c’est que du jour au lendemain, des gens peuvent devenir cruels  ». La jeune élève est elle-même très concernée par les faits nazis. « Je suis juive et mes grands-parents du côté de mon père ont été déportés ».

Léa n’est pas la seule à avoir été bouleversée par cette visite. Chloé Vincenti, de quelques années sa cadette, a versé des larmes en voyant une fleur, isolée, pousser entre des marches. Elle lui a inspiré un poème (voir photo). Ce sont ces ressentis des 11 élèves du lycée qui ont été mis en lumière ce mercredi, à travers lectures de textes et exposition de photos, en présence de Anne Malka, la proviseure du lycée, Lauda Guidicelli, conseillère exécutive, le lieutenant-colonel Philippe Grosjean, délégué militaire départemental adjoint de la Haute-Corse et Michel Romagnan, inspecteur pédagogique histoire/géo en Corse.

« La transmission est nécessaire. Il est important que notre jeunesse puisse s’impliquer dans ce travail de mémoire alors qu’aujourd’hui encore on assiste à une montée des extrêmes, de la haine » soulignait Lauda Guidicelli, conseillère exécutive en charge de la jeunesse, du sport, de l'innovation sociale et de l'égalité femme-homme, également conseillère municipale à Bastia. « Votre travail est très important et l’art est un outil puissant pour rendre compte des faits. Par vos dessins, vos textes vous adressez des messages forts sur le respect, la tolérance, l’humanisme » déclarait-elle à l’attention des lycéens.        


Ce voyage de mémoire en Alsace a été réalisé grâce au concours de nombreux partenaires institutionnels et privés : Ville de Bastia, Collectivité de Corse, Air Corsica, associations du monde combattant… « Il m’est apparue important que ces jeunes puissent échanger et faire part de leurs impressions suite à cette expérience qui marquera leur existence » indique encore Marguerite Pellegri-Mondolini, «Dessins, photographies et poèmes leurs ont été inspirés par cette page tragique de l’histoire ».


Sur place les lycéens ont pu aussi visiter le Musée d’Arts Modernes de Strasbourg et le Musée International de l’illustration. Ils étaient accompagnés, outre Marguerite Pellegri-Mondoloni, de Béatrice Tozzi, enseignante agrégée en Arts Plastiques et de Patrick De Zerbi de l’ONACVG.
« Ces élèves ont retrouvé physiquement, sur place, des traces du passé. Ça leur donne une vision concrète de l’histoire » soulignait de son côté » Michel Romagnan, inspecteur pédagogique.
La mémoire est en marche.
 
 

​Les élèves ayant participé aux 2 concours et au voyage


Chloé Vincenti
Déa Arrighi
Lila Bertholet
Maë Carbonnel
Mélanie Pepe
Lucie Gullaud
Léa Scialom-Lazar
Eva Marie Cerruti
Elisa Pece
Doria-Maria Grazietti
Louis Fenouillere.