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Dans l'enfer des embouteillages quotidiens d'Ajaccio : une heure pour faire 14 kilomètres


Pierre-Manuel Pescetti le Dimanche 21 Novembre 2021 à 19:11

Chaque matin, Xaviera Andarelli affronte les embouteillages ajacciens pour rejoindre son bureau en centre-ville. Entre résignation et colère, elle partage son quotidien dans l’enfer du trafic ajaccien. Récit de 14 kilomètres entre adrénaline et inertie.



Chaque matin c'est la course pour Xaviera Andarelli. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
Chaque matin c'est la course pour Xaviera Andarelli. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
Toute vêtue de noire, grosses lunettes transparentes posées sur le nez, Xaviera Andarelli presse le pas. Elle vient de déposer ses jumeaux à l’école de Mezzana. Il est 7 heures 35 et la course pour se rendre au travail commence. « Chaque minute compte. Tous les matins c’est pareil, le timing est très serré », explique la jeune comptable. Son bureau se situe dans le quartier de Loretto, à 14 kilomètres de l’école.

Au volant de sa Clio III blanche, elle démarre en trombe. Le moteur de sport monte dans les tours et les décibels, la route est dégagée, pour l’instant. Première étape : rejoindre la route territoriale 20 direction Bastia. Un contresens nécessaire pour rejoindre une petite route parallèle à l’axe principal. La chaussée est étroite, délabrée mais Xaviera fonce, enchaîne les virages, les coups de freins et les accélérations jusqu’à l’arrêt total. « Et voilà, déjà un bouchon après 10 minutes de route », s’exaspère Xaviera en levant une main au ciel. Ce qui devait être une petite route de campagne abandonnée ne l’est plus, d’autres connaissent l’astuce maintenant.

« À pied, on irait plus vite »

Son téléphone sonne. « On n’est pas encore arrivé, je te le dis », s'exaspère sa collègue à travers les enceintes bluetooth, quelques voitures plus loin. « Jeudi on essaye par en bas », propose Xaviera peu convaincue. Elle a déjà fait le test, si elle prend la route normale, elle perd 15 minutes. Mètre par mètre, la file de voitures avance avant de se retrouver, de nouveau, sur la route territoriale 20. L’école est à 4 kilomètres et Xaviera roule depuis 30 minutes. Elle fait le calcul : « à pied on irait plus vite ». Une main sur le volant, le regard dans le rétroviseur elle confie réfléchir à trouver un travail plus proche de chez elle. Soudain, la situation se débloque.

Au rond-point de Baleone, la voie est libre. Deux kilomètres de pure liberté, sans s’arrêter, les vitres ouvertes pour plus de sensations. Deux kilomètres à 50 kilomètres par heure avant que l’aiguille ne rechute et n’affiche 0. Retour à la file indienne, pare-chocs contre pare-chocs. Xaviera « n’y fait même plus attention », elle connaît chaque centimètre carré de goudron et sait où ça roule et où ça embouteille. « À partir de maintenant c’est l’enfer, on rentre dans la Rocade », annonce-t-elle. Les vitres sont remontées, le bruit dehors est trop fort. Moteurs en sous régime, freins qui sifflent, marteaux piqueurs en action. Les travaux battent leur plein. Chaussée et voie de délestage ne font plus qu’une, séparées par de petits piquets rouges et blancs. Xaviera, passe la première. Elle slalome entre les piquets et gagne quelques mètres. Sa collègue l’a devancé et continue sur une autre voie à travers les parkings. « Elle a fait une erreur là ! Personne ne va la laisser rentrer dans le rond-point », prédit Xaviera. S’en est presque devenu une compétition entre les deux femmes, un match qui se joue chaque matin.

Une heure et six minutes pour parcourir 14 kilomètres

8 heures 30, Xaviera devrait déjà être au bureau. Une fois de plus, elle sera en retard. Après une heure de route, seuls 10 kilomètres la séparent de son point de départ. Ce qui était de l’ironie au départ, se transforme en colère. Les gestes se font plus amples. « Heureusement que je ne suis pas quelqu’un de stressé », raconte Xaviera en laissant passer une voiture dans un rond-point, « on n’est plus à ça près ».

Enfin, elle sort du rond-point, la voix est libre, il faut rattraper le temps. La conduite se fait plus sportive, Xaviera enchaîne les vitesses, l’aiguille atteint les 70 kilomètres par heure là où les panneaux interdisent de dépasser les 50. « Les limitations ici, bon voilà quoi. Elles ne sont pas trop respectées », avoue Xaviera. Un dernier bouchon de quelques mètres et c’est l’arrivée. Enfin. Xaviera se jette sur la première place disponible, collée au trottoir. « Ça, c’est un autre problème », soupire-t-elle.

Arrêt du chronomètre, elle aura mis 1 heure et 6 minutes ce matin pour parcourir les 14 kilomètres qui séparent l’école de ses enfants de son bureau. « Et c’est comme ça tous les matins », explique Xaviera, presque résignée avant d’ajouter « de toute façon on n’a pas d’autres choix, à part vivre ailleurs ».