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Corse : "quelles dispositions concrètes pour lutter contre la mafia ?"


le Mardi 20 Juin 2023 à 19:53

Ce mardi matin, les collectifs Massimu Susini et a Maffia nò a Vita iè, ainsi que les associations Le Garde, ABCDE, U Levante et la plateforme citoyenne de Corse, rassemblés devant la Collectivité de Corse à Ajaccio, ont insisté sur l'importance de trouver des dispositions concrètes pour lutter contre la mafia, un peu plus de sept mois après la session spéciale de l'Assemblée de Corse consacrée au sujet



Les associations attendent du concret
Les associations attendent du concret
Ils espèrent pouvoir « montrer que la Corse est en pointe dans le combat contre la mafia ». Ce mardi, devant les grilles de la Collectivité de Corse (CdC) à Ajaccio, les représentants des cullettivi Massimu Susini et a Maffia nò a Vita iè, ainsi que des associations Le Garde, ABCDE, U Levante et de la plateforme citoyenne de Corse ont insisté sur l’importance de voir les travaux qui ont fait suite à la session spéciale de l’Assemblée de Corse consacrée aux dérives mafieuses trouver enfin une traduction concrète. 
 
« Le 18 novembre 2022, l’Assemblée de Corse a voté à l’unanimité une résolution sur les dérives mafieuses. Elle a ensuite proposé la mise en place de cinq ateliers thématiques pour que la CdC puisse proposer des solutions avec l’appui des associations présentes aujourd’hui », rappelle Jean-Toussaint Plasenzotti du cullettivu Massimu Susini, « Ces ateliers sont en train de se terminer. Nous souhaitons que la synthèse qui va en sortir et qui sera produite par l’Exécutif soit réellement et concrètement utile au combat contre la mafia et qu’elle ne s’en tienne pas à des considérations générales, notamment morales, ou à des vœux pieux ». 
 
Tout en se réjouissant que le « danger mafieux » ait fait l’objet « d’une prise de conscience en France et en Europe », il avertit ainsi : « Il faut que le bilan de ces ateliers soit à la hauteur de cette prise de conscience et des engagements que nous avons pris vis-à-vis de notre peuple. Il faut montrer que la Corse est capable de faire des propositions concrètes pour renvoyer à la marginalité une criminalité qui a la prétention d’être le pouvoir occulte qui va peser sur l’ensemble de nos vies. C’est un grand rendez-vous qui nous attend ». 

Un mal aux racines profondes

Dans ce droit fil, Léo Battesti d’a Maffia nò a Vita iè salue l’« investissement particulier de certains élus » dans ces travaux « mais pas de tous ». « On se rend compte que dans la société corse, il y a toujours un certain déni par rapport à la mafia et c’est cela qu’il faudra changer. On ne peut pas construire un pays alors qu’il y a sur le terrain des gens qui se taisent par rapport à cela, surtout quand ils vont chercher des voix », déplore-t-il.
 
À ses côtés, Dominique Yvon de la plateforme citoyenne de Corse appelle à s’attaquer aux « racines du mal ». « On ne pourra pas construire une société sur les bases sur lesquelles nous sommes. Pensez-vous que nous puissions aller vers l’autonomie avec un système économique tel que nous le connaissons aujourd’hui ? C’est absolument impossible. Pour nous, le milieu de la criminalité défait le tissu de notre société qui devient au fur et à mesure immature. Nous sommes vraiment arrivés à un point limite », pose-t-il en indiquant qu’il convient de réagir « de façon forte et collective ». « Ce n’est pas nous qui allons changer les choses. Cela ne pourra se faire qu’à partir de la volonté des citoyens », appuie-t-il. 

Muriel Segondy, de l’association Le Garde, estime pour sa part que la Corse est aussi « fragile parce qu’elle a du retard dans ses aménagements » et pointe notamment la gestion des déchets, l’urbanisme et les transports. « Dans ces sujets, on a beaucoup de mal à trouver de la transparence. Nos élus sont fragilisés de par leur position. Pour qu’ils retrouvent de la force et de la puissance, il faut plus d’encadrement, par exemple grâce à la réalisation de schémas d’aménagement des territoires », affirme-t-elle. 

" Il faut que l'État assume ses responsabilités "

Pour agir contre la mafia au quotidien, Jérôme Mondoloni, du cullettivu Massimu Susini, indique que les différentes organisations ont fait « des propositions très concrètes en droit fondées sur la position depuis 30 ans de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et de la Cour de Justice de l’Union Européenne ». « Nous espérons pouvoir enfin sortir de ce faux débat qui consiste à dire qu’il existe des dérives mafieuses mais que le droit actuel est suffisant », souffle-t-il. « La loi est totalement insuffisanteCe que nous voulons dans le cadre d’un État de droit, ce sont des lois efficaces, validées par le droit européen. Nous espérons aussi que nos députés et nos élus seront capables d’interpeller l’État français pour lui demander qu’il prenne les mesures légales qui s’imposent », reprend-t-il en soulignant que l’efficacité d’un arsenal légal adapté a été démontrée en Italie. 
 
« Il faut que l’État sorte des ambiguïtés et soit beaucoup plus clair par rapport à la lutte contre le système mafieux, particulièrement par rapport à la criminalité en col blanc qui aujourd’hui est la véritable mafia en Corse », argue en outre Léo Battesti, tandis que Jean-Toussaint Plasenzotti regrette : « Si aujourd’hui la mafia en est là où elle est en, c’est soit parce qu’il y a eu des démissions, soit des dysfonctionnements, soit des complicités que ce soit au niveau des élus ou au niveau de l’État ». 
 
Demandant à ce dernier « d’assumer ses responsabilités », le représentant du cullettivu Massimu Susini note de facto la nécessité de donner aux services étatiques des moyens « de lutter efficacement contre cette criminalité particulière qui prend une ampleur que nous n’avions jamais connue en Corse ». « Sans un État faible voire complice, il ne peut pas y avoir de mafia en Corse », conclut-il.