Joseph Castelli, président du Conseil général et sénateur de Haute-Corse, et le préfet, Alain Rousseau.
Le compte-rendu du bilan des activités de l’Etat dans le département sur tous les sujets, qui relèvent de sa compétence, est un exercice obligé, une fois l’an, pour tout préfet. Mais, jeudi matin, ce ne fut pas une sinécure pour le préfet de Haute-Corse, Alain Rousseau, qui dut affronter, d’entrée de jeu, la colère d’un conseiller général et sa sortie remarquée sous les applaudissements d’une majorité de ses collègues et, en fin de partie, des questions embarrassantes, notamment sur la forte baisse de la dotation de l’Etat et les promesses non tenues de François Hollande en matière de péréquation. Il dut, donc, se livrer à un patient, mais mal aisé, exercice de pédagogie, répéter des évidences et enfoncer des portes ouvertes.
Des mots cinglants
La séance s’ouvre, donc, sur le coup d’éclat du maire et conseiller général de Campile, Jean-Marie Vecchioni, qui refuse d’assister à la présentation sous fond de querelle de découpage intercommunal. Ses mots cinglants à l’encontre du préfet (cf par ailleurs) et sa sortie sous les applaudissements de nombre de ses collègues et de maires de l’intérieur venus le soutenir jettent un froid certain dans la salle des délibérations. Le préfet, mal à l’aise, refuse de répondre, estimant que ce n’est ni le lieu, ni le moment adéquat. Et entreprend de faire ce pourquoi il est venu : un bilan des priorités de l’Etat en matière de réorganisation des services publics, de sécurité, de cohésion sociale, de développement du territoire, d’éducation, de santé, de patrimoine… qui recèle « des motifs de satisfaction dans un contexte difficile ».
Une stratégie de longue durée
Première priorité : la lutte contre la criminalité organisée qui, dit-il, « vit en parasite du territoire, s’affronte dans des guerres internes et a une influence délétère ». Tout en se félicitant du doublement des avoirs criminels entre 2012 et 2013 qui sont « une arme importante dans ce combat », il réaffirme la stratégie de longue durée de l’Etat qui repose sur une meilleure coordination des services d’enquête, l’amélioration des techniques de renseignement pré-judiciaire pour détecter les activités mafieuses dans le secteur de l’immobilier. « Il faut du temps ! », reconnaît-il. Alain Rousseau précise, également, que malgré la faiblesse de la petite et moyenne délinquance, « des signaux faibles de dégradation » incitent à « ouvrir un chantier en prévention ». S’il se félicite de la baisse des accidents de la route et du nombre de blessés et de tués, il estime que « ces résultats sont fragiles » et que « on continue de mourir plus sur les routes en Corse que sur celles du continent ».
Investir dans la production
Deuxième priorité : le développement économique. Le représentant de l’Etat insiste sur « les besoins en termes de libération du territoire pour lutter contre la plaie grandissante du chômage. Le développement des activités productives est une priorité absolue, l’appui à l’investissement est essentiel ! Le maximum de deniers publics doit y être investi ». Il liste toutes les actions de l’Etat en la matière : contrats aidés, politique d’insertion, pacte de solidarité, l’effort « sans précédent » de réduction des charges sociales des entreprises, la simplification administrative… Enchainant sur la politique de cohésion sociale, il rappelle que « si la misère n’est pas visible en Corse, évidemment elle existe. Il y a beaucoup de souffrance sociale ».
Une intercommunalité forte
Une autre priorité est l’organisation du territoire autour des intercommunalités. « Je regrette que Mr Vecchioni nous ait quitté », glisse-t-il avant de revenir sur le projet de réforme territoriale qui sera débattu au Parlement en novembre et qui « remet sur la table le redécoupage ». L’objectif, explique Alain Rousseau, est de « coller aux bassins de vie sur un format de 20000 habitants », mais « avec des dérogations pour des territoires à faible densité comme la Corse ». Néanmoins, il plaide pour « une intercommunalité forte », afin de se « rapprocher du niveau optimal pour mieux gérer le territoire en étant économe des deniers publics ». Il dévoile le calendrier du gouvernement si le projet est adopté : « On nous demande de travailler dessus toute l’année 2015. Le schéma intercommunal doit être adopté fin 2015. Pendant l’année 2016 seront effectuées toutes les opérations préalables à la réorganisation pour une prise d’effet au 1er janvier 2017 ».
Fini le mitage !
Autre point litigieux : l’urbanisme et les documents de planification. L’analyse préfectorale est sans appel : « Nous devons modifier l’emprise sur le territoire. En Corse, une parcelle construite représente, en moyenne, 2300 m2 contre 900 m2 sur le continent. C’est trop ! 1% du territoire est urbanisé chaque année. On peut craindre une artificialisation de nombreux terrains agricoles et naturels. Il faut changer d’échelle et de modèle à partir de deux principes simples : la faible consommation de l’espace et la fin du mitage en ne construisant qu’en continuité urbanistique. Nous avons besoin d’avoir, très rapidement, une planification urbaine très structurée. C’est un enjeu fondamental pour le développement du territoire ! ». Une mise au point qui n’est pas sans inquiéter les élus. Le maire et conseiller général d’Aleria, Ange Fraticelli, rappelle au Préfet que « certaines communes ont un habitat très ancien et très dispersé » et fait état « des difficultés rencontrées auprès des services de l’Etat » qui refusent les permis de construire en invoquant la rupture d’urbanisation.
Des efforts à partager
La réponse préfectorale est claire et sèche : « La Corse a connu un basculement géographique en 50 ans avec une urbanisation spontanée, peu ordonnée et peu cohérente. L’étalement urbain s’est fait par addition des initiatives privées. La spontanéité va très mal avec l’urbanisation qui doit être planifiée et maîtrisée autour de pôles. Il faut redonner de l’ordre à ce tissu ! »
Les autres conseillers généraux, leur président Joseph Castelli en tête (cf vidéo) se sont, surtout inquiétés de la baisse des dotations de l’Etat, notamment celle concernant la protection durable des espaces forestiers qui a chuté de 40% cette année et pourrait bien disparaître en 2015. Le Préfet s’est lancé dans une plaidoirie bateau sur la crise financière et insisté sur la nécessité de faire partager par tous « des efforts difficiles ». Les élus sont repartis guère plus convaincus, ni rassurés !
N.M.
Des mots cinglants
La séance s’ouvre, donc, sur le coup d’éclat du maire et conseiller général de Campile, Jean-Marie Vecchioni, qui refuse d’assister à la présentation sous fond de querelle de découpage intercommunal. Ses mots cinglants à l’encontre du préfet (cf par ailleurs) et sa sortie sous les applaudissements de nombre de ses collègues et de maires de l’intérieur venus le soutenir jettent un froid certain dans la salle des délibérations. Le préfet, mal à l’aise, refuse de répondre, estimant que ce n’est ni le lieu, ni le moment adéquat. Et entreprend de faire ce pourquoi il est venu : un bilan des priorités de l’Etat en matière de réorganisation des services publics, de sécurité, de cohésion sociale, de développement du territoire, d’éducation, de santé, de patrimoine… qui recèle « des motifs de satisfaction dans un contexte difficile ».
Une stratégie de longue durée
Première priorité : la lutte contre la criminalité organisée qui, dit-il, « vit en parasite du territoire, s’affronte dans des guerres internes et a une influence délétère ». Tout en se félicitant du doublement des avoirs criminels entre 2012 et 2013 qui sont « une arme importante dans ce combat », il réaffirme la stratégie de longue durée de l’Etat qui repose sur une meilleure coordination des services d’enquête, l’amélioration des techniques de renseignement pré-judiciaire pour détecter les activités mafieuses dans le secteur de l’immobilier. « Il faut du temps ! », reconnaît-il. Alain Rousseau précise, également, que malgré la faiblesse de la petite et moyenne délinquance, « des signaux faibles de dégradation » incitent à « ouvrir un chantier en prévention ». S’il se félicite de la baisse des accidents de la route et du nombre de blessés et de tués, il estime que « ces résultats sont fragiles » et que « on continue de mourir plus sur les routes en Corse que sur celles du continent ».
Investir dans la production
Deuxième priorité : le développement économique. Le représentant de l’Etat insiste sur « les besoins en termes de libération du territoire pour lutter contre la plaie grandissante du chômage. Le développement des activités productives est une priorité absolue, l’appui à l’investissement est essentiel ! Le maximum de deniers publics doit y être investi ». Il liste toutes les actions de l’Etat en la matière : contrats aidés, politique d’insertion, pacte de solidarité, l’effort « sans précédent » de réduction des charges sociales des entreprises, la simplification administrative… Enchainant sur la politique de cohésion sociale, il rappelle que « si la misère n’est pas visible en Corse, évidemment elle existe. Il y a beaucoup de souffrance sociale ».
Une intercommunalité forte
Une autre priorité est l’organisation du territoire autour des intercommunalités. « Je regrette que Mr Vecchioni nous ait quitté », glisse-t-il avant de revenir sur le projet de réforme territoriale qui sera débattu au Parlement en novembre et qui « remet sur la table le redécoupage ». L’objectif, explique Alain Rousseau, est de « coller aux bassins de vie sur un format de 20000 habitants », mais « avec des dérogations pour des territoires à faible densité comme la Corse ». Néanmoins, il plaide pour « une intercommunalité forte », afin de se « rapprocher du niveau optimal pour mieux gérer le territoire en étant économe des deniers publics ». Il dévoile le calendrier du gouvernement si le projet est adopté : « On nous demande de travailler dessus toute l’année 2015. Le schéma intercommunal doit être adopté fin 2015. Pendant l’année 2016 seront effectuées toutes les opérations préalables à la réorganisation pour une prise d’effet au 1er janvier 2017 ».
Fini le mitage !
Autre point litigieux : l’urbanisme et les documents de planification. L’analyse préfectorale est sans appel : « Nous devons modifier l’emprise sur le territoire. En Corse, une parcelle construite représente, en moyenne, 2300 m2 contre 900 m2 sur le continent. C’est trop ! 1% du territoire est urbanisé chaque année. On peut craindre une artificialisation de nombreux terrains agricoles et naturels. Il faut changer d’échelle et de modèle à partir de deux principes simples : la faible consommation de l’espace et la fin du mitage en ne construisant qu’en continuité urbanistique. Nous avons besoin d’avoir, très rapidement, une planification urbaine très structurée. C’est un enjeu fondamental pour le développement du territoire ! ». Une mise au point qui n’est pas sans inquiéter les élus. Le maire et conseiller général d’Aleria, Ange Fraticelli, rappelle au Préfet que « certaines communes ont un habitat très ancien et très dispersé » et fait état « des difficultés rencontrées auprès des services de l’Etat » qui refusent les permis de construire en invoquant la rupture d’urbanisation.
Des efforts à partager
La réponse préfectorale est claire et sèche : « La Corse a connu un basculement géographique en 50 ans avec une urbanisation spontanée, peu ordonnée et peu cohérente. L’étalement urbain s’est fait par addition des initiatives privées. La spontanéité va très mal avec l’urbanisation qui doit être planifiée et maîtrisée autour de pôles. Il faut redonner de l’ordre à ce tissu ! »
Les autres conseillers généraux, leur président Joseph Castelli en tête (cf vidéo) se sont, surtout inquiétés de la baisse des dotations de l’Etat, notamment celle concernant la protection durable des espaces forestiers qui a chuté de 40% cette année et pourrait bien disparaître en 2015. Le Préfet s’est lancé dans une plaidoirie bateau sur la crise financière et insisté sur la nécessité de faire partager par tous « des efforts difficiles ». Les élus sont repartis guère plus convaincus, ni rassurés !
N.M.