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Confiscation obligatoire des biens mafieux, "un grand pas en avant" pour les collectifs antimafia en Corse


le Mercredi 6 Décembre 2023 à 16:46

Confisquer de façon systématique des bien mafieux à l'énoncé d'une condamnation judiciaire, c'était une demande forte des collectifs antimafia en Corse. Ils ont été exaucés ce mardi 5 décembre, les élus de l'Assemblée nationale ayant adopté à l'unanimité la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.



Les membres du collectif Massimu Susini. Photo Michel Luccioni
Les membres du collectif Massimu Susini. Photo Michel Luccioni
Au lendemain de ce vote unanime des députés (184 votants, autant de voix pour), Jean-Toussaint Plasenzotti salue "une très, très grande avancée dans la lutte contre la mafia". Avec cette loi, "la société se donne la possibilité de confisquer le patrimoine illicite des mafieux", pointe le porte-parole du collectif Massimu-Susini, du nom de son neveu assassiné à Cargèse le 12 septembre 2019.

Jusqu'à maintenant, la confiscation des biens n'étais pas obligatoire, comme l'explique le député de la 2e circonscription de Corse du Sud, Paul-André Colombani, qui a participé activement aux débats : "Quand les juges ne le faisaient pas, c'était par peur d'alourdir les procédures, par manque de temps ou de formation. Par exemple, si un juge saisissait un immeuble identifié comme un avoir criminel, il fallait entrer dans une procédure d'expulsion. Avec cette loi, le juge pourra expulser sans passer par une procédure de droit commun des expulsions.

"On confisque ce qui fait leur pouvoir, l'argent"

Désormais, les enquêteurs auront la possibilité de bloquer les avoirs biens mal acquis des personnes mises en examen. "Ce qui les empêchera de vendre ou de léguer leurs biens", souligne Jean-Toussaint Plasenzotti. Lesdits avoirs seront ensuite automatiquement confisqués à l'énoncé d'une condamnation. L'oncle de Massimu Susini en est convaincu : "Cet outil de confiscation va profondément déplaire aux mafieux, car on confisque ce qui fait leur pouvoir, à savoir l'argent, et on diminue leur capacité financière à corrompre." "Beaucoup de mafieux ne rechignent pas à rester quelques années en prison si à la sortie, des millions d'euros les attendent", abonde Léo Battesti, fondateur du collectif A Maffia No, A Vita Iè.

Dans le cadre de cette proposition de loi, Paul-André Colombani avait soutenu que les avoirs confisqués puissent être gérés par des collectivités, dans l'idée d'y faire germer des projets pour la société. Il a été entendu. En Italie, des crèches ont pu voir le jour dans des bâtiments confisqués par des mafieux, ce qui était porté à chaque fois à la connaissance de la population : "C'est faire passer le message que l'argent du crime ne paie pas", énonce Paul-André Colombani.

Le modèle italien

Tous les députés insulaires se sont impliqués dans la lutte contre la mafia : "Laurent Marcangeli va désormais demander à renforcer le statut de collaborateur de justice", confie Jean-Toussaint Plasenzotti. Au-delà du renforcement de ce statut de repenti, les collectifs antimafia corses souhaitent aussi inscrire le délit d'association mafieuse dans le code pénal. Sur le modèle italien, toujours, car "l'Italie, c'est le pays de la mafia, mais c'est aussi le pays de l'antimafia, ils ont vingt ans d'avance sur nous", résume Jean-Toussaint Plasenzotti. "En Italie, 11 milliards de biens mafieux ont été saisis en vingt ans. En France, c'est quelques millions...", compare Paul-André Colombani.

Ce délit d'association mafieuse permet au modèle italien "de lutter contre la principale arme de la mafia, qui est la menace, expose Léo Battesti. Les lois italiennes tiennent compte d'un faisceau d'indices qui incluent dans les faits toutes les formes de menaces".

Le fondateur d'A Maffia No, A Vita Iè se dit également favorable à ce que des jurés professionnels se substituent au jury populaire dans les affaires les plus sensibles, d'assassinat notamment. "Jamais un jury populaire n'a condamné des mafieux en Corse pour assassinat, constate Léo Battesti. Or il n'y a qu'en faisant appels à des jurés professionnels que l'on pourra mettre fin à l'impunité." Sur la question, Paul-André Colombani se montre réservé : "Ce ne sont pas des lignes faciles à bouger, car c'est remettre en cause le jury populaire, l'un des piliers du système judiciaire français." "Dans le cadre de procès pour terrorisme ou pour trafic de drogue international, les jurés professionnels, ça existe déjà, fait remarquer Jean-Toussaint Plasenzotti. Il faut aussi que la justice soit rendue dans la sérénité."

Le combat se poursuit en janvier, à Aiacciu

La prochaine étape dans la lutte antimafia, elle se déroulera en janvier à l'Assemblée de Corse : "On a fait une proposition de création d'une commission permanente consacrée à la lutte contre la mafia, indique le porte-parole du collectif Massimu-Susini. L'assemblée va aussi se déterminer sur un certain nombre de préconisations opérationnelles émises par les membres des collectifs antimafia. On est prêts au débat."