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Confinement - déconfinement : que peut apporter l’hypnose dans cette pandémie ?


Philippe Jammes le Samedi 16 Mai 2020 à 15:18

Nathalie Paolucci pratique l’accompagnement en hypnose ericksonienne et intégrative depuis près de 10 ans à Ajaccio*. Elle a créé dans la cité impériale l’institut Noesis, un institut de recherche et de formation dont le siège social est à Ajaccio et qui propose des formations en hypnose pour les professionnels de l’accompagnement, en Corse mais aussi à Paris. Durant cette pandémie et aujourd’hui encore, Nathalie Paolucci, hautement reconnue dans sa profession, a été d’un précieux secours à bien de ses consultants.



- Comment êtes-vous devenue hypnothérapeute ? 
- C’est à l’université de philosophie de Vérone en Italie que j’ai entendu parler de François Roustang, un philosophe-hypnothérapeute de grande renommée en France. Je suivais alors des enseignements en psychanalyse dans le but d’associer à mon futur emploi d’enseignante de philosophie le métier de psychanalyste. La découverte de la pratique de l’hypnose ericksonienne a couronné mon parcours de recherche et suscité chez moi une grande vocation. Tout en poursuivant mon métier d’enseignante et dans le sillage de François Roustang, grand admirateur de Milton Erickson, je me suis donc formée dans de nombreuses écoles et j’ai eu l’honneur de rencontrer les grands noms de l’accompagnement. Mes recherches et mes études ne se sont toutefois pas limitées à l’hypnose. Il était manifeste pour moi d’aborder le monde de l’accompagnement en profondeur. Outre la psychanalyse et l’anthropologie, j’ai suivi et coopéré à des enseignements et formations en phénoménologie clinique, daseinsanalyse, TCC, thérapie familiale systémique, méditation thérapeutique et tout dernièrement la « Thérapie par activation de la conscience » au sein du CITAC, le Collège International de Thérapies d'Activation de Conscience, créé par le docteur Jean Becchio dont les recherches se basent principalement sur les neurosciences. La pratique de l’hypnose se doit d’être intégrative. J’ai ouvert mon premier cabinet de consultation il y a 20 ans. D’abord à Toulon, puis Marseille et Avignon et depuis dix ans je travaille à Ajaccio où je pratique l’accompagnement en hypnose ericksonienne et intégrative. Je suis par ailleurs formatrice depuis plus de plus de quinze ans et j’ai créé un institut de recherche et de formation : l’institut Noesis. Enfin, je travaille parallèlement pour l’INFIPP, un organisme de formation spécialisé sur la santé mentale, dans le cadre de la formation de soignants en santé mentale. Mes formations sont principalement orientées vers la pratique. La compréhension des enjeux et les stratégies de l’hypnose s’intègrent tout naturellement dans les cursus de formation. En 2010, j’ai écrit en collaboration avec Pascale Haag, chercheur à l’EHESS, un ouvrage sur les idées reçues en hypnose** et j’en ai un autre en cours sur la philosophie de l’hypnose. 
 
- Qu’est ce que l’hypnose justement ?
Ce qui est important avant tout, c’est de bien comprendre les enjeux de la pratique de l’hypnose avant de se déterminer professionnel. A la question, qu’est-ce que l’hypnose ? Je dirais que c’est une scène verbale et malheureusement celle que nous rencontrons, encore, aujourd’hui, pourrait compromettre la pratique et la limiter à un modèle d’accompagnement qui se base sur des protocoles et la soumission à des suggestions. Si on limite la pratique de l’hypnose aux idées reçues, on réduit la sphère de travail et les résultats ne sont pas manifestes, ils frôlent même la manipulation ! Je proposed’ouvrir la pratique au-delà du seul vocable – Hypnose - crée au XVIIIe siècle pour diriger les connaissances autant vers la lointaine histoire des « états modifiés de conscience » que vers les approches d’accompagnement existentialistes et le regard attentif sur l’actualité des neurosciences.    Au XXe siècle, un thérapeute « hors du commun » Milton Erickson a marqué le monde de l’hypnose par sa « théorie » moderne de l’inconscient comme un « réservoir de ressources ». Dans cette perspective, le praticien accompagne la personne vers ses propres potentialités ; suffit-il de passer - dans le respect maïeutique de la personne - par l’imagination active, les croyances positives et activer le « réseau cérébral par défaut » ce que François Roustang appelait la « veille généralisée » versus veille restreinte en état de conscience plus ordinaire. Aujourd’hui, les neurosciences révolutionnent la conception de l’hypnose. L’hypnose n’est pas un état proche du sommeil, c’est une activation de la conscience et une réorientation de l’attention. 

Hypnothérapeute, un métier reconnu ?
- Le métier de l’hypnose n’est pas encore reconnu au « Répertoire National des Certifications Professionnelles ». C’est donc avec une grande circonspection qu’il faut s’avancer dans la formation et la rencontre d’un praticien. Je propose pour cela de vérifier le parcours professionnel des praticiens et la valeur déontologique et éthique des centres de formations.   

-  Médecine, art ou Science ? 
-  Les trois termes sont justes. Dans le monde médical, on parle d'hypnose médicale. Le terme que je préfère est : art. L'hypnose est un art de l'accompagnement maïeutique tout comme Socrate le prodiguait.

- Quelles personnes font-elles appel à vous ?
- Dans le cadre thérapeutique, je rencontre principalement des personnes touchées par le burnout, la détresse existentielle, le stress, l’angoisse, les addictions au tabac, les troubles de comportements alimentaires et du comportement. Je travaille avec beaucoup d’intérêt avec les personnes de spectre autistique asperger et les hauts potentiels. Dans le cadre du développement personnel et professionnel, j’accompagne aussi en hypno-coaching, les sportifs, les étudiants et tous ceux qui désirent travailler vers l’amélioration de leur vie personnelle et professionnelle. Les outils de l’accompagnement se déclinent grâce à la phénoménologie et la maïeutique afin de ne pas conditionner les consultants. Ici, il est à considérer que l’hypnose doit être avant tout éthique et respectueuse de la personne.

- Tout le monde peut-il être hypnotisé ?
Non.  On ne peut pas travailler avec tout le monde comme par exemple les personnes touchées par des symptômes psychiatriques. Quant à la réception liée à l'induction, stratégie inductive pour accompagner une personne dans un état différent de conscience, elle dépend de la grande flexibilité du praticien qui doit s'adapter à chaque personne. Milton Erickson, disait que chaque personne est unique. En outre, elle dépend aussi des croyances sur l'hypnose qu'il est utile de recadrer quelques fois. Le terme hypnose fait croire à un sommeil alors que c'est plutôt une hyper-réceptivité. Une ouverture à ses propres perspectives existentielles. L'imagination active est une des stratégies très efficaces.

- Comme une séance se passe t-elle ?
Une séance commence par un entretien initial. L'écoute et l'observation est phénoménologique, c'est à dire que le travail se fait à partir de ce qui apparaît consciemment et inconsciemment. Puis, vient la pratique de l'hypnose. Ici, on utilise pour commencer des stratégies inductives. L'un des moments importants est l'accès au réseau cérébral par défaut soit quand la conscience exécutive est en suspens, ce qui permet un travail très productif du cerveau, appelé "conectome" aujourd'hui, dans le cadre de la pratique de l'hypnose contemporaine. Une séance dure une heure environ. 

- Quels résultats obtenez-vous ?
- J’ai de bons retours et de bons résultats ! Lors des conférences, j’ai pour habitude de dire que la pratique de l’hypnose n’est pas du spectacle mais elle est spectaculaire. Bien sûr, ce n’est pas la panacée et il est important, quelques fois de faire un grand travail de fond avec la collaboration d’autres spécialistes. Pour n’importe quel objectif, c’est avant tout l’état d’esprit qu’il faut travailler et favoriser durant l’état hypnotique, c’est un état différent de conscience. L’état d’hypnose est l’une des voies royales pour cela.

- Que peut apporter votre « science » durant cette pandémie ? 
L’accompagnement par l’hypnose permet de mieux distinguer ses propres potentiels et de les utiliser en période critique. Elle permet aussi d’apaiser car l’état induit par la pratique collabore avec d’autres « expériences » comme la méditation et la relaxation. Durant cette période de confinement, j’ai été marqué, lors des téléconsultations, par beaucoup de personnes qui voulaient profiter de cette « étrange » période pour aborder de grands changements existentiels.  Le confinement a favorisé chez certains l’occasion d’entreprendre un travail personnel, pour d’autres il a été une aide très favorable pour supporter la solitude, le stress, l’angoisse, la détresse et le deuil.  Maintenant, nous sommes dans « l’après », qui n’est pas identique à « l’avant », il y a donc des remises en questions personnelles, professionnelles et le but du travail avec l’hypnose peut être celui de permettre à chacun de mieux respirer là où il aspirait depuis longtemps à « Etre ». Certains de mes consultants ont été très touchés à cause de la disparition de proches, de processus de deuils non élaborés, de la solitude et pris par des angoisses diffuses. D'autres, au contraire, ont profité de ce moment pour se remettre en question et travailler sur des sujets laissés en suspens. Les effets secondaires de cette pandémie sont déjà nombreux. Certains vont demander un suivi thérapeutique long et délicat. D'autres, un accompagnement en réponse aux grandes questions sur le devenir du monde et eux-mêmes. C'est un profond sentiment de "non-retour" pour beaucoup et pour d'autres, le stress face aux changements est difficile à gérer.
 
* Mail : institut.noesis@gmail.com  – Site internet : http://institut-noesis.fr
** « L’Hypnose » aux éditions du Cavalier Bleu.