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Commando Erignac : L’union sacrée à l’Assemblée de Corse pour demander à l’Etat l’application du droit


Nicole Mari le Vendredi 22 Octobre 2021 à 19:19

Lors d’une session extraordinaire, la première sur le sujet, l’Assemblée de Corse a adopté, à l’unanimité, une résolution solennelle, demandant que les personnes condamnées pour l'assassinat du Préfet Erignac se voient appliquer les mêmes droits et le même traitement que tout justiciable et que leur statut de Détenu particulièrement signalé (DPS) soit levé. Cette résolution brève et forte, portée conjointement par le Conseil exécutif et l’Assemblée de Corse, s’est imposée à l’ensemble de la classe politique corse devant un énième refus de l’Etat d’appliquer le droit au rapprochement et un aménagement de peine à Pierre Alessandri après 22 années de détention. Elle sera adressée au Premier ministre qui a refusé, à Noël dernier, la levée du statut de DPS.



Le droit, rien que le droit ! Le droit au rapprochement et à l’aménagement de peine comme en bénéficie n’importe quel prisonnier en France, mais dont sont exclus certains prisonniers corses. C’est ce refus obstiné et récurrent de l’Etat d’appliquer le droit en ce qui concerne le commando Erignac, illustré par le dernier arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 octobre, qui a imposé l’idée d’une session extraordinaire de l’Assemblée de Corse, ce vendredi après-midi à Aiacciu, avec un seul point à l’ordre du jour : le rapprochement immédiat des détenus corses, conformément au droit français et européen. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement qui avait accordé à Pierre Alessandri un aménagement de peine après 22 années de détention. Les juges d’appel ont motivé leur arrêt en rappelant que la décision de rapprochement relevait exclusivement de l’administration pénitentiaire, ce qui interdit de facto toute liberté conditionnelle et tout rapprochement. Face à cette décision incompréhensible, la Conférence des Présidents des groupes de l’Assemblée de Corse se réunit le 12 octobre à Corti et décide à l’unanimité la tenue de cette session. Dans la foulée, les collectifs de défense des prisonniers politiques corses - Aiutu paisani, le comité de soutien à Yvan Colonna, l’Ora di u Ritornu, Patriotti et Sulidarità - se fédèrent dans une entité unique « Unità Strategica » pour faire « front commun contre la répression de l’Etat français envers les patriotes corses ». Une délégation est présente dans les tribunes du public aux côtés des familles des prisonniers.

Nanette Maupertuis entourée de Jean-Guy Talamoni et Camille de Rocca Serra.
Nanette Maupertuis entourée de Jean-Guy Talamoni et Camille de Rocca Serra.
Une démarche forte
« Le sujet, qui nous réunit aujourd’hui, est d’une gravité et d’une importance particulières », précise d’emblée la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis. A ses côtés, deux présences symboliques et fortes, ses prédécesseurs, le Nationaliste Jean-Guy Talamoni et le libéral Camille de Rocca Serra, la Présidente du CESEC, Marie-Jeanne Nicoli, les parlementaires corses, et le soutien affiché d’autres anciens présidents, le Communiste Dominique Bucchini, le PRG Paul Giacobbi, le centriste José Rossi, le libéral Ange Santini. C’est dire si la démarche fait l’unanimité de la classe politique corse, toutes tendances confondues. « Cela témoigne d’une attente forte du peuple corse dans ses multiples composantes », commente Nanette Maupertuis. « Alors, que demandons-nous ? Nous demandons que justice soit rendue. Pourtant, encore une fois dans cette affaire, la justice semble revêtir les tristes habits de la vengeance. Il ne s’agit pas d’oublier ce qu’il s’est passé, comment le pourrions-nous ? C’est impossible et impensable ! ». Pour autant, ajoute-t-elle, il faut « tourner la page du conflit entre l’Etat et la Corse, ne pas faire des procès du 6 février 1998, les procès du peuple corse. Mais au contraire d’emprunter le chemin de la paix, vers un avenir meilleur. Il s’agit aussi d’apaiser les familles des détenus, qui se voient appliquer une double peine profondément injuste ». 
 
Le respect de la dignité humaine
La présidente de l’Assemblée de Corse en appelle au respect du droit français et européen « qui garantissent tous deux le respect de la dignité humaine et proscrivent la perpétuité incompressible ». Elle s’adresse, non seulement « au Premier ministre du pays des droits de l’Homme » qui a désormais seul, à la place du garde des Sceaux, le pouvoir de décision sur la levée du statut de Détenu particulièrement signalé (DPS), mais aussi, « aux Français dans toute leur diversité de se souvenir que ces Droits de l’Homme, ils doivent tous en être les garants. Quels que soient, le passé, l’origine ou les opinions politiques de ceux qui en demandent l’application. Chaque traitement inhumain, chaque atteinte à la dignité humaine dans les prisons de ce pays, constitue une compromission des droits de tous à bénéficier d’une justice impartiale, à se voir appliquer le droit de manière équitable ». Et de prévenir : « Accepter que le droit ne s’applique pas aux détenus corses, c’est accepter qu’il ne s’applique à personne. Et par extension, c’est accepter qu’un jour, peut-être, il ne s’applique pas à soi ». Dans l’hémicycle, les visages sont graves, le silence pesant.

Gilles Simeoni.
Gilles Simeoni.
Le vase des injustices
C’est sur le même ton ferme et solennel que le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, enchaîne : « Nous sommes ici pour dire que le sort, qui est fait à Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna, est injuste et que la répétition des injustices à leur égard est un facteur de tension extrême pour une société corse qui, dans la diversité de ses composantes, aspire profondément à la paix et à la justice. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris est la goutte d’eau qui fait déborder le vase des injustices et des hypocrisies. Personne ne songe ici à nier la gravité de l’acte qui a été commis le 6 février 1998, ceux, qui en ont assumé la responsabilité, ont été les premiers à la reconnaître. Ni à méconnaître la légitime douleur des parties civiles, mais pour autant, dans cette affaire terrible comme dans toutes les autres, le droit et la justice doivent s’appliquer, et ils ne le sont pas aujourd’hui ! ». Cette affaire pose deux problèmes juridiques qui participent, déclare-t-il, d’une même « logique de vengeance au détriment de la logique de justice ». Le premier est « le refus obstiné d’un aménagement de peine » qui est accessible après 17 an de détention et, donc, depuis plus de 5 ans pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Une semi-liberté que le tribunal de Versailles avait accordé à Pierre Alessandri. « Cette décision a été anéantie par l’arrêt de la Cour d’appel du 7 octobre qui ferme la porte à toute mesure d’aménagement de peine. A suivre les arguments retenus, ce qui attend ces hommes, c’est une réclusion criminelle à perpétuité, réelle, sans espoir de libération. Cela est une injustice profonde ! Cela est interdit pour les textes, notamment la Convention européenne des droits de l’Homme ».
 
Une vengeance déguisée
Ces arguments, Gilles Simeoni les décrypte crûment : « Le premier motif est que Pierre Alessandri n’aurait pas pris suffisamment la mesure de la gravité de son acte. Comment peut-on écrire cela et surtout le juger lorsqu’on connait le parcours de cet homme depuis son interpellation ! A retenir cet argument, si Pierre Alessandri n’est pas digne aujourd’hui d’une libération conditionnelle, il ne le sera jamais ! Le deuxième motif serait de conserver à la peine prononcée le caractère d’exemplarité requis par le fait que la France est exposée à des actes de terrorisme, et qu’il faudrait, par le refus de la libération conditionnelle de Pierre Alessandri, envoyer aux Islamistes le message de la fermeté. Quel juriste pourrait accepter qu’on maintienne une peine contre des hommes au motif de circonstances qui sont survenues plus de 20 ans après leurs condamnations ? C’est une rétroactivité de la sanction pénale qui est l’interdit le plus fondamental de toute démocratie ! Cet arrêt, dans sa motivation comme dans sa décision, est inacceptable. Il est aux antipodes du droit et de la justice ». Cette décision de justice, assène-t-il, répond à une volonté politique : « La Cour d’appel le dit clairement ! Ce qui empêche le rapprochement, c’est le maintien du statut de DPS. La décision relève exclusivement du Premier ministre. Nous ne l’acceptons plus ! ». Le dire, plaide-t-il, c’est tout l’enjeu, de cette résolution solennelle « épurée, incontestable, qui dit ce que personne ne peut contester. Nous disons tous ensemble que le temps de la vengeance est derrière nous et que le temps de la justice est venu. Nous sommes prêts depuis longtemps pour la réconciliation, ce qui l’enracinera de façon irréversible, c’est la justice pour Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna ».

Jean-Baptiste Arena.
Jean-Baptiste Arena.
La quadruple peine
La justice, c’est ce que demande ensuite avec beaucoup de force et d’émotion Jean-Baptiste Arena. L’élu de Core in Fronte et maire adjoint de Patrimoniu met de manière saisissante l’accent sur la durée inhabituelle de la détention. « 23 années se sont écoulées. Un quart de siècle ! Nous étions alors au 20ème siècle. L’euro n’existait pas quand ces hommes sont rentrés en prison. Les attentats du 11 septembre 2011 aux Etats-Unis n’avaient pas eu lieu, mais il y a quelques mois, certains prisonniers de Guantanamo ont déjà été libérés par les Américains, malgré des actes sans aucune commune mesure avec ceux du 6 février 1998. Le temps n’enlèvera jamais la souffrance de la famille Erignac, nous la comprenons ». Une souffrance partagée, décrit-il, par les familles des prisonniers. « L’incarcération dans les prisons françaises, les pires prisons européennes, qui ne sont pas dignes de la démocratie que la France dit être. L’éloignement qui demande encore un sacrifice financier et humain exorbitant, c’est la double peine. Des amendes qui dépassent l’entendement, c’est la troisième peine. Si elles ne sont payées, leur famille en assumera les conséquences. Une autre peine, c’est le temps, les êtres chers qui sont partis sans qu’on puisse les étreindre sur leur lit de mort. Ce fut le cas pour Alain Ferrandi lors du décès de son père, à qui il fut interdit d’aller à Conca. Plus horrible encore pour Pierre quand Antoine s’est éteint, il n’a pas eu le droit de se recueillir devant une pierre tombale glaciale ».
 
Une main tendue
Pourtant, rappelle Jean-Batti Arena, « ces hommes ont payé leur dette à la société française. Plus que de raison ! Il est grand temps qu’ils retrouvent leur terre ! Personne n’est dupe : Pierre, Alain et Yvan arriveront à 25 ans de prison chacun, si nous parvenons à les faire rentrer à Borgu ». Il fait le calcul : « 1 siècle et demi de prison » cumulé pour le commando Erignac. Citant Simone Weil « les erreurs ne se regrettent pas, elles s’assument », il affirme : « Ces hommes ont assumé leur acte, ils ont toujours refusé de demander une quelconque amnistie. Ils ne doivent pas être frappés d’une peine de mort déguisée. La France a su pardonner des actes bien plus graves dans son histoire au nom de la réconciliation nationale et dans la loi d’amnistie du 6 août 1953. Nous demandons simplement que la loi soit appliquée et que le pouvoir exécutif n’interfère plus dans cette décision ». Il s’adresse enfin à Gilles Simeoni : « Un jour, un homme m’a dit : « Nous sommes un trop petit peuple pour souffrir autant ». Cet homme, o sgio présidente, c’est vous. Ce petit peuple a su pardonner par le passé. Il est grand temps de tourner la page pour en écrire une nouvelle, et ces hommes deviendront une main de paix et de vie tendue au peuple français par le peuple corse ».

Rien que le droit !
Ces propos touchent l’hémicycle et contiennent, réagit Laurent Marcangeli, président du groupe de droite U Soffiu Novu et maire d’Aiacciu, « Tant de souffrances qui s’inscrivent dans le temps. A commencer par celle de la famille Erignac, puis de celles et ceux qui ont eu à subir les conséquences de l’acte. Dans cet hémicycle, la première émotion qui m’étreint c’est l’humilité. Les choses ont été dites avec le cœur et l’expérience ». Il insiste, lui aussi, sur l’importance de la temporalité : « Avec la décision de la Cour d’appel, nous rentrons dans une nouvelle temporalité ». S’il se refuse à la commenter, il réaffirme au nom de son groupe « que le droit et rien que le droit est notre mantra ». Dans cette optique, le refus du Premier Ministre de lever le statut de DSP qui, selon lui, « s’appuie sur un argument infondé, n’est pas de nature à aller dans le sens de l’avenir. Elle revêt au regard de la situation une grande incompréhension pour beaucoup d’hommes et de femmes, ici et ailleurs. Elle a pour conséquence de contrevenir à la loi. Elle justifie une exception, elle est dure à comprendre. Je ne pense pas qu’elle aille dans le sens de l’histoire. C’est la raison pour laquelle nous nous adressons à l’ensemble de la Corse, mais aussi aux pouvoirs publics ».
 
Tourner la page
Pour l’élu de droite, le moment est venu de dire les choses calmement. « Nous ne sommes pas un groupe nationaliste, mais nous pensons que le droit, rien que le droit, doit s’appliquer sereinement, équitablement et justement. Nous demandons la levée du statut de DPS pour que, conformément à la loi, ces hommes, qui ont passé de longues années derrière les barreaux, puissent être rapprochés ». Il renvoie la question de l’aménagement de peine à un autre débat dans un second temps. « En mon nom propre, je dis qu'une peine s’applique, se subit et un jour, elle prend fin. En tant qu’homme de droit, je considère que la perpétuité totale n’a pas de place dans une démocratie apaisée, sans quoi ce serait rétablir une peine de mort qui cacherait son nom. La temporalité que nous cherchons tous, c’est la paix. C’est tourner la page. Quelles que soient nos convictions, il est temps de passer à autre chose, sans oublier où on se trouve, pour mieux nous tourner vers l’avenir ». Il propose d’aller parler de ce sujet, mais aussi d’autres dossiers brûlants, au plus haut niveau. « Je m’adresse aussi à titre personnel aux plus hautes autorités pour demander de lever ce statut de DPS, de tourner cette page pour mieux engager la Corse sur un chemin apaisé. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera favorablement le vœu déposé ».

Les parlementaires invités.
Les parlementaires invités.
Une dérive dangereuse
Le manquement au droit, c’est une autre avocate, Julia Tiberi, élue d’Avanzemu-PNC, qui s’y attache ensuite : « Nous assistons à une dérive très dangereuse de l’Etat de droit, de par la violation manifeste des droits de la défense et de bon nombre de règles du droit parmi les plus fondamentales. Nous assistons également à une politisation du droit de la part du gouvernement, à une ingérence insupportable du pouvoir exécutif dans la sphère judiciaire et ce, au mépris du principe de séparation des pouvoirs. Nous assistons enfin à un affichage complétement décomplexé du dédain affiché par la France au droit à la vie privée, à la vie familiale des justiciables concernés ». Ce sont, rappelle-t-elle, « des droits consacrés par la Convention européenne des droits de l’Homme. Nous ne pouvons qu’être heurtés, voire meurtris, par les décisions tant arbitraires qu’injustes du pouvoir exécutif, que nous soyons nationalistes ou non, que nous soyons Corses ou non ». Malheureusement, déplore-t-elle, « la bataille des idées n’est pas gagnée », expliquant qu’en tant que bâtonnier, elle a sollicité, en vain, ses homologues du continent pour cosigner un communiqué dénonçant la décision du Premier ministre. « Il leur semblait que la question était trop politique ». Elle préconise, à l’instar de la présidente Maupertuis, d’exporter la question corse « au-delà de nos limites territoriales, de tenter de persuader par tous moyens la société française de ce que le droit et son application stricte pour tous doivent être un rempart qui fragilise l’état de droit. L’injustice ne frappe pas toujours à la même porte ».
 
Un appel à la mobilisation
Sa colistière, l’Indépendantiste Josepha Giacometti dénonce, à son tour, « des cas emblématiques de la vengeance d’Etat. Le droit est devenu un artifice, il a été manipulé. Si on n’appliquait que le droit, on n’en serait pas là aujourd’hui. Cette situation est le symbole d’un acharnement éminemment politique où l’Etat se cache derrière des artifices, des détentions abusives. Il valide en acte le statut de prisonnier politique qu’il nie en parole ». L’élue de Corsica Libera juge insuffisante la résolution proposée : « Elle doit dire tout le droit. Ces hommes ont droit d’être libérés, et cela doit être précisé. On ne peut pas se contenter de demander strictement le rapprochement, ce serait en deçà du droit ». Elle répond à la droite : « Oui, nous devons être dans le sens de l’histoire. Nous tentons de tracer les chemins de la paix, mais la paix ne peut se décréter. Elle est, d’abord, la reconnaissance du conflit, des milliers de kilomètres pour quelques heures de parloir, des souffrances... Sans reconnaissance, il ne peut y avoir de paix ». Elle appelle les Nationalistes à la mobilisation : « Comment allons-nous porter cette résolution ? Comment nous mobilisons-nous ? Quand nous sortirons de cet hémicycle, qu’allons-nous faire ? C’est la seule question qui vaille ! Nous sommes loin d’avoir gagné. Il faut se mobiliser sans plus fléchir à la hauteur des attentes ».
 
Une stratégie de prison à vie
Un avis partagé par le président du groupe et maire de Portivechju, Jean-Christophe Angelini : « Lorsque notre groupe a demandé cette session, c’est pour deux raisons : la première est que la décision discrédite, voire même déshonore, ceux qui l’ont prise. Comment peut-on dédier un engagement fondé sur le droit durant une vie et consentir à pareille dérive ? Il fallait que nous le disions, ici et ensemble, et exprimer une convergence claire, non pas à l’endroit des Corses ou des Européens, mais à l’endroit de l’Etat ». Pour lui, il est temps de ne plus se voiler la face : « La stratégie de l’Etat profond consiste à emprisonner ces gens pour le reste de leur vie. Cette conviction, nous la portons en nous. De décision en décision se dessine une perpétuité réelle. C’est révoltant ! On ne peut pas accepter dans une démocratie que des hommes considèrent comme une sanction normale que l’on croupisse à vie dans une prison. L’application du droit commande d’envisager la libération et la nécessité d’une solution politique ». Mais impossible pour lui de l’envisager, s’il reste des gens en prison. « Ce débat doit permettre d’entrer dans un cycle. Si on veut vraiment inverser la tendance, il faut poser ensemble les modalités de la suite qui appartient au mouvement national et au peuple corse ».

Les familles des prisonniers dans les tribunes.
Les familles des prisonniers dans les tribunes.
Un premier pas ensemble
Pour le député de Haute-Corse et élu de la majorité territoriale, Jean-Félix Acquaviva, qui a interpellé le Premier ministre sur le sujet et signé une lettre avec l’ensemble des parlementaires corses, l’essentiel est de « faire ensemble est un premier pas qui doit en amener d’autres, d’abord obtenir le transfèrement. Nous savons que la charge symbolique et politique amènera à faire bouger les lignes ». Il émet le vœu que cette unité se prolonge « face à l’inacceptable et pour construire la paix. On peut dire sans ambages, eu égard à ce qu’on entend dans les couloirs de l’Assemblée nationale, qu’il y a véritablement une vengeance d’Etat, une institutionnalisation de la vengeance, quelque chose de mécanique et de froid, une feuille de route avec du harcèlement moral pour broyer les familles. C’est important de le dire pour que l’Etat l'entende ». Dans sa question au gouvernement, il parlait de tyrannie et de haine. « Nous avons tous été confrontés à l’injustice de la situation, à des sentiments de haine et de vengeance, Tous ! Rappelez-vous les mots du président Macron à Aiacciu : « ça ne se plaide pas », et les vocables religieux associés à ce crime pour le mettre en dehors du temps, de tout droit ». Pour le député, il faut en faire une force « qui nous conduit aujourd’hui à être en cohésion, à réclamer les voies de la paix et à montrer que nous sommes déterminés ». Le Premier ministre, mentionne-t-il, a, en réponse à la question du député, renvoyé à une commission, le droit de décider de la libération de Pierre Alessandri.
 
Un contexte politique
Le président de Core in Fronte, Paul-Félix Benedetti, défend aussi la formulation « technique » de la résolution : « Explicitement, un texte basique, même simpliste, mais politiquement très fort qui engage la société corse toute entière ». Il replace les faits dans leur contexte : « On n’est pas ici pour discuter d’un fait humanitaire, mais d’un fait politique majeur qui est notre histoire, mais qui est aussi à l’origine de tous les méfaits qui ont porté la Corse sur des mauvais chemins, a porté des hommes naturellement faits pour le bien à commettre le mal. Ce mal a la genèse d’un syndrome des années troubles, ces années 90 où nous avons tous collectivement perdu de nombreux repères de l’humanité. Entr’autres, nous les Nationalistes. Quand le système politique est déshumanisé et manipulé, il y a des actions qui produisent des préjudices irrémédiables. On ne peut pas revenir en arrière, mais c’était il y a 23 ans ! Ce n’était pas la Corse d’aujourd’hui, c’était une Corse qui faisait peur à la France. Il y a eu de nombreux morts entre Nationalistes… et cet acte d’exécution contre le plus haut personnage de l’Etat en Corse n’était pas un acte de délinquant. Ce n’était pas un acte politique au sens noble, mais il est politique par l’essence de sa fabrication ».
 
Un texte libérateur
Le leader indépendantiste signale que de nombreux Corses ont pourri en prison : « Il y en a encore aujourd’hui. Nous viendrait-il à l’esprit d’en parler ? Non ! Il y a une plaie, une cicatrice entre la France et la Corse. Sans annihiler ou amoindrir la portée de l’acte qui est inqualifiable au sens humain, mais peut être expliqué historiquement, il faut trouver les voies de l’apaisement ». Il regrette un « Etat omnipotent et vengeur. Pourtant, la France est un pays traversé par des scénarii d’oubli. L’amnistie, c’est l’oubli. Victor Hugo le dit dans son mémorable discours de 1876 au Sénat pour demander l’amnistie des Communards qui a été obtenue 4 ans plus tard : « Seul l’oubli permet le pardon ». S’il y a en permanence la résurgence des plaies, l’alimentation des haines, il n’y a jamais de pardon, on est tout le temps dans l’invective, la défensive, la surenchère, mais pas dans une logique de paix ». Pour lui, pas besoin de parler de la libération des prisonniers : « Enlever le statut de DPS veut dire une libération à échéance de deux ans. Notre texte est libérateur ! Avec un message puissant : finissons-en ! Donnons une chance à la réconciliation, que le drame d’Erignac soit le deuil de tous ! On doit être capable, même nous, Indépendantistes, d’accepter qu’il y ait, dans cet hémicycle, une plaque à son nom, mais à une condition : qu’on ait soldé définitivement ce problème qui est un fardeau tout autant pour la Corse que pour la France ». A la fin de la session, Simon’ Pà, le fils d’Alain Ferrandi, s’est adressé aux élus, leur demandant de faire vivre ce texte en dehors de l’hémicycle jusqu’au rapprochement et à la remise en liberté des derniers membres du commando.
 
N.M.

La résolution solennelle votée à l’unanimité par l’Assemblée de Corse

« L’Assemblée de Corse
 
DEMANDE que les personnes condamnées dans le cadre de la procédure de l'assassinat du Préfet Erignac, qui sont aujourd’hui libérables eu égard à la durée de détention accomplie,  se voient appliquer les mêmes droits et le même traitement que tout justiciable ;
 
CONSTATE qu'une application normale du droit conduirait à rapprocher sans délai les personnes restant détenues en suite de leur condamnation dans le cadre de ladite procédure ;
 
DEMANDE la levée du statut de DPS les concernant ;
 
DEMANDE en toute hypothèse leur rapprochement immédiat, conformément à ce que prévoient le droit français et européen. »