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Chasseuse de plantes, Florence Weis, est une magicienne des saveurs naturelles


Sylvie Gibelin le Dimanche 3 Septembre 2023 à 19:08

Du maquis à l’assiette, la jeune femme promène son œil aiguisé sur les innombrables herbes et plantes comestibles méconnues qui nous entourent. Après de multiples expériences de vie, cette Ajaccienne se consacre aujourd’hui à une passion qui lui vient de son enfance.



Florence Weis
Florence Weis
Le personnage est haut en couleur, son rire sonore et ses yeux pétillants. Lorsque Florence Weis vous ouvre les portes de sa cuisine, on a comme l’impression de mettre les pieds dans l’antre d’une “chasseuse de plantes” comme elle aime se définir “à l'époque, les chasseurs-cueilleurs étaient mandatés par les pharmacies pour aller chasser des plantes qu’elles utilisaient dans la pharmacopée, et on les appelait chasseurs de plantes. Je cherchais un titre pour qualifier ce que je faisais, et mis au féminin j’ai trouvé que cela interpellait les gens et que ça piquait leur curiosité et les incitait à en savoir plus, je l’ai donc adopté!” s'amuse-t-elle.

La cuisine dans laquelle elle prépare ses commandes de plantes est donc comme elle, généreuse, débordante et surprenante. Les bocaux, les branches à effeuiller, les casseroles qui mijotent, c’est une harmonie d’odeurs et de couleurs. “Mon métier c’est la botanique. Tout ce qui se trouve dans la nature et qui se mange m'intéresse: des champignons aux herbes, en passant par les algues, je cueille ou je ramasse tout ce qui est comestible. Nous sommes entourés de trésors et de saveurs gustatives uniques.”

Née à Ajaccio, Florence a eu une petite enfance difficile, élevée avec sa sœur par une mère seule qui faisait ce qu’elle pouvait pour subvenir à leurs besoins. En plus d’un emploi de secrétaire, cette dernière cueillait herbes, champignons, asperges selon la saison, et les vendait aux commerçants du marché avant d’aller travailler. Un marché sur lequel elle a fini par avoir un stand de fruits et légumes avec son compagnon. “Elle avait peur de nous laisser seules à la maison, alors elle nous emmenait avec elle pour cueillir tôt le matin”. Cette enfance entre femmes a forgé le caractère de battante de la jeune quadragénaire, et c’est comme cela qu’elle a tout appris des plantes, sans même s’en rendre compte.
Aujourd’hui elle utilise cet héritage familial transmis par sa mère et sa grand-mère pour vivre sa passion. Après avoir tenu quelques années le “Potager de la rocade”, avec son ex-compagnon, et à certaines périodes avoir géré en même temps le magasin, un emploi de secrétaire médicale et le stand de sa mère et de son beau-père au marché d’Ajaccio,

Florence n’a jamais baissé les bras, malgré les mauvaises surprises que la vie apporte parfois. Après une séparation et avec l’arrivée de la crise COVID, la “chasseuse de plante” a dû mettre fin à l’aventure du Potager de la Rocade. Jamais à court d’idées, Florence a choisi à ce moment-là de se lancer à fond dans ce qu’elle aime finalement depuis toujours, la chasse aux plantes dans le maquis. “j’ai fait beaucoup de sacrifices, je me suis battue et je continue à me battre chaque jour pour m’en sortir, mais je fais ce que j'aime, je suis libre et je ne dépends de personne ! Et ça c’est un vrai luxe.”

L’idée des balades botaniques lui est venue après plusieurs demandes de personnes qui avaient envie d’apprendre les plantes du maquis. “Il y a 6 ans, comme un coup de poker, j’ai lancé l’idée sur Facebook d’une balade botanique suivie d’un repas à base de plantes et d’herbes, préparé et mangé ensemble. J’avoue que sur le moment je ne savais pas vraiment. Ce que j’allais proposer, mais il fallait que je gagne ma vie !” avoue-t-elle en riant. L’engouement a été incroyable, tout de suite, il y avait tellement de demandes que la chasseuse s’est prise au jeu et s’est lancée à fond, comme dans tout ce qu’elle fait. Du maquis à l’assiette, il n’y avait qu’un pas pour Florence Weis. Et comme son parcours de vie a toujours été jalonné de belles rencontres, elle a su séduire plusieurs tables réputées de l’île avec ses plantes et herbes méconnues ou oubliées “ e travaille désormais avec de grands chefs, étoilés ou ancien étoilé pour certains, comme Murtoli, l'hôtel San Carlu et A Nepita à Ajaccio, le Santana à Sagone, qui subliment leurs plats avec mes herbes. Ils sont devenus des clients fidèles et je les approvisionne toute l’année.”

En été, de nombreux autres restaurants font également appel à ses services, de façon plus ponctuelle. Et depuis quelques mois, elle vend ses cueillettes sur le marché d’Ajaccio les samedis et dimanches. Un stand qui attire de plus en plus, qui surprend avec ses couleurs, ses fleurs et plantes comestibles, même si l’été n’est pas la meilleure période. “En fait, je suis la saison des bergers. J’ai beaucoup de produits en hiver, mais peu en été. Actuellement je vends des fagots d’herbes sèches à faire infuser, des figues, des bouquets d’immortelle, des fleurs de carottes, de fenouil, de menthe. Je glane chez des amis pour les débarrasser des herbes dans les cultures parce que je n’ai pas de jardin. Au marché les gens me félicitent, prennent beaucoup de photos et aiment découvrir ce que je propose.”

Des belles participations
Celle qui a participé à “Un dîner presque parfait” et à la saison 5 d’“Objectif top-chef” prend la vie avec un grand sourire “c’était tellement amusant de participer! J’ai adoré !” Elle apparaîtra même à la rentrée dans une célèbre émission québécoise de télé-réalité “Avec ou sans cash”, tournée à Ajaccio au printemps. Pour rester connectée, Florence propose désormais des recettes sur son TikTok “de la terre à l’assiette”, pour continuer à partager ce dont elle a hérité. Elle commence également à développer des stages de découverte sur plusieurs jours. Elle a même accueilli récemment en stage pratique Luka, un petit garçon ajaccien de 11 ans passionné par les poules et qui rêve d’être fermier. Il l’a accompagnée toute une semaine dans ses cueillettes, ses préparations, sa cuisine “pour lui c’était comme un centre aéré, mais pour apprendre un maximum sur les plantes, je lui ai transmis plein de secrets qu’il utilisera comme bon lui semble pour le bien-être de ses poules et de son jardin”. Luka a tellement aimé sa semaine en immersion qu’il est reparti en pleurs. Le credo de Florence Weis est de “vivre au plus près de la nature, profiter de ce qu’elle nous offre, et se nourrir en harmonie avec elle”. Peut-être est-ce le secret d’une cuisine riche en émotions…"