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CTC : Un pessimisme budgétaire de rigueur


Nicole Mari le Jeudi 7 Novembre 2013 à 22:53

Le débat sur les orientations budgétaires pour 2014, qui s’est tenu jeudi après-midi à l’Assemblée de Corse (CTC), a confirmé l’amenuisement progressif de la marge de manœuvre dont dispose l'Exécutif territorial dans un contexte de gel des dotations de l'Etat et de baisse significative des recettes. Forte néanmoins des apports du PEI qui lui permet de maintenir un certain volume d’investissements, la Corse s’en sort mieux que les autres régions françaises. Mais, pour combien de temps ?



CTC : Un pessimisme budgétaire de rigueur
« C’est un document assez pessimiste ». Le président de l'Exécutif, Paul Giacobbi, ne cache pas ses inquiétudes en présentant le rapport sur les orientations budgétaires pour l’exercice 2014. Il dessine un tableau mitigé, plutôt prudent, des finances de la CTC, tout en se voulant rassurant à court terme, sans occulter l’incertitude qui prévaut à long terme. Face à un contexte national et européen de plus en plus difficile qui ne prête pas à l’optimisme, le président Giacobbi ne se prive pas de détailler le cadre « très contraint » commandé par des causes extérieures. Il liste les éléments négatifs qui pèsent sur les finances territoriales.
 
Des éléments négatifs
Premier élément négatif, la dotation globale de fonctionnement, octroyée par l’Etat, se réduit, comme prévue, de 4 millions € et s’établit à 187 millions €. Elle devrait continuer à s’amenuiser à court terme à cause de la volonté du gouvernement d’économiser 600 millions € sur les subventions publiques aux régions.
Un 2ème souci provient de l’évolution de la valeur du franc suisse par rapport à l’euro qui plombe l’emprunt toxique contracté par la CTC auprès de l’ex-banque Dexia. Cet emprunt pèsera d’autant plus en 2014 sur les finances insulaires que l’Exécutif ne peut plus, comme il l’a fait pendant les deux dernières années, négocier un recours pour bloquer l’évolution des taux.
La 3ème préoccupation est la chute brutale par rapport à 2013 de plus de 26% des recettes sectorielles, à l’exception de celles provenant du tabac.
 
Le fouet de la rigueur
Ces éléments sont d’autant plus inquiétants que le rapport dresse un constat particulièrement morose de la situation économique insulaire en 2013. La Corse, comme les autres régions françaises, subit de plein fouet la rigueur. Le taux de chômage atteint 10,2 %, soit une progression de 12 % en 1 an. Le chômage s’intensifie notamment chez les jeunes et les seniors. L’emploi salarié stagne. Le secteur de la construction manque toujours de visibilité. Le marché de l’immobilier reste en suspens. Les ventes de logements neufs fléchissent de 9%, le niveau d’invendus demeure élevé. La création d’entreprises souffre de la désaffection du statut d’auto-entrepreneur. La fréquentation touristique piétine. Le trafic de marchandises, déjà en retrait, s’affaisse. Seul, le trafic aérien affiche une hausse bienvenue.
 
Une heureuse exception
Dans ce contexte, Paul Giacobbi se veut, malgré tout, rassurant parce que la Corse, à l’inverse des autres régions françaises, dispose encore d’un atout unique : le PEI. Ce Plan exceptionnel d’investissement permet de maintenir un certain volume d’investissements nécessaires pour rattraper le retard structurel chronique de l’île. Un volume estimé à 200 millions € par an avec un montant minimum de 107 millions € d’investissements directs sous maitrise d’ouvrage. « Pour réaliser ces objectifs d’investissements, il faut deux conditions : obtenir un autofinancement de 105 millions € et des recettes sectorielles suffisantes à travers le PEI, les fonds européens du Feder et les contrats de projets », explique le président de l’Exécutif. Il n’exclut pas un nouveau recours à l’emprunt et rappelle que la CTC a sécurisé, en prévision, une ligne d’emprunts auprès de la Caisse des dépôts et consignations.
 
Un équilibre tendu
Néanmoins, ce cadre budgétaire resserré impose désormais à la CTC une nécessaire réduction de ses dépenses de fonctionnement tant intérieures qu’extérieures au niveau des offices et agences. « Il nous faut faire des économies », indique Paul Giacobbi. Le 1er objectif affiché est de limiter à 3% l’augmentation de la masse salariale qui représenterait 29% des dépenses réelles de fonctionnement en 2014. « Nous nous trouvons dans un équilibre tendu, mais pas précaire car nos données sont assez sûres. Rentrons-nous dans la rigueur ? Objectivement, non ! Ce n’est pas encore un budget d’austérité, c’est un budget resserré. Mais, il faudra calculer combien de temps on va pouvoir tenir comme ça ! », conclut-il, circonspect.
 
Le pragmatisme des élus
Le débat sur les orientations budgétaires, qui ne débouche pas sur un vote, est l’occasion pour tous les élus de demander des explications et de faire des propositions censées aider à mieux façonner le budget. Et les élus ne s'en sont pas privés, chacun y allant de sa préconisation.
Comme souvent dans les discussions budgétaires, Jean Biancucci, du groupe Femu A Corsica, débute l’offensive. Il se félicite, et ce n’est pas coutume, du choix de l’Exécutif de faire des économies sur les dépenses de fonctionnement. « Vous affichez la volonté de faire des économies. Il est bon qu’enfin vous en convenez ! Nous vous le disons depuis 2010. Depuis 3 ans et demi, nous sommes pratiquement les seuls à vous demander de changer de cap ». Comme le fait, à sa suite, Antoinette Santoni-Brunelli, du groupe Rassembler pour la Corse, il fustige l’augmentation de + de 25 % des dépenses de personnels et appelle à une « nécessaire mutualisation des personnels entre agences et offices pour réduire la masse salariale ».
 
Un lourd tribut
Le satisfecit accordé par certains élus de gauche à la politique de rigueur du gouvernement suscite le mécontentement d’un autre élu de droite, Jean-Jacques Panunzi, qui ne mâche pas ses mots. « La Corse est la région la plus handicapée de France, la plus aidée et est, en même temps, celle qui participe le plus à la réhabilitation des comptes publics. Nous sommes, ici, pour défendre les intérêts de la Corse et non les intérêts des partis politiques. Aujourd’hui, dans cet hémicycle, on loue les qualités de la politique nationale et du cap fixé. On fait de l’autosatisfaction. C’est scandaleux ! Le gouvernement est en train de nous étrangler ! »
L’analyse est reprise par Paul-Félix Benedetti, élu d’U Rinnovu, qui enfonce le clou : « La Corse paye un lourd tribu au redressement national ». Pour lui, la situation de la Corse est inquiétante : « Il y a pérennisation du déclin ».
 
Un souci social
Un avis partagé par Michel Castellani, du groupe Femu A Corsica, qui estime que « La Corse est mal armée pour affronter l’avenir et le durcissement de la conjoncture. Le corps social est fragile, la population est vieillissante, le revenu médian est médiocre, proche des niveaux de précarité, dans un marché captif ». Les Nationalistes demandent à l’Exécutif de mettre en place des politiques qui permettront d’atténuer la pression de la crise sur la population corse.
Le souci social est, également, mis en exergue par Etienne Bastelica, du groupe Front de gauche. Il insiste sur la nécessité de lutter contre la précarité et de protéger les personnels territoriaux. « Il faudra tout faire pour que nos fonctionnaires ne soient pas pris pour cible et ne deviennent une variable d’ajustement. Les choix budgétaires doivent être raisonnés et transparents et se recentrer sur nos cœurs de compétence, notamment la compétence sociale. Nous voulons un budget d’équilibre, pas d’austérité ».
 
Le pouvoir d’ajustement
Enfin, Antoine Orsini, du groupe Corse Social Démocrate, s'inquiète de la fragilité des ressources fiscales et de l’absence de marge de manœuvre de la CTC. « Ce qui m’inquiète, c’est que notre fiscalité soit aussi affectée et commence même à reculer. Pire que cela, compte tenue de la structure de nos recettes fiscales, nous n’avons aucune prise, aucun pouvoir, aucune marge de manœuvre sur les ajustements fiscaux qui nous sont imposés par décision gouvernementale. Notre seule marge de manœuvre reste notre capacité d’emprunt ». Pour le président de la Commission des finances, il n’y a pas d’alternative : « Nous devons optimiser notre fiscalité existante et mettre en place d’autres fiscalités. Nous avons besoin de ressources budgétaires. Obtenir le transfert des recettes fiscales, c’est bien. Avoir une compétence fiscale, c’est mieux ! On peut, ainsi, agir sur les assiettes et les taux. Sans ce pouvoir d’ajustement, l’autonomie fiscale est un vain mot », conclut-il.
Les élus se retrouveront en décembre pour discuter et voter le budget.
 N. M.